samedi 24 mars 2012

: ABBAYE DE SAVIGNY IV : la décadence


             L'ABBAYE DE SAVIGNY  sur la pente de la décadence



Ruines de l'abbaye dessinées d'après nature par Victor Pacoy en  octobre 1817, copiées par M.de Malfilastre en 1833(,31.3x23.5).   En 1817, on distinguait encore le vaisseau de l'abbatiale envahi par la végétation et l'imposant pavillon des hôtes.Collection des dessins (cote 135), Médiathèque de Fougères.( Cliché protégé .)


 LES VICISSITUDES DE L'HISTOIRE

       Si l'abbaye a connu son "âge d'or" au cours des XIIIè et XIVè siècles, le déclin ne va pas tarder.  La  prospérité de  Savigny est d'abord fragilisée par la guerre de Cent Ans : l'abbaye  est occupée par la troupe de pillards anglais du capitaine Venables ; libérée en 1433, elle se relève dans la seconde moitié du XVè mais, en 1517, elle tombe sous le régime de la "commende" : le roi peut désigner lui-même l'abbé d'un monastère. Les abbés dits "commendataires , choisis parmi les  membres du clergé le plus souvent mais aussi parmi des laïcs, bénéficient du tiers des revenus de l'abbaye et peuvent cumuler plusieurs  "commendes". Très souvent, ils ne résident pas à l'abbaye ou se contentent d'y passer quelques jours par intérêt...La communauté monastique est alors dirigée par un prieur claustral. Savigny a connu une exception : Dom Claude du Bellay, abbé commendataire de 1588 à 1603, demeurait sur place.
       Le système de la commende est fatal pour la vie monacale : il entraîne un relâchement de l'idéal et de la discipline.  A Savigny, le nombre de moines ne cesse de  baisser, ils ne sont plus qu'une trentaine vers 1550.
      Pendant les guerres de religion, l'abbaye est envahie en 1562 par les Huguenots qui y répandent le massacre, le pillage et mettent le feu à l'abbatiale. A la fin du siècle, Dom Claude du Bellay, alors abbé résident, s'efforce d'achever la reconstruction et d'y donner le goût de l'étude. Mais, au cours du XVIIè, l'abbaye se vide, les moeurs se relâchent à tel point que, dans l'élan de la réforme cistercienne dite "de stricte observance", l'abbaye-mère de Cîteaux tente un redressement moral et spirituel en envoyant vivre  sur place quelques moines;ce retour à l'austérité est  fort mal accepté.

L'ESPRIT DU XVIIIè SIECLE

      Pendant ce temps, les revenus de l'abbaye continuent à grossir alors  qu'elle accueille de moins en moins de religieux, à peine une quinzaine au début du XVIIIè. On entreprend une nouvelle construction, le "pavillon des hôtes",  dans le style des riches demeures spatieuses et lumineuses du XVIIIè  avec un corps central et deux ailes symétriques.  Les inventaires de 1743 et 1790  laissent imaginer un aménagement cossu avec, de part et d'autre d'un grand escalier, le "salon de compagnie" et la "grande salle à manger" lambrissée, neuf chambres luxueuses à l'étage et les appartements privés du prieur. L'immense dortoir des moines (107m. en longueur)  est transformé en chambres et appartements. Savigny, lieu d'ascèse et de sainteté à l'origine, est en train de se métamorphoser en une nouvelle Thélème...


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 Maquette de Louis Saint-Pois : au fond, derrière le cloître, le pavillon des hôtes.




                 Partie refaite et sans doute  très approximative de l'hôtellerie du XVIIIè avec sa façade de granit
                                 en grand appareil; le pavillon de l'hôtellerie faisait, lui, 53 mètres de long.


