samedi 29 juin 2013

LES ARCHIVES DE LA HAYE- SAINT-HILAIRE


 

 La donation des  archives DE LA HAYE-SAINT-HILAIRE à la Ville de Fougères


 

HISTORIQUE DU FONDS

 

 

Monsieur le Comte Lionel de LA HAYE-SAINT-HILAIRE, descendant de la longue lignée qui s’est succédé depuis plus de neuf siècles au château de La Haye, en la commune de Saint-Hilaire-des-Landes, très soucieux du devenir de ses archives familiales accumulées depuis des siècles, a, en avril 2012, sollicité la Ville de Fougères pour leur prise en charge.
 
 

 Château de La Haye-Saint-Hilaire, Saint-Hilaire-des-Landes. 


 

 

Monsieur de La Haye-Saint-Hilaire motivait sa demande par le fait que sa famille était très liée à la ville de Fougères, puisque quatre de ses aïeux en furent les gouverneurs[1]. Il manifestait également son souci de la conservation d’un fonds familial très important couvrant une longue période allant du XIIIème au XXème siècle, que seul un service public pouvait offrir et mettre à la disposition des chercheurs et des historiens dès qu’un classement serait effectué et qu’un inventaire complet en serait dressé.





 La tour  carrée de  la Haye Saint-Hilaire, percée de multiples
 meurtrières, fin du XIIè (collection  privée).
  

 
 
  Le Service des Archives municipales de la ville pouvait effectivement répondre à cette demande. Le maire de la Ville, Louis Feuvrier, ainsi que son adjointe à la Culture, Mme Gautier-Bouguet, après avoir rencontré M. de La Haye-Saint-Hilaire, ont convenu de la signature d’un contrat de don pur et simple des archives de La Haye à la ville de Fougères, sous réserve d’un classement et d’une mise à disposition du public. Le Conseil municipal a entériné cette donation lors de sa séance du 27 septembre 2012.

 

 Identification et ébauche de classement.
Dans le même temps, afin de trier, classer et inventorier ce fonds d’archives, la ville missionnait pour trois mois, M Marcel Hodebert, ancien archiviste municipal, pour effectuer cet important travail. En effet, il s’agissait de classer plusieurs mètres-cubes de documents de toutes sortes (papier et parchemins), contenus dans une grande caisse de bois d’une capacité de 2 m3 environ et de trois grosses malles pleines à ras bord.

 

Les documents, pour la plupart,  étaient en bon état. En effet, pendant tous ces siècles de stockage, ils ont été conservés bien au sec et à l’abri de la lumière, de sorte qu’ils ne présentaient que de très rares traces d’humidité qui, finalement, n’engendraient pas de grandes détériorations. Le fonds a échappé également aux rongeurs qui se plaisent généralement dans les greniers des vieilles bâtisses, de sorte qu’il n’a été procédé à aucune élimination. Les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, alertées du versement de ce fonds à la ville de Fougères, ont pu, lors de leur visite et de leur contrôle, constater le bon état sanitaire des documents.

 

Pour dresser l’inventaire de ce fonds, le parti a été pris d’effectuer un classement chronologique des documents, à l’exception des pièces d’archives les plus précieuses pour l’histoire particulière de la famille de La Haye-Saint-Hilaire, comme des actes signés de la main des rois de France (Louis XIV, Louis XVI), ou de personnages importants et connus de l’histoire nationale ou locale (Colbert, le prince de Condé, le Duc de Penthièvre ou La Rouërie),  ou encore une bulle papale de 1679, qui font l’objet d’un classement à part.

 
Après classement et reconditionnement, le fonds des Archives familiales de la Haye Saint-Hilaire comporte désormais, sous la référence 53Z, 144 boîtes d’archives, couvrant 24,36 mètres linéaires, se décomposant en 3.587 dossiers pour 12.825 pièces d’archives.



 
 SEPT SIECLES D'HISTOIRE LOCALE

 

 

Au fur et à mesure du tri et du classement, il s’est avéré que non seulement, les archives de la Haye intéressaient cette ancienne seigneurie, mais également le Pays fougerais tout entier. La seigneurie de la Haye étant importante, de nombreux documents concernent, Saint-Hilaire-des-Landes, bien entendu, mais aussi Saint-Sauveur-des-Landes, Saint-Marc-le-Blanc, Saint-Ouen-des-Alleux, Saint-Etienne-en-Coglès, Saint-Christophe-de-Valains, La Chapelle-Saint-Aubert… Compte tenu de ses alliances, des actes dressés par la juridiction de cette famille concernent des possessions dans les communes de Landéan, Parigné, La Bazouge-du-Désert, Villamée, Fleurigné, Monthault, Mellé… ; des communes du département voisin de la Mayenne sont également concernées, sans oublier la commune de Melesse où le seigneur de La Haye-Saint-Hilaire possédait la seigneurie du Plessis.

