vendredi 27 janvier 2012

PERSONNAGES D'HISTOIRE: le Général de La Riboisière.

LE GENERAL DE LA RIBOISIERE



 La  statue du Général,oeuvre de Récipon, 1893 (collection JPG)





            "Le cheval va revenir !" : c'est souvent ce qu'on a pu entendre en ville après que la municipalité fougeraise eut décidé de replacer la réplique exacte de la statue équestre du Général Comte Jean Baston de La Riboisière sur la place où elle avait été érigée à la suite d'une souscription populaire .
  La statue du Général, lourde de ses cinq tonnes de bronze ,était arrivée en gare de Fougères le 23 Juin 1893.  Accueillie par une foule enthousiaste, elle est conduite  sur la Place- aux -Blés pour y être installée sur le socle de granit  taillé dans les ateliers Larcher  à Louvigné-du- Désert ; elle y trône jusqu'en 1942, sinistre époque de l'Occupation où elle est enlevée pour être fondue sur l'ordre des autorités allemandes.
            Fort heureusement, les moulages avaient été conservés, de sorte que l'œuvre nouvelle,réalisée par le célèbre sculpteur d'Ernée Louis DERBRE (1925-2011), est en tous points semblable à celle produite par le sculpteur parisien  RECIPON ; les vieux Fougerais nostalgiques de leur statue pourraient s'y méprendre.




                                        
 Epreuves en plâtre réalisées pour le concours de 1890
 exposées  dans la tour Surienne de1999 à 2007.
 Collection des Archives  municipales, Fougères.

            La statue attirait tous les regards. Ne la considérait-on pas comme la plus belle de tout le département ! Le cheval, malgré sa qualité artistique, avait cependant un petit défaut puisqu'un petit trou était resté apparent du côté de la queue ; ce qui n'avait pas échappé‚ aux écoliers du quartier qui, après les cours, s'exerçaient à viser cette cible saugrenue avec des petits cailloux et que les Allemands retrouvèrent sans doute lors de la fusion de l'illustre bronze.


Un Héros de l'épopée napoléonienne


            Quoiqu'il en soit et quoi qu'on en ait dit, on ne peut occulter ni l'Histoire, ni les hommes et, en la circonstance, celui qui chevauchait ce beau destrier : notre concitoyen le Général Lariboisière qui reste un grand et fidèle soldat. A travers lui, on ne peut oublier non plus sa famille : son fils Honoré, sa belle-fille Elisa Roy, son petit-fils Ferdinand qui, par leur action politique, humaniste et progressiste marquèrent tant de leur empreinte nos pays de Fougères et de Louvigné et laissèrent le souvenir d'une famille unanimement estimée et respectée.

            Petit-fils d'Ambroise Baston, sieur de Bonnefontaine, conseiller du roi à Fougères et fils de Maître Ambroise Baston, lieutenant général civil et criminel de la sénéchaussée de Fougères, Jean Ambroise BASTON est né à Fougères le 18 août 1759 au n° 41 de la rue de la Forêt. Il descend d'une vieille famille du Poitou, installée à Fougères depuis le XVème  siècle dont une des branches prit le nom de sa terre de La Riboisière située en la commune de Romagné. Le jeune Lariboisière fait ses études au collège Saint-Yves de Fougères, rue de la Pinterie, avant de fréquenter celui de Rennes où il entre après le décès de ses parents en 1774. 
            En 1780, il est admis à l'école militaire de La Fère,ancienne place forte de l'Aisne,. Lieutenant en 1785, il rejoint Valence où il fait la connaissance d'un jeune officier corse au nom bizarre : Buonaparte. Les deux hommes, commensaux de l'Hôtel des Trois-Pigeons, se lient d'une amitié qui se révèlera indéfectible. En 1786, Lariboisière se marie à Fougères avec Marie Jeanne Le Beschu de la Rallaye-Chansavin, fille d'un conseiller du roi. Le marquis de la Rouërie, la famille du Bois-Guy et bien d'autres assistent à la noce. Trois enfants naîtront de cette union.



 Les heures glorieuses


            Peu de temps après son mariage, le lieutenant Lariboisière est envoyé à Douai, puis à Auxonne. Le 1er avril 1791, il rejoint le 5ème Régiment d'Artillerie à Strasbourg avec rang de capitaine. En 1792, il participe à la prise de Mayence aux côtés du général Custine. Chef de bataillon en 1793, Lariboisière est nommé l'année suivante sous-directeur de l'Artillerie à Landau en Allemagne. En trois mois, sa compétence, son sens de l'organisation remettent en état le matériel et les équipements des hommes de l'Armée de Sambre et Meuse alors dépourvue d'équipages et de chevaux. Son humanité sera reconnue par ses artilleurs qui l'appelleront familièrement "Papa Lariboisière".