             En 1745, on édifie  par surcroît sur le coteau de  Beaufour,à l'écart de l'abbaye, une résidence de campagne et  de jouissance assez fréquentée. Ce train  de vie  laxiste et opulent,attesté par les comptes de l'abbaye,  est mal perçu par le clergé séculier et les villageois de Savigny qui font courir sur ces joyeux épicuriens rumeurs  de débauche et chansons légères que la tradition orale a longtemps colportées. 
         L'esprit du siècle avait soufflé sur ces bons bourgeois  amateurs de plaisirs, lecteurs "éclairés", ouverts aux idées nouvelles ; à la veille de la Révolution, l'abbaye de Savigny compte encore 14 moines et 3 novices et elle n'est pas si mal pourvue car sur les 228 monastères cisterciens demeurés ouverts en France à l'époque, la plupart ne sont plus habités que par 2 à 10 moines, exception faite de Cîteaux, Clairvaux, la Trappe. La Révolution aura vite fait de balayer une institution souvent chancelante dont l'aisance matérielle  paraît  très insolente aux yeux du peuple.

               LE DEMANTELEMENT PROGRESSIF

        Au cours de l'été 1790,  treize religieux sur quatorze de Savigny prêtent  le serment  constitutionnel. Le 15 décembre de la même année, ils sont chassés de l'abbaye et  échouent dans les paroisses avoisinantes où ils remplacent les prêtres réfractaires ; ainsi les paroisses de Louvigné-du- Désert et de Parigné ont eu leur moine constitutionnel, d'ailleurs très mal reçus. Dès leur départ,  l'abbaye est ravagée et pillée frénétiquement. Sa fermeture pendant deux ans n'empêche pas les dégradations puisqu'elle n'est pas gardée...
Les reliques tant vénérées des Saints de Savigny sont portées dans l'église paroissiale où elles se trouvent encore.
         En 1791, on met en vente les fermes du monastère, une quarantaine dans la  contrée  de  Mortain, dont 26 sur la commune de Savigny, ainsi que les 9 étangs des moines réunis en un lot.
         Après une longue période de vacance, l'ensemble monumental, les jardins et dépendances sont adjugés en juillet 1793 au dixième de leur valeur à Joseph Jacquemont et Jean-Charles Ruault, habitants des environs.

         Comme des Vandales, les Jacquemont se chargent d'éventrer l'abbaye et d'en tirer profit : ouvrages d'art et objets précieux,  piliers romans, boiseries, grilles et portes ouvragées sont disséminés dans la région,  pour le bonheur de quelques amateurs éclairés ; les pierres médiocres ont dû encaisser les chemins, jusqu'à Mortain et au delà, dit-on. En 1845, Arcisse de Caumont , fondateur de la Société française d'Archéologie sauve la porte Saint-Louis , elle est devenue monument historique.




 Plan au sol de l'abbaye réalisé par F.Pougheol, architecte,1983. En rouge,les vestiges actuels
visibles hors du sol.
http://fr.wikipedia.org/wiki/abbaye_de_savigny
 

               L'abbaye n'est plus qu'un champ de ruines: rien, à part quelques pans de murs, ne laisse imaginer la grandeur, la spiritualité et le rayonnement d'un lointain passé.Au fil du temps, la fondation semble s'être retournée contre  son fondateur Vital, apôtre de l'ascèse et de la pauvreté .  L'Histoire elle-même,avec ses  débordements et ses paradoxes,a déchiré la trame que les siècles avaient tissée;il reste le silence et l'insignifiance , ce à quoi les premiers moines aspiraient...

Ruines de l'abbatiale.
                                                                                                        Texte et photos:
                                                                                                       Jean-Paul Gallais  


 A l'occasion du 900ème anniversaire:
 Colloque de Cerisy : L'abbaye de Savigny, un chef d'ordre anglo-normand.
http://www.ccic-cerisy.asso.fr/programme.html


 Sources: bibliographiques:
 - articles  de J. Durand de Saint-Front et du Général Jean Barreau   parus dans le bulletin  de la Société d'Histoire et d'Archéologie du Pays de Fougères,déjà cités.
- "Savigny-le Vieux"  brochure collective éditée par "Terroirs 2000".






vendredi 16 mars 2012

Personnages d'Histoire:L'abbé HENRI MANCEL


L’Abbé Henri MANCEL, pionnier
du syndicalisme agricole.


Eglise de Monthault,XV-XIXè. 