 

De nombreux actes émanent de la Cour du Siège royal de Fougères,notamment des décisions de justice. Comme en témoignent les documents conservés, la Cour de Fougères rend régulièrement des arrêts qui sont parfois contestés et renvoyés devant la Cour du Parlement de Bretagne, voire devant le Conseil d’Etat.

 

L’histoire de la ville de Fougères se retrouve également dans le fonds de La Haye-Saint-Hilaire, de manière tout à fait inédite et parfois méconnue, comme cette remontrance faite par les Fougerais au duc de Mercœur, alors gouverneur de Bretagne, à propos de troupes stationnées en ville et au château dont le comportement excède la population et plus particulièrement les bourgeois et les marchands de la cité. La réponse, signée de la main du duc, apportera sans doute une solution aux problèmes rencontrés alors.

 De même trouve-t-on, au XVIIème siècle, un état des réparations urgentes à faire aux quatre moulins du château, pour assurer leur bon fonctionnement.

 Le fonds de La Haye c’est aussi une impressionnante et exceptionnelle collection de parchemins qui, du XIIIème à la fin du XVIème siècle, constitue la majorité des documents conservés pendant cette période. Ce sont pour la plupart des aveux rendus pour les différentes possessions de la seigneurie qui peuvent être une véritable mine d’or pour les historiens intéressés par ces époques.

 
Parchemin de  l'an 1253 portant l'acte de vente d'une terre en Parigné.
 

D’ailleurs, le document le plus ancien retrouvé, datant de 1253, a déjà fait l’objet d’une étude de M. Julien Bachelier (jointe à l’inventaire dressé), publiée dans le Bulletin et Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie du Pays de Fougères en 2011.


 Dans les nombreux aveux fournis jusqu’à la veille de la Révolution, les chercheurs, et notamment les généalogistes, trouveront de multiples informations, non seulement sur les terres, les redevances et les rentes auxquelles elles sont assujetties, mais aussi sur les hommes et femmes, teneurs de métairies ou de lopins de terre, qui y sont attachés.

 De même, trouveront-ils dans les documents émis par la juridiction de la seigneurie de la Haye-Saint-Hilaire de nombreux renseignements dans les actes dressés à l’occasion des inventaires après décès, des ventes publiques ou entre particuliers, des décrets de mariage, des mises sous tutelle ou des émancipations de mineurs, des poses de scellés, des successions, etc… voire même des affaires de coups et blessures et ou d’adultère, ainsi que de très nombreux baux de location.

 
Dans un domaine plus particulier, celui de la justice, comme cela était souvent le cas aux XVIIème et XVIIIème siècles où l’on était facilement procédurier, la famille de la Haye-Saint-Hilaire n’échappe pas à ce phénomène, de sorte que l’on trouve des liasses entières de pièces de procédures, engagées le plus souvent pour régler des différends liés à des successions familiales et qui, reprises ou relancées d’appel en appel, de génération en génération, s’éternisent dans le temps. Un de ces procès mémorables se poursuit pendant près d’un siècle !! D’autres procédures sont engagées à propos de redevances de rentes ou de jouissance de biens, notamment avec plusieurs communautés religieuses comme l’abbaye de Rillé ou encore l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Fougères.

 

La famille de La Haye-Saint-Hilaire était liée à celle du Surintendant Nicolas Fouquet, neveu de Madame de la Haye. Lorsque le ministre du roi fut arrêté en 1661, le seigneur de la Haye-Saint-Hilaire, prudent et sans doute pour se protéger de tout soupçon de favoritisme et pour récupérer son argent tant qu’il en était encore temps, engagea une procédure contre Louis Bruant, l’un des principaux commis de Nicolas Fouquet, pour le remboursement d’une somme de 60.000 livres qui lui était due. Ce genre d’affaire éclaire le chercheur sur les transactions financières de l’époque.

 

Pour ce qui concerne plus personnellement la famille de La Haye-Saint-Hilaire, outre un certain nombre de documents portant la signature de Louis XIV ou de Louis XVI, et concernant la nomination du seigneur de la Haye à des postes militaires, ou sa convocation pour participer aux Etats de Bretagne, nous trouvons également de nombreux contrats de mariage, des testaments, des inventaires dressés après décès, des ventes, des échanges de terres, des contrats ou des partages entre les membres de la famille.


 Nomination militaire d'Edouard de La Haye-Saint-Hilaire,Archives municipales, Fougères.