            Colonel en 1796, Directeur de l'Artillerie en 1798, Lariboisière est chargé de réorganiser les approvisionnements et d'aménager les Services, ce dont il s'acquitte avec génie. On le retrouve à la bataille de Zurich avec Masséna. Général de brigade en 1803, il est muté à l'Armée de Boulogne et promu chevalier de la Légion d'Honneur. En 1805, Lariboisière commande l'artillerie de Soult et dirige le feu à Austerlitz, puis il rejoint la Grande Armée et reçoit une blessure à Iéna. Promu général de division en 1807, il commande l'Artillerie de la Garde Impériale à la bataille d'Eylau après laquelle il reçoit l'insigne de Grand Officier de la Légion d'Honneur. Il prend part à la prise de Dantzig avec le maréchal Lefèbvre, à la bataille de Friedland et à la signature de la paix de Tilsitt. Il est nommé gouverneur du Hanovre, poste qu'il occupe avec ordre et désintéressement jusqu'en 1808. Lors de son départ, il refuse la somme d'argent qu'on voulait lui offrir et accepte seulement quelques boutures du jardin botanique qui se retrouvent de nos jours sous la forme d'arbres magnifiques dans le parc du château de Monthorin à Louvigné.




 Château de Monthorin, Louvigné-du-Désert.( collection M Hodebert)
 
     Il rejoint alors l'Armée d'Espagne et reçoit le titre de comte d'Empire. Au cours de la bataille de Somo-Sierra, alors que Napoléon doit changer trois fois de cheval, l'Empereur s'étonne de voir Lariboisière toujours avec le même. "Sire, lui répond notre Fougerais, c'est un cheval breton !" Puis c'est Essling, Aspern et Wagram où les canons de Lariboisière sont déterminants. Son fils Ferdinand est chargé de porter la nouvelle de la victoire à Joséphine tandis que Lariboisière est nommé Premier Inspecteur Général de l'Artillerie. Il a toute la confiance de l'Aigle et a le privilège de bénéficier des mêmes entrées dans les palais impériaux que les officiers de la Maison Impériale.



  Le  désastre de la  Campagne de Russie



            C'est en vain qu'il essaya de dissuader Napoléon de s'engager dans la campagne de Russie. En 1812, Lariboisière est nommé Commandant en chef de l'Artillerie tandis que les troupes vaillantes mais affamées font reculer les Russes qui se retirent en brûlant tout sur leur passage. Le Fougerais pense qu'on va à la catastrophe ; il n'est pas le seul : Ney, Murat, Berthier sont de ceux-là, mais c'est Lariboisière qui affronte la colère de l'empereur, sans succès car celui-ci refuse obstinément d'entendre raison et exige de reprendre la route de Moscou. Voici la bataille de la Moscova au cours de laquelle Ferdinand de Lariboisière est tué. La mort de son fils aîné a été  un coup terrible pour le général; . "La balle qui a tué mon fils va priver la Patrie de deux bons serviteurs" dit-il en recevant la nouvelle. De fait, le général qui a pris froid par des températures de -30° tombe malade.
 Le 15 septembre 1812, Napoléon entre dans Moscou incendiée ; le 19 octobre commence, dans des conditions effroyables, la terrible Retraite de Russie ; le 25 novembre ce qu'il reste de la Grande Armée se trouve devant la Bérézina. L'état de santé de Lariboisière s'aggrave. Enfin, en décembre, c'est une armée de spectres qui parvient à Koenigsberg en Prusse orientale. C'est là que la mort emporte le général Lariboisière, le 21 décembre 1812.
            Son corps est ramené en France par ses aides de camp et inhumé aux Invalides avec celui de son fils Ferdinand, le 16 février 1813. Son cœur est déposé dans la chapelle de Monthorin et son nom est gravé en lettres d'or sur l'Arc-de-Triomphe de la Place de l'Etoile à Paris.

            Le général Lariboisière ne verra pas l'effondrement de l'Empire qu'il avait cependant pressenti. "La fortune m'a ébloui, j'ai été à Moscou où j'ai cru signer la paix, j'y suis resté trop longtemps !" avouera Napoléon à ses ministres. Peut-être aurait-il dû écouter le conseil de l'ami sincère qui soupait avec lui autrefois à l'hôtel des Trois-Pigeons de Valence. Il aurait ainsi, en tous les cas, épargné bien des souffrances et bien des vies.