             Un film documentaire diffusé sur France 3 en 2002, intitulé « Des poissons rouges dans le bénitier » évoque l’histoire de trois abbés démocrates qui marquèrent de leur empreinte la ville, le pays de Fougères et bien au-delà. Il s’agit de Félix Trochu co-fondateur du journal « L’Ouest-Eclair » avec Emmanuel Desgrées du Lou ; de Henri Mancel et de Louis Bridel. L’auteur de ce documentaire aurait pu aussi ajouter l’abbé Auguste Chesnais ou encore, à Vitré, l’abbé Crublet. S’attirant les foudres de leur hiérarchie et l’inimitié des notables, créant syndicats, coopératives, caisses de crédit mutuel, journaux voire même des banques, ces curés républicains dérangent, mais ils  deviennent ,malgré les énormes difficultés qu’ils ont dû affronter, des précurseurs dont la Bretagne porte encore la trace aujourd’hui.






L’abbé Henri Mancel est né à Bain-de-Bretagne le 12 octobre1878; ses parents exercent la profession de marchands de tissus. Dès 1910, il est membre du mouvement Le Sillon créé par Marc Sangnier. Ce mouvement social apparaissait révolutionnaire à beaucoup  alors qu’il était en conformité avec l’encyclique du pape Léon XIII « Rerum Novarum » qui voulait dire « Du progrès  », publiée en 1891 et qui marqua, non sans beaucoup de difficultés, le début de la doctrine sociale de l’Eglise. Rendre sa dignité aux plus pauvres, notamment à la classe ouvrière, n’était pas dans l’ordre des choses jusque là. Un grand malentendu s’installa parfois entre la hiérarchie catholique et les prêtres démocrates qui travaillaient à ce rétablissement bien légitime. Le clergé, en général, était resté conservateur. Les « curés rouges », comme on disait parfois, faisaient désordre et leur position n’était guère enviable. Pourtant, certains, comme ceux que nous avons nommés, tenaient bon contre vents et marées.




L’abbé Mancel est de ceux-là. Ordonné en 1902, dans un climat politique difficile pour l’Eglise catholique qui préfigure les lois sur l’enseignement laïc et la Séparation des Eglises et de l’Etat, Henri Mancel attire très tôt l’attention des autorités diocésaines qui n’appréciaient guère ce courant de pensée. Leur réponse s’exprime par la tactique habituelle : le prêtre un peu trop libre d’esprit est exilé à l’une des extrémités du diocèse, dans une paroisse exiguë si possible. Son champ d’action s’en trouve réduit d’autant . Après son ordination en 1902, l’abbé Mancel, licencié en théologie, est nommé vicaire à Bourg-des-Comptes en 1903, puis à Lalleu en 1906, à Monthault en 1912 et enfin à Gévezé.



Monthault vers 1910.


Comme Mancel déclare haut et fort qu’il est républicain et affiche ouvertement ses convictions, il est « exilé » à Monthault, petite paroisse un peu oubliée aux confins de la Normandie et de la Bretagne, où il  est nommé  vicaire en août 1912. Cette mise à l’écart ne calme pas ses ardeurs, au grand dam du clergé de Monthault et des environs resté quelque peu nostalgique de la monarchie. Aussi lorsqu’il fit jouer la Marseillaise au cours d’une messe et fait applaudir l’apposition d’une plaque commémorative de la Première République, le scandale est à son comble chez les conservateurs qui ne manquent pas d’en informer l’archevêque, ce qui n’arrange guère sa situation auprès des autorités religieuses. Mobilisé en 1914, l’abbé Mancel doit quitter Monthault pour rejoindre le front, ce qui calme un peu les esprits, pour un temps du moins. Après la Guerre, en 1919, il revient à Monthault et reprend son combat en faveur des petits paysans. La sanction tombe aussitôt : il est exilé vers une autre extrémité du diocèse, Gévezé. Mais cette fois, Mancel refuse et préfère se retirer à Bain-de-Bretagne où il vit comme prêtre libre. Dès 1920,  il est démis de tout ministère paroissial par l’épiscopat et, le curé de Bain lui refusant l’entrée de son église, l’abbé Mancel célébre sa messe dans un oratoire qu’il s’est aménagé chez lui.