 

 

Une négociation engagée à propos de la dot qui devra être versée pour l’entrée chez les Bénédictines de Vitré d’une demoiselle de La Haye n’est pas sans intérêt non plus, ce qui est tout à l’opposé d’un rapport de police relatif à l’intervention de la maréchaussée lors d’un tapage nocturne à Rennes, fait par des jeunes gens qui jettent des pierres dans les carreaux de certaines demoiselles bien connues en cette ville, et nommément identifiées comme étant des « filles de joie » ! document arrivé dans les archives de La Haye on ne sait trop comment.

 

Plus sérieusement, nous trouvons également l’acte de fondation de la chapelle du château, l’érection de la Haye en châtellenie, ou encore la fondation d’une l’école à Saint-Hilaire-des-Landes par la Comtesse douairière de La Haye-Saint-Hilaire en 1776. Les droits de bancs et prééminences d’église en différentes paroisses font, bien entendu, partie de ce que l’on peut trouver régulièrement évoqué dans les documents d’archives seigneuriales antérieures à la Révolution, tout comme les arrangements entre seigneurs sur les droits de mouture dans les moulins du voisinage. Pour l’anecdote, nous trouvons aussi la vente du carrosse et de ses six chevaux « gris » par Charlotte de Poilley, marquise de la Chesnelaye, au seigneur de la Haye-Saint-Hilaire.

 

Pour ce qui concerne la période révolutionnaire, nous trouvons peu de documents à part quelques ventes de biens saisis. Les documents concernant la chouannerie dans laquelle les frères de La Haye-Saint-Hilaire furent très impliqués, sont restés au château de la Haye, où, compte tenu de leur valeur familiale beaucoup plus intime, ils ont été conservés comme de très précieuses reliques. Ils ne font donc pas partie de la donation. Pour autant, nous avons cependant trouvé l’avis d’arrestation et d’exécution à Vannes d’Edouard de La Haye-Saint-Hilaire en 1807 alors qu’aux côtés de Cadoudal, il luttait contre Bonaparte. Un acte portant amnistie pour son frère Louis a également été retrouvé et des correspondances familiales témoignent encore, à mots couverts, de l’implication d’Edouard dans cette lutte.

 

  UNE FORTE PRESENCE DANS LE TERROIR
 

Par ailleurs, pour ce qui concerne la période plus contemporaine des XIXème et XXème siècles (les documents conservés ne vont pas au-delà de 1945), nous constatons, au travers des actes officiels ou notariaux, des livres de comptes ou des correspondances personnelles, que la famille de La Haye Saint-Hilaire, gérait ses biens avec sérieux et humanité. Plusieurs lettres de fermiers, écrites avec le peu de savoir de leurs auteurs de l’époque, témoignent de la bonté des comtes et comtesses de La Haye envers eux. Il faut s’imaginer qu’écrire à leurs « maîtres » et « maîtresses », comme ils disent, n’était pas, au XIXème siècle, une démarche très courante, surtout lorsqu’il s’agissait de les remercier pour des bienfaits reçus ou des accommodements consentis, notamment dans le paiement des termes de loyer en période de difficultés.





 Blason familial
"Epargne le petit et ne crains pas le grand "



 
A cette époque, la famille de La Haye semble donc être très proche de « ses gens ». Le comte est d’ailleurs au courant de tout ce qui se passe dans le pays, certaines lettres ne manquent pas de le renseigner. Même s’il n’est pas particulièrement impliqué dans la vie publique, il connaît par avance les décisions du Conseil municipal et l’on peut penser qu’il n’est pas sans y avoir quelque influence. Il est davantage engagé dans la vie paroissiale et quelques lettres nous font croire qu’il joue un rôle important au sein de la fabrique...



 Logis seigneurial du XVIIè et la tour de guet .
                 

 
 
Ces propriétaires terriens ne font pas que gérer leur patrimoine, ils vivent également l’évolution de leur temps et s’y investissent. C’est ainsi que dans les années 1860-1870, le comte de la Haye-Saint-Hilaire construit une briqueterie à Saint-Hilaire-des-Landes où travaille un certain nombre d’ouvriers. Des livres de comptes, des mémoires conservés, donnent des indications sur les quantités de briques fabriquées et sur la clientèle. Ces archives sont précieuses pour les éventuels chercheurs qui s’intéressent au paysage industriel local au XIXème siècle.

 

D’autres archives, provenant de la famille Mabille dont l’un des membres fut avocat puis juge au Tribunal de 1ère Instance de Fougères, puis notaire, allié aux de La Haye-Saint-Hilaire par le mariage de sa fille Mariantine avec Louis-Hyacinthe de La Haye-Saint-Hilaire, apportent d’intéressants éclairages sur la vie d’un notable de notre cité au XIXème siècle. Ce petit fonds particulier ouvre encore d’autres horizons grâce aux dossiers notariaux ou judiciaires conservés. Par exemple, c’est ainsi que nous sommes en possession des pièces de la procédure instruite par les créanciers la marquise de Chilleau, propriétaire de la terre de Monthorin, en Louvigné-du-Désert, parmi lesquels se trouvait la famille le Beschu dont Jeanne, épouse de Jean Ambroise Baston de La Riboisière. Partie prenante dans cette affaire, à l’issue de la procédure, ce sera finalement le général qui achètera Monthorin en 1807.

