La donation des archives DE LA HAYE-SAINT-HILAIRE à la Ville de Fougères
HISTORIQUE DU FONDS
Monsieur
le Comte Lionel de LA HAYE-SAINT-HILAIRE, descendant de la longue lignée qui
s’est succédé depuis plus de neuf siècles au château de La Haye, en la commune
de Saint-Hilaire-des-Landes, très soucieux du devenir de ses archives
familiales accumulées depuis des siècles, a, en avril 2012, sollicité la Ville
de Fougères pour leur prise en charge.
Château de La Haye-Saint-Hilaire, Saint-Hilaire-des-Landes. |
Monsieur
de La Haye-Saint-Hilaire motivait sa demande par le fait que sa famille était
très liée à la ville de Fougères, puisque quatre de ses aïeux en furent les
gouverneurs[1].
Il manifestait également son souci de la conservation d’un fonds familial très
important couvrant une longue période allant du XIIIème au XXème
siècle, que seul un service public pouvait offrir et mettre à la disposition
des chercheurs et des historiens dès qu’un classement serait effectué et qu’un
inventaire complet en serait dressé.
La tour carrée de la Haye Saint-Hilaire, percée de multiples meurtrières, fin du XIIè (collection privée). |
Le
Service des Archives municipales de la ville pouvait effectivement répondre à
cette demande. Le maire de la Ville, Louis Feuvrier, ainsi que son adjointe à
la Culture, Mme Gautier-Bouguet, après avoir rencontré M. de La
Haye-Saint-Hilaire, ont convenu de la signature d’un contrat de don pur et
simple des archives de La Haye à la ville de Fougères, sous réserve d’un
classement et d’une mise à disposition du public. Le Conseil municipal a entériné
cette donation lors de sa séance du 27 septembre 2012.
Identification et ébauche de classement. |
Les
documents, pour la plupart, étaient en bon état. En effet, pendant
tous ces siècles de stockage, ils ont été conservés bien au sec et à l’abri de
la lumière, de sorte qu’ils ne présentaient que de très rares traces d’humidité
qui, finalement, n’engendraient pas de grandes détériorations. Le fonds a
échappé également aux rongeurs qui se plaisent généralement dans les greniers
des vieilles bâtisses, de sorte qu’il n’a été procédé à aucune élimination. Les
Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, alertées du versement de ce fonds à
la ville de Fougères, ont pu, lors de leur visite et de leur contrôle,
constater le bon état sanitaire des documents.
Pour
dresser l’inventaire de ce fonds, le parti a été pris d’effectuer un classement
chronologique des documents, à l’exception des pièces d’archives les plus
précieuses pour l’histoire particulière de la famille de La Haye-Saint-Hilaire,
comme des actes signés de la main des rois de France (Louis XIV, Louis XVI), ou
de personnages importants et connus de l’histoire nationale ou locale (Colbert,
le prince de Condé, le Duc de Penthièvre ou La Rouërie), ou encore une bulle papale de 1679, qui font
l’objet d’un classement à part.
Après
classement et reconditionnement, le fonds des Archives familiales de la Haye
Saint-Hilaire comporte désormais, sous la référence 53Z, 144 boîtes
d’archives, couvrant 24,36 mètres linéaires, se décomposant en 3.587 dossiers pour 12.825
pièces d’archives.
SEPT SIECLES D'HISTOIRE LOCALE
Au
fur et à mesure du tri et du classement, il s’est avéré que non seulement, les
archives de la Haye intéressaient cette ancienne seigneurie, mais également le
Pays fougerais tout entier. La seigneurie de la Haye étant importante, de
nombreux documents concernent, Saint-Hilaire-des-Landes, bien entendu, mais
aussi Saint-Sauveur-des-Landes, Saint-Marc-le-Blanc, Saint-Ouen-des-Alleux,
Saint-Etienne-en-Coglès, Saint-Christophe-de-Valains, La Chapelle-Saint-Aubert…
Compte tenu de ses alliances, des actes dressés par la juridiction de cette
famille concernent des possessions dans les communes de Landéan, Parigné, La
Bazouge-du-Désert, Villamée, Fleurigné, Monthault, Mellé… ; des communes
du département voisin de la Mayenne sont également concernées, sans oublier la
commune de Melesse où le seigneur de La Haye-Saint-Hilaire possédait la
seigneurie du Plessis.