Très tôt, il s’est intéressé aux problèmes du monde agricole et a été sensibilisé à l’asservissement des exploitants agricoles par les grands propriétaires terriens, notamment par la noblesse locale. Fort de cette doctrine sociale, l’abbé Mancel incita donc les fermiers à s’organiser en syndicat. Ce sera l’origine du « Syndicat des Cultivateurs-cultivants » créé par réaction au « Syndicat des Lices », dominé par des propriétaires terriens de sensibilité nationaliste, corporatiste et antisémite. Son syndicat est exclusivement composé de petits fermiers qui exploitent eux-mêmes leurs terres et qui exercent la profession agricole. Huit ans après sa création, la fédération syndicale qui est devenue « La Ligue des Paysans de l’Ouest » compte 200 syndicats en Ille-et-Vilaine et dans les Côtes-d’Armor et quelque 15.000 adhérents.  Elle est en position dominante aux élections des Chambres d'Agriculture  dans l'arrondissement de  Rennes.



         Les syndicats de Mancel  contribuent à une évolution profonde des mentalités et à l'éclatement de la société rurale: ils s'attirent de nombreux adversaires.Après une intervention infructueuse du marquis de Vogué à Rome, le cardinal Charost se lance dans le combat contre l’œuvre de Mancel. Il fait appeler un autre prêtre, l’abbé Brassier, pour engager la contre-offensive et rallier dividuellement les syndicats de cultvateurs-cultivants. Envers et contre tout, Henri Mancel et ses collaborateurs maintiennent leurs positions, jusqu’à ce que le prêtre se heurte à des oppositions au sein de son propre mouvement menées, semble-t-il, contre lui à la suite d’interventions épiscopales. En décembre 1930, l’abbé Mancel est définitivement écarté après un retournement de majorité au sein du conseil supérieur d’administration du syndicat


          Ainsi contesté, soulevant l’opposition de la noblesse et des grands propriétaires, l’abbé Mancel, dépité et amer, va s’éclipser de la scène syndicale  Malgré la profonde souffrance ressentie par tant d’incompréhension, il ne reviendra jamais sur ses positions et défendra jusqu’à la fin de sa vie « le droit du paysan à vivre de la terre qu’il travaille ». Retiré à Bain-de-Bretagne, sa commune natale, il y meurt le 30 janvier 1954.


Avec les « abbés démocrates », Henri Mancel est à l’origine d’un mouvement social profondément réformateur. Son mouvement  marque une étape importante de l’histoire du catholicisme social. Il a été longtemps une référence comme figure pionnière de l’action menée plus tard par les militants de la Jeunesse Agricole Chrétienne (J.A.C.) qui s'est implantée en  Ille-et-Vilaine à partir de 1929. La J.A.C. ne se donnait-elle pas pour objectif de participer à l’émancipation des jeunes agriculteurs, de les sortir de leur isolement et de défendre l’exploitation familiale ?


  Texte et photos: Marcel Hodebert.
              Page connexe: Bernard Heudré,Fougères, le Pays et les Hommes, 1980.


           
        Sur l'action de l'abbé Louis Bridel au service des oeuvres sociales:

                         Page  de juillet  2012 sur ce site.



dimanche 11 mars 2012

ABBAYE de SAVIGNY III: l'essor

  ABBAYE  de  SAVIGNY : essor et décadence.








   L'ESSOR

           Dans la forêt de plus de 300 hectares concédée par le comte de Fougères Raoul Ier en 1112, la communauté  réunie autour de Vital s' établit de façon assez sommaire près du ruisseau du Moulin du Pré "sur les ruines de l'ancien château des seigneurs de Fougères" écrit Dom Auvry ; peu à peu, les  dépendances s'élèvent et  la première église en bois, commencée par saint Vital, achevée par son successeur saint Geoffroy, est dédicacée en 1124 et dédiée à la Sainte Trinité. A cette fête assistent les évêques d'Avranches et des diocèses voisins, les seigneurs des environs venus reconnaître la nouvelle abbaye et offrir leurs libéralités ; le fils de Raoul Ier, Henri, baron Fougères, qui d'ailleurs  se fera moine à Savigny,  se distingue par  sa générosité, suivant en cela l'exemple de son père.
         