 

En mars 2003, Monsieur de La Haye Saint-Hilaire a versé aux Archives municipales un petit fonds supplémentaire dans lequel se trouvent principalement des archives des XIXème et XXème siècles, mais également une bulle du pape Clément X, de 1679, relevant de ses vœux Pierre François de La Haye afin de succéder à son cousin mort sans descendance et ainsi assurer la lignée de sa Maison.



Bulle de Clément X, 1674. Au revers du parchemin, figure la mention:" Bulle
qui déclare nul l'ordre du sous-diaconat reçu par Pierre-François de La Haye"
            







 Sceau du Pape Clément X.
















                    DES CHOIX  POLITIQUES

Outre une correspondance assez diverse mais importante, ce petit fonds d’archives a notamment l’avantage d’offrir aux historiens matière à recherches sur la tentative de restauration monarchique en France après la Guerre de 1870-1871 et particulièrement sur le soutien de la noblesse de notre région à la cause légitimiste.
 
 
  

En effet, le comte Louis Hyacinthe de La Haye-Saint-Hilaire fut le délégué officiel du Comte de Chambord en Ille-et-Vilaine qui, rappelons-le, était le petit-fils de Charles X, « l’enfant du miracle », né après l’assassinat de son père, le duc de Berry, en 1820, et qui fut le dernier descendant français de la banche aînée de la Maison de Bourbon. A la chute de Napoléon III, le comte de Chambord, celui que les monarchistes nommaient déjà Henri V, exilé alors en Autriche, fut pressenti pour monter sur le trône de France. L’affaire était bien engagée et ne dut son échec qu’au fait notamment que l’héritier légitime du trône refusa le drapeau tricolore. Les archives de La Haye Saint-Hilaire remises lors de ce versement complémentaire montrent que le Comte de Chambord avait de nombreux partisans dans notre région et que la cause légitimiste y était défendue. La nombreuse correspondance conservée, adressée à Louis Hyacinthe de La Haye-Saint-Hilaire, délégué de l’héritier légitime du trône, en témoigne aujourd’hui et il y a là un sujet d’étude pour les historiens qu’il serait fort intéressant d’approfondir et qui aurait l’avantage d’être totalement inédit.

 

A signaler également, un registre sur lequel a été transcrite toute la correspondance litigieuse échangée en 1864, entre la famille de La Haye Saint-Hilaire et l’évêché de Vannes à propos de l’enlèvement de l’évêque de cette ville par Edouard de La Haye-Saint-Hilaire en 1807. D’autres documents attestent également de l’implication des châtelains de La Haye dans le mouvement de protestation qui accompagna les Inventaires de l’église de Saint-Hilaire-des-Landes en 1906. Les archives complémentaires versées conservent des documents forts intéressants sur l’inculpation et l’emprisonnement des châtelains qui suivirent cette houleuse manifestation.

 

Nous ne saurions tout détailler de cette mine d’or que sont les archives familiales de La Haye-Saint-Hilaire. Elles couvrent une période de sept siècles ! C’est dire que dans leur incroyable diversité, ces archives ouvrent des horizons particuliers aux chercheurs et aux historiens pour une meilleure connaissance de l’histoire locale, seigneuriale, judiciaire, sociale et familiale de tout un pays, celui du Pays de Fougères notamment, et nous ne pouvons que souhaiter qu’au travers de cette donation et de cet inventaire désormais accessible, chacun pourra y trouver matière à étude et se satisfaire de cette richesse inestimable qui leur est offerte.
 

                                                         Marcel HODEBERT





[1]  Léon II de La Haye-Saint-Hilaire, nommé gouverneur de la ville et du château de Fougères par Henri III en 1567, René de La Haye-Saint-Hilaire, nommé par Henri IV en 1588 ; Christophe de La Haye-Saint-Hilaire (mort en 1671), et Anne de La Haye-Saint-Hilaire (mort en 1699).





                       Documents et clichés: Archives municipales, Fougères.
                         Clichés : Marcel Hodebert. Jean Hérisset
                               Mise en ligne: Jean-Paul  Gallais




Pages   complémentaires:     Le Château de la Haye-Saint-Hilaire  sur le site Art et Histoire




                                                                  art-et-histoire-pays-de-fougeres.e-monsite.com


                                                                                       rubrique: Pages d'Histoire