De
nombreux actes émanent de la Cour du Siège royal de Fougères,notamment des
décisions de justice. Comme en témoignent les documents conservés, la Cour de
Fougères rend régulièrement des arrêts qui sont parfois contestés et renvoyés
devant la Cour du Parlement de Bretagne, voire devant le Conseil d’Etat.
L’histoire
de la ville de Fougères se retrouve également dans le fonds de La
Haye-Saint-Hilaire, de manière tout à fait inédite et parfois méconnue, comme
cette remontrance faite par les Fougerais au duc de Mercœur, alors gouverneur
de Bretagne, à propos de troupes stationnées en ville et au château dont le
comportement excède la population et plus particulièrement les bourgeois et les
marchands de la cité. La réponse, signée de la main du duc, apportera sans
doute une solution aux problèmes rencontrés alors.
Parchemin de l'an 1253 portant l'acte de vente d'une terre en Parigné. |
D’ailleurs,
le document le plus ancien retrouvé, datant de 1253, a déjà fait l’objet d’une
étude de M. Julien Bachelier (jointe à l’inventaire dressé), publiée dans le
Bulletin et Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie du Pays de
Fougères en 2011.
Dans
les nombreux aveux fournis jusqu’à la veille de la Révolution, les chercheurs,
et notamment les généalogistes, trouveront de multiples informations, non
seulement sur les terres, les redevances et les rentes auxquelles elles sont
assujetties, mais aussi sur les hommes et femmes, teneurs de métairies ou de
lopins de terre, qui y sont attachés.
Dans
un domaine plus particulier, celui de la justice, comme cela était souvent le
cas aux XVIIème et XVIIIème siècles où l’on était
facilement procédurier, la famille de la Haye-Saint-Hilaire n’échappe pas à ce
phénomène, de sorte que l’on trouve des liasses entières de pièces de
procédures, engagées le plus souvent pour régler des différends liés à des
successions familiales et qui, reprises ou relancées d’appel en appel, de
génération en génération, s’éternisent dans le temps. Un de ces procès
mémorables se poursuit pendant près d’un siècle !! D’autres procédures sont
engagées à propos de redevances de rentes ou de jouissance de biens, notamment
avec plusieurs communautés religieuses comme l’abbaye de Rillé ou encore
l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Fougères.
La
famille de La Haye-Saint-Hilaire était liée à celle du Surintendant Nicolas
Fouquet, neveu de Madame de la Haye. Lorsque le ministre du roi fut arrêté en
1661, le seigneur de la Haye-Saint-Hilaire, prudent et sans doute pour se
protéger de tout soupçon de favoritisme et pour récupérer son argent tant qu’il
en était encore temps, engagea une procédure contre Louis Bruant, l’un des
principaux commis de Nicolas Fouquet, pour le remboursement d’une somme de
60.000 livres qui lui était due. Ce genre d’affaire éclaire le chercheur sur
les transactions financières de l’époque.
Pour
ce qui concerne plus personnellement la famille de La Haye-Saint-Hilaire, outre
un certain nombre de documents portant la signature de Louis XIV ou de Louis
XVI, et concernant la nomination du seigneur de la Haye à des postes
militaires, ou sa convocation pour participer aux Etats de Bretagne, nous
trouvons également de nombreux contrats de mariage, des testaments, des
inventaires dressés après décès, des ventes, des échanges de terres, des
contrats ou des partages entre les membres de la famille.
Nomination militaire d'Edouard de La Haye-Saint-Hilaire,Archives municipales, Fougères. |
Une
négociation engagée à propos de la dot qui devra être versée pour l’entrée chez
les Bénédictines de Vitré d’une demoiselle de La Haye n’est pas sans intérêt
non plus, ce qui est tout à l’opposé d’un rapport de police relatif à
l’intervention de la maréchaussée lors d’un tapage nocturne à Rennes, fait par
des jeunes gens qui jettent des pierres dans les carreaux de certaines
demoiselles bien connues en cette ville, et nommément identifiées comme étant
des « filles de joie » ! document arrivé dans les archives de La
Haye on ne sait trop comment.