                                                                                              Marcel. HODEBERT

 
 La comtesse Baston de la Riboisière, épouse du Général , devant le buste
 de son mari, par Alfred Johannot (1800-1837) .
 Collection des Archives municipales,Fougères.



 

mercredi 25 janvier 2012

LE CHATEAU DU BOIS-GUY: une seconde jeunesse

LE CHÂTEAU du BOIS- GUY, Parigné.


                                  
UNE SECONDE JEUNESSE





La cour d'honneur vue du mail (cliché M. Hodebert)

                                   
Il fait bon  suivre la route de Villamée et s'arrêter au Bois-Guy : les grilles y sont maintenant largement ouvertes , des perspectives   sympathiques se dessinent et le château connaît une seconde  jeunesse.
 Abandonné depuis des décennies, occupé par une exploitation agricole, le château du Bois- Guy a bien failli tomber en ruines.  Vers 1994, une restauration hardie l’a réhabilité  et lui a redonné en partie son lustre d’antan et cette métamorphose continue.
C’est une belle construction du XVIIème siècle, de style Louis XIV, insérée entre une chapelle plus ancienne et  deux  puissantes tours défensives,  dont l’une est édifiée  sur les bases d’un édifice antérieur, sans doute du XVème ou XVIème siècle.






                 Ci-dessus, nous distinguons bien la partie du château qui n’a pas été reconstruite. Les 1er et 2ème étages ont fait place     à une terrasse entourée d’une balustrade de pierre et la tour de droite ne conserve plus que sa base.  





Le corps central du logis est généreusement éclairé par de hautes baies et son toit à la Mansart repose sur une couronne de corniches à modillons ; l’étage supérieur fait alterner frontons triangulaires et curvilignes suivant le goût du classicisme.
Avant que le château ne subisse toutes les agressions du temps et des intempéries, l’intérieur témoignait d’un souci de luxe et de confort évident. Les pièces étaient vastes et bien éclairées, les parquets de marqueterie étaient soignés, les plafonds décorés, les belles boiseries de chêne sculptées apportaient un certain raffinement à l’ensemble, tandis que des cheminées en marbre rose, de style Louis XV, répandaient la chaleur nécessaire à l’existence patriarcale chère aux gentilshommes bretons de l’époque. Au temps de sa splendeur, il existait même une petite salle de théâtre qui témoignait aussi des goûts artistiques de la famille du BoisGuy.

La cour est fermée sur un côté par les anciens communs, de la même époque que le château ; ils ont  retrouvé  une  élégance très  classique avec leurs pavillons à la Mansart, leurs ouvertures cintrées,  leurs oculi ovales,  leurs gerbières également cintrées et ouvragées. Convertis à l’usage de la ferme qui occupait le Bois-Guy, ces communs autrefois dégradés  offrent aujourd’hui de belles salles de réception.




                                                                                        Les anciens communs





   
 La chapelle dédiée à saint Martin, longtemps dépendance agricole, est retournée à  sa vocation première. Elle semble remonter au XVème siècle et elle conserve un beau petit retable du XVIIIème siècle. On y entre par une petite porte de style ogival et, à l’intérieur, une fenêtre flamboyante s’ouvre dans son chevet droit. Cette fenêtre, longtemps murée, a été rouverte lors de la restauration du retable. A l’entrée, une plaque commémorative rappelle aux visiteurs l’engagement   des trois frères, Aimé, Guy et Louis du Boisguy.
   Le château était posé  dans un cadre grandiose avec une grande cour d’honneur,  des douves - encore en partie visibles- et une ceinture de  bois de haute futaie et d’étangs : l’ensemble occupait alors 108 hectares. Peu à peu, les abords immédiats reprennent  leur cachet résidentiel et les jardins  retrouvent  leur ordonnance du Grand Siècle.

   
 Le château en ruines, envahi par les lierres vers1990.( Cliché M.Hodebert)







AIME PICQUET DU BOIS-GUY

 
   