         Geoffroy, abbé de 1122 à 1139, organise la vie claustrale et institue le premier chapitre. La communauté compte alors plus de cent moines et elle essaime surtout en Normandie et en Angleterre. Au milieu du XIIè siècle, l'abbaye de Savigny rayonne sur trente-deux abbayes-filles au nombre desquelles figurent : l'abbaye Blanche de Mortain ( 1112),  celles de Vaux-de Cernay (1118), d'Aunay-sur-Odon et de Villers-Canivet (1127) près de Caen, de Barbery près de Thury-Harcourt, de Beaubec, de Foucarmont, de Breuil-Benoist, de Lannoy en Haute-Normandie, de Soligny-la-Trappe (1122) et de Saint-André-de-Gouffern dans le Perche : elles atteignent le Nord avec Longvilliers, l'Anjou et la Bretagne où sont implantées les communautés de Chaloché (1129), de La Boissière (1131) près d'Angers, de La Vieuville (1137) près de  Dol-de-Bretagne.


Extensions de l'abbaye de Savigny au milieu du XIIè siècle.
Savigny-le- Vieux, Terroirs 2000.




      LA FUSION AVEC CITEAUX



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 manuscrit  de Dom Auvry,
 médiathèque de Fougères ( ms VII)
              A ce stade de son évolution, l'abbaye de Savigny compte treize monastères en Angleterre et un à Dublin : leur nombre croît régulièrement . Cette extension considérable commence à poser problème : certaines abbayes anglaises  souhaitent s'affranchir de la tutelle de l'abbaye-mère de Savigny, principalement celle de Furness qui a déjà essaimé sur plusieurs sites. Pour éviter toute sécession, après avoir pris conseil près de saint Bernard, Serlon, quatrième abbé de la Congrégation, choisit de réunir la famille de Savigny à celle de Cîteaux dont elle se sent très proche ; la fusion se fait en 1147 avec l'accord du Pape Eugène III. Savigny devient la cinquième  filiale de l'ordre cistercien.


              LA CONSTRUCTION DE L'ABBATIALE


           Dans la seconde moitié du XIIè siècle, on édifie en pierre la crypte Sainte-Catherine : elle  aurait abrité temporairement  les tombeaux de saint Vital et des premiers abbés, d'Adeline, première abbesse de l' Abbaye Blanche de Mortain et les gisants des premiers fondateurs.  A partir de cette époque, les moines entreprennent de construire en pierre l'ensemble monastique. En 1173, l'abbé Josselin décide d'élever une nouvelle abbatiale inspirée de celle de Clairvaux, vaste chantier coûteux qui s'étale sur vingt-sept ans malgré le grand nombre des chartes de donation et les encouragements du Pape en 1184.  Elle mesurait 82 m. en longueur  et présentait 50 mètres en largeur dans le transept,  et 26 mètres 60 dans la nef , ce qui faisait d'elle l' un des sanctuaires les plus imposants de l'Ouest .  Les neuf chapelles de l'abside s'ouvraient sur le choeur.  L'abbatiale a été amplement décrite  par l'historien Hippolyte Sauvage dans son ouvrage "Saint Vital et l'abbaye de Savigny" pages 63 à 67, accessibles sur ce lien de la BNF :


                                                          http://gallica.bnf.fr

       L'abbatiale aurait été achevée en l'an 1200 et consacrée en 1220 ; la vénération des saints fondateurs s'amplifiant, on transfère en 1243 les reliques de saint  Vital et des saints de Savigny  de la crypte Sainte-Catherine dans la nouvelle abbatiale. Cette fête de la Translation attire une foule considérable - les Chroniques  l'estiment à 100000 personnes, chiffre impressionnant et magique comme dans les contes... Les tombeaux des saints Vital, Pierre d'Avranches, Hamon, Guillaume Niobé, Geoffroy sont disposés  autour du choeur. Les bienfaiteurs  continuent de combler l'abbaye de  terres,  de fermes et métairies, dîmes, vignes, moulins... Le catalogue des Chartes mancelles de l'abbaye de Savigny  des Archives Nationales (M.C. Guilbaud)  consultable sur le lien  indiqué en fin d'article est éloquent sur la nature et le nombre des dons.