Plus
sérieusement, nous trouvons également l’acte de fondation de la chapelle du
château, l’érection de la Haye en châtellenie, ou encore la fondation d’une
l’école à Saint-Hilaire-des-Landes par la Comtesse douairière de La
Haye-Saint-Hilaire en 1776. Les droits de bancs et prééminences d’église en
différentes paroisses font, bien entendu, partie de ce que l’on peut trouver
régulièrement évoqué dans les documents d’archives seigneuriales antérieures à
la Révolution, tout comme les arrangements entre seigneurs sur les droits de
mouture dans les moulins du voisinage. Pour l’anecdote, nous trouvons aussi la
vente du carrosse et de ses six chevaux « gris » par Charlotte de
Poilley, marquise de la Chesnelaye, au seigneur de la Haye-Saint-Hilaire.
Pour
ce qui concerne la période révolutionnaire, nous trouvons peu de documents à
part quelques ventes de biens saisis. Les documents concernant la chouannerie
dans laquelle les frères de La Haye-Saint-Hilaire furent très impliqués, sont
restés au château de la Haye, où, compte tenu de leur valeur familiale beaucoup
plus intime, ils ont été conservés comme de très précieuses reliques. Ils ne
font donc pas partie de la donation. Pour autant, nous avons cependant trouvé
l’avis d’arrestation et d’exécution à Vannes d’Edouard de La Haye-Saint-Hilaire
en 1807 alors qu’aux côtés de Cadoudal, il luttait contre Bonaparte. Un acte
portant amnistie pour son frère Louis a également été retrouvé et des
correspondances familiales témoignent encore, à mots couverts, de l’implication
d’Edouard dans cette lutte.
Par
ailleurs, pour ce qui concerne la période plus contemporaine des XIXème
et XXème siècles (les documents conservés ne vont pas au-delà de 1945),
nous constatons, au travers des actes officiels ou notariaux, des livres de
comptes ou des correspondances personnelles, que la famille de La Haye
Saint-Hilaire, gérait ses biens avec sérieux et humanité. Plusieurs lettres de
fermiers, écrites avec le peu de savoir de leurs auteurs de l’époque,
témoignent de la bonté des comtes et comtesses de La Haye envers eux. Il faut
s’imaginer qu’écrire à leurs « maîtres » et « maîtresses »,
comme ils disent, n’était pas, au XIXème siècle, une démarche très
courante, surtout lorsqu’il s’agissait de les remercier pour des bienfaits
reçus ou des accommodements consentis, notamment dans le paiement des termes de
loyer en période de difficultés.
Blason familial "Epargne le petit et ne crains pas le grand " |
A
cette époque, la famille de La Haye semble donc être très proche de « ses
gens ». Le comte est d’ailleurs au courant de tout ce qui se passe dans le
pays, certaines lettres ne manquent pas de le renseigner. Même s’il n’est pas
particulièrement impliqué dans la vie publique, il connaît par avance les
décisions du Conseil municipal et l’on peut penser qu’il n’est pas sans y avoir
quelque influence. Il est davantage engagé dans la vie paroissiale et quelques
lettres nous font croire qu’il joue un rôle important au sein de la fabrique...
Logis seigneurial du XVIIè et la tour de guet . |
Ces
propriétaires terriens ne font pas que gérer leur patrimoine, ils vivent
également l’évolution de leur temps et s’y investissent. C’est ainsi que dans
les années 1860-1870, le comte de la Haye-Saint-Hilaire construit une
briqueterie à Saint-Hilaire-des-Landes où travaille un certain nombre
d’ouvriers. Des livres de comptes, des mémoires conservés, donnent des
indications sur les quantités de briques fabriquées et sur la clientèle. Ces
archives sont précieuses pour les éventuels chercheurs qui s’intéressent au
paysage industriel local au XIXème siècle.
D’autres
archives, provenant de la famille Mabille dont l’un des membres fut avocat puis
juge au Tribunal de 1ère Instance de Fougères, puis notaire, allié
aux de La Haye-Saint-Hilaire par le mariage de sa fille Mariantine avec
Louis-Hyacinthe de La Haye-Saint-Hilaire, apportent d’intéressants éclairages
sur la vie d’un notable de notre cité au XIXème siècle. Ce petit
fonds particulier ouvre encore d’autres horizons grâce aux dossiers notariaux
ou judiciaires conservés. Par exemple, c’est ainsi que nous sommes en
possession des pièces de la procédure instruite par les créanciers la marquise
de Chilleau, propriétaire de la terre de Monthorin, en Louvigné-du-Désert,
parmi lesquels se trouvait la famille le Beschu dont Jeanne, épouse de Jean
Ambroise Baston de La Riboisière. Partie prenante dans cette affaire, à l’issue
de la procédure, ce sera finalement le général qui achètera Monthorin en 1807.