        Le château était la résidence de campagne de la famille d’Aimé Picquet du Boisguy (1726-1839). Aimé Picquet du Boisguy se destinait à  servir dans la marine ; il a treize ans quand la Révolution s’enflamme. D’après son  beau-frère le colonel de Pontbriand,  il a partagé  très tôt l’idéal de La Rouërie, ami de la famille, chef de la Conjuration bretonne ; lors de la révolte de la Saint-Joseph qui éclate  le 19 mars 1793 à Landéan ,il prend la tête de l’insurrection chouanne :   il a alors quinze ans . Il dirige en redoutable tacticien une longue guerre d’embuscades dans les pays de Fougères et Vitré . En 1796, le comte de Puisaye qui tente de fédérer la Chouannerie le nomme général de l’armée de Rennes et Fougères.
     Longtemps irréductible, il ne cesse les hostilités qu'en 1800  mais il refuse de pactiser avec le Premier Consul qui lui offre d’entrer dans l’armée impériale . Avec le retour de Louis XVIII en 1815, il reprend un commandement militaire à Mézières dans les Ardennes et à Reims pendant la période du sacre de Charles X  mais , par fidélité aux Bourbons, il  refuse de reconnaître la Monarchie de Juillet en 1830.
Marcel Hodebert et Jean-Paul Gallais.
Clichés : Marcel Hodebert.      

                                               


                                          Lien :       http://www.bois-guy.fr/










Visite sympathique, Rallye 2012. (cl J.P.G.)
















 

vendredi 20 janvier 2012

SITES de MEMOIRE: MARIGNY

MARIGNY ENTRE HISTOIRE ET LITTERATURE



      Souvent, il m’est arrivé de conduire des visiteurs à Marigny. A chaque fois se reproduit la même expérience : ces lieux ne laissent personne indifférent ; bien plus ils provoquent le même charme, le même envoûtement, conclu la plupart du temps par le silence. Sans aucun doute, Marigny, avec sa chapelle et son bois dominant l’étang, constitue l’un des plus beaux sites du pays de Fougères.
 Le mot lui-même est élégant, harmonieux, déjà sorti de ses racines bocagères pour voguer vers d’autres horizons où se sont croisés les destins des nations. Paris n’a-t-il pas son hôtel Marigny où l’Etat français accueille certains de ses hôtes ?
     Un ancrage historique

    Marigny, c’est toujours ce même visage de Janus. D’un côté la terre profonde et ses sortilèges, de l’autre les aventures de l’esprit. Le tertre qui donne au site son allure et son mouvement depuis la nuit des temps a dominé des masses fangeuses et des broussailles épaisses. Les vestiges préhistoriques ne sont pas loin, nous rappelant qu’ici l’homme n’a cessé de sentir une présence, une force le tirant de lui-même pour l’inviter à chercher d’autres sources que matérielles. Jamais un lieu n’a été élu au hasard : les moines ont su choisir l’espace qui doit les accompagner tout au long de leur quête spirituelle ; les églises ont été voulues comme flambeau au dessus de la vague des siècles ; les écrivains se sont inscrits dans des demeures en profonde symbiose avec leur environnement.



Chapelle Saint-Jacques de Marigny
face à l'ancien château disparu (copyright SHAPFougères)

       Dès le Moyen Age, s’y installa l’une de ces seigneuries qui quadrillaient le territoire et constituaient comme autant d’espaces protecteurs. Des Marigné aux Gefflot, les familles se sont succédé jusqu’à la Révolution qui prétendit refaire les hommes et les territoires. Ce sont les Harpin, d’une lignée de magistrats, qui ont commencé à faire de Marigny ce qu’il est demeuré jusqu’à nos jours. Jacques, le premier du nom, avait épousé Jeanne du Hallay, fille du seigneur de Landéan. Sa promotion sociale le conduisit jusqu’à la charge de Président du Parlement de Bretagne. Après avoir aménagé le château, tracé le parc et fortifié le site, il ne put profiter longtemps de son travail. La guerre civile de la Ligue le plaça forcément dans un camp : il choisit de rester fidèle au roi de France contre le duc de Mercoeur, gouverneur de la province, qui tenta d’occuper à son profit le siège ducal. Par mesure de représailles ce dernier saccagea château et chapelle de Marigny. Jacques Harpin, par décision d’Henri IV, retrouva la libre possession de ses biens en 1589 mais il n’avait plus l’énergie nécessaire pour tout recommencer. C’est son fils François qui prit le relais comme héritier des charges et prérogatives mais aussi comme maître des lieux. Son mariage avec Thomasse Champion de la Chesnardière, fille de riches teinturiers, consolida sa fortune et lui permit de restaurer le château et la chapelle qui porte le millésime de 1573, avec les armoiries des Harpin et des Champion. La chapelle est placée sous le vocable de saint Jacques, en mémoire du père sans doute, mais n’oublions pas non plus que nous sommes là sur l’un des chemins qui, du Mont Saint-Michel, conduit vers Saint Jacques-de-Compostelle. La fille unique du couple épousa Jacques de Malnoë, plus intéressé par la littérature que par la gestion de ses terres. En 1655, Marigny devint propriété de la riche veuve d’un marchand cirier du quartier de Saint-Sulpice, Jean Gefflot. L’un de ses descendants portant le même prénom, épousa en 1780 Marie-Anne de Chateaubriand, la sœur de l’écrivain, avec laquelle il conserva des relations régulières.
   Au moment des guerres de la chouannerie, Mme de Marigny n’hésita pas un seul instant à prendre le parti pour les révoltés, ce qui lui valut de la part de Loysel, commissaire du district de Fougères, ce qualificatif peu amène : »la plus puante aristocrate que je connaisse » Le château perdu dans l’entrelacs bocager abrita en 1796 une rencontre secrète entre Puisaye, général en chef de l’armée catholique et royale de Bretagne, et plusieurs responsables de la rébellion royaliste, dont Aimé Picquet du Bois-Guy, le colonel de Pontbriand et Henri de Boishamon. L’année précédente, en juin 1795, profitant d’une trêve entrecoupée pourtant d’escarmouches, Mme de Marigny rassembla dans la chapelle soixante-dix-neuf enfants des paroisses de Saint-Germain et du Châtellier pour une retraite préparatoire à leur première communion, prêchée par un prêtre réfractaire, l’abbé Joseph-Julien Sorette, originaire du voisinage, qui avait ouvertement repris pour quelques mois l’exercice de ses fonctions. Il devait périr assassiné par les Bleus, le 4 décembre1799.