Maquette réalisée par L. Saint-Pois, exposée sur le site.

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 Détail: le cloître.
                           


            Vers la fin du XIII ème siècle, l'abbaye connaît une belle prospérité ; elle compte environ 300 moines et les bâtiments conventuels sont à la mesure de son rayonnement. Le cloître  présente des  arcades sobrement ornées soutenues par 124 colonnettes  assemblées par couple et la cour est agrémentée d'un  bassin au centre duquel s'élève  une colonne - un obélisque, dit-on à Savigny,_-surmontée d'une croix. Plusieurs tombeaux  ou gisants de seigneurs bienfaiteurs et d'abbés  sont  déposés à l'ombre du cloître, comme dans l'abbatiale. Ce cloître communique avec le réfectoire  par la porte romane Saint-Louis ainsi nommée en souvenir du passage du roi Louis IX à son retour de pélerinage au Mont-Saint-Michel en 1256 ; elle seule est demeurée sur place et devenue le symbole de  la grandeur  passée ; le réfectoire qui  date du début  du XIIIè est  alors composé de deux salles superposées, voûtées sur  piliers dont certains ont peut-être  été réutilisés dans l'église de Fougerolles -du- Plessis.



Portail de communication entre l'abbatiale  et le cloître, XVè. Demeure privée.
 Les quatre niches décorées chacune de colonnettes  et d'un arc en accolade abritaient
 les saints de Savigny : Vital, Geoffroy, Pierre d'Avranches et Hamon, selon H. Sauvage.
 L'arc supérieur en chaînette est  coiffé d'une croix posée sur une fleur de lys.
 La porte très ouvragée  s'insère dans un bel arc surbaissé:

Décoration composée de motifs géométriques et végétaux et de six apôtres portant
 leurs symboles ou  les instruments de leur supplice ;
 au centre , sainte Barbe, près de sa tour,XVè siècle.


       Au fil des années, on agrandit , on reconstruit et on embellit au moins jusqu'au XVè siècle.  Depuis la fondation, le domaine  foncier de l'abbaye n'a cessé de s'accroître à la faveur  des dons et l'esprit de  pauvreté  cistercienne - Cîteaux  avait été fondée en réaction contre Cluny par volonté de retrouver l'austérité monacale -  semble s'être éloigné.  Peu à peu, la communauté  perd des effectifs.  Les soubresauts de l'Histoire vont hâter son déclin. 

Dépendances de l'abbaye, sur le coteau sud : chapelle du Désert
près de la léproserie, XVè. Propriété Prévoyante Savinienne.


         Ancienne léproserie du Désert , édifiée à la fin du XIIIè, remaniée au XVè
 On y a  découvert des fresques du XVè, aujourd'hui protégées  mais non
 accessibles. Demeure privée, propriété de la Communauté de communes
 de Saint-Hilaire-du-Harcouët. 


   Chartes Mancelles:
                   -   site:   ww.persee.fr/web/revues/home/prescript

                   -    Pichot Daniel, Les cartulaires manceaux de l'abbaye de Savigny...
                           Revue de l'Avranchin et du pays de Granville, tome 53, 1976.


      Documents  bibliographiques  complémentaires :


  -    Outre les ouvrages déjà cités et les articles parus dans le  Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie du Pays de Fougères ou la revue de l'Avranchin :

 - conférences  sur l'abbaye de Savigny à l'occasion du 900ème anniversaire le 28 janvier 2012 à Fougères.

- étude de Murielle Radigue sur l'abbaye de Savigny parue dans  Le Pays de Fougères nos 142, 145, 146.


                                                                                                                  
                              Texte  et photos :Jean-Paul Gallais.