   Un site inspiré


     A plusieurs reprises, Chateaubriand vint à Marigny et, bien des années plus tard, dans une lettre, Mme de Marigny rappelle qu’au seuil du salon du château, il y avait une espèce de mansarde où François-René allait écrire et rêver, et dans laquelle Lucile, la sœur très aimée, avait dressé un petit autel de l’amitié.
      En 1810, Marigny fut vendu par le gendre de Mme de Marigny, devenu veuf, au général baron de Pommereul. Dans une note des Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand précise : « Marigny a beaucoup changé depuis l’époque où ma sœur l’habitait. Il a été vendu et appartient aujourd’hui à MM de Pommereul qui l’ont fait rebâtir et l’ont fait embellir ». C’est au début des années 1830 que fut édifié ce nouveau château, de style classique, avec péristyle orné de quatre colonnes en granit provenant de l’ancienne salle de Mortemart dans le château de Fougères, également propriété des Pommereul.




    C’est chez ces derniers que Balzac séjourna lors de sa venue à Fougères pour y préparer son roman Les Chouans. Le fameux épisode du château de la Vivetière a pour cadre Marigny avec ses deux étangs séparés par une chaussée. Le site des Couardes, tout proche, est aussi utilisé par le romancier : «un bassin semi-circulaire, entièrement composé de quartiers de granit, formait un amphithéâtre dans les informes gradins duquel de hauts sapins noirs et des châtaigniers jaunis s’é levaient les uns sur les autres en présentant l’aspect d’un grand cirque ».

     A la suite d’un incendie, le château fut détruit dans les années 1920. Seule demeure la chapelle désormais protégée et entretenue par la Société d’Histoire et d’Archéologie du Pays de Fougères qui en est propriétaire après cession pour un franc symbolique par le vicomte Déan de Luigné, descendant des Pommereul par sa mère. Déjà un arrêté en date du 23 avril 1938 avait classé la chapelle et ses environs immédiats. « L’ensemble formé à Saint-Germain-en-Coglès (Ille-et Vilaine) par la chapelle de Marigny et ses abords, parcelle cadastrale n° 1068,1069, 1070 section A, est classé parmi les sites et monuments naturels, de caractère, artistiques, historiques, scientifiques, légendaires ou pittoresques ». Les légendes, en effet, n’ont pas manqué de naître dans un tel lieu si favorable à l’imagination. La première raconte qu’une ville est engloutie dans les profondeurs de l’étang du château ; parfois, au cœur de la nuit, ses cloches se mettent à sonner. La seconde concerne les Couardes : la pierre du sommet va boire chaque année au ruisseau voisin pendant la nuit de Noël. Malheur à celui qui se trouverait sur son passage !
Marigny poursuit sereinement sa route au fil de l’histoire. La chapelle accueille volontiers les visiteurs qui acceptent de quitter l’agitation et le bruit des villes pour trouver un lieu où le meilleur de l’homme peut encore s’exprimer dans le silence et la contemplation.

                                                                                 Bernard Heudré
 Président de la Société d’Histoire et d’Archéologie du Pays de Fougères.