En
mars 2003, Monsieur de La Haye Saint-Hilaire a versé aux Archives municipales
un petit fonds supplémentaire dans lequel se trouvent principalement des
archives des XIXème et XXème siècles, mais également une
bulle du pape Clément X, de 1679, relevant de ses vœux Pierre François de La
Haye afin de succéder à son cousin mort sans descendance et ainsi assurer la
lignée de sa Maison.
DES CHOIX POLITIQUES
Outre une correspondance assez diverse mais importante, ce petit fonds d’archives a notamment l’avantage d’offrir aux historiens matière à recherches sur la tentative de restauration monarchique en France après la Guerre de 1870-1871 et particulièrement sur le soutien de la noblesse de notre région à la cause légitimiste.
Bulle de Clément X, 1674. Au revers du parchemin, figure la mention:" Bulle qui déclare nul l'ordre du sous-diaconat reçu par Pierre-François de La Haye" |
Sceau du Pape Clément X. |
DES CHOIX POLITIQUES
Outre une correspondance assez diverse mais importante, ce petit fonds d’archives a notamment l’avantage d’offrir aux historiens matière à recherches sur la tentative de restauration monarchique en France après la Guerre de 1870-1871 et particulièrement sur le soutien de la noblesse de notre région à la cause légitimiste.
En
effet, le comte Louis Hyacinthe de La Haye-Saint-Hilaire fut le délégué
officiel du Comte de Chambord en Ille-et-Vilaine qui, rappelons-le, était le
petit-fils de Charles X, « l’enfant du miracle », né après
l’assassinat de son père, le duc de Berry, en 1820, et qui fut le dernier
descendant français de la banche aînée de la Maison de Bourbon. A la chute de
Napoléon III, le comte de Chambord, celui que les monarchistes nommaient déjà
Henri V, exilé alors en Autriche, fut pressenti pour monter sur le trône de
France. L’affaire était bien engagée et ne dut son échec qu’au fait notamment
que l’héritier légitime du trône refusa le drapeau tricolore. Les archives de
La Haye Saint-Hilaire remises lors de ce versement complémentaire montrent que
le Comte de Chambord avait de nombreux partisans dans notre région et que la
cause légitimiste y était défendue. La nombreuse correspondance conservée,
adressée à Louis Hyacinthe de La Haye-Saint-Hilaire, délégué de l’héritier
légitime du trône, en témoigne aujourd’hui et il y a là un sujet d’étude pour
les historiens qu’il serait fort intéressant d’approfondir et qui aurait
l’avantage d’être totalement inédit.
A
signaler également, un registre sur lequel a été transcrite toute la
correspondance litigieuse échangée en 1864, entre la famille de La Haye
Saint-Hilaire et l’évêché de Vannes à propos de l’enlèvement de l’évêque de
cette ville par Edouard de La Haye-Saint-Hilaire en 1807. D’autres documents
attestent également de l’implication des châtelains de La Haye dans le
mouvement de protestation qui accompagna les Inventaires de l’église de
Saint-Hilaire-des-Landes en 1906. Les archives complémentaires versées
conservent des documents forts intéressants sur l’inculpation et
l’emprisonnement des châtelains qui suivirent cette houleuse manifestation.
Nous
ne saurions tout détailler de cette mine d’or que sont les archives familiales
de La Haye-Saint-Hilaire. Elles couvrent une période de sept siècles !
C’est dire que dans leur incroyable diversité, ces archives ouvrent des
horizons particuliers aux chercheurs et aux historiens pour une meilleure
connaissance de l’histoire locale, seigneuriale, judiciaire, sociale et
familiale de tout un pays, celui du Pays de Fougères notamment, et nous ne
pouvons que souhaiter qu’au travers de cette donation et de cet inventaire
désormais accessible, chacun pourra y trouver matière à étude et se satisfaire
de cette richesse inestimable qui leur est offerte.
Marcel HODEBERT
[1] Léon II de La
Haye-Saint-Hilaire, nommé gouverneur de la ville et du château de Fougères par
Henri III en 1567, René de La Haye-Saint-Hilaire, nommé par Henri IV en
1588 ; Christophe de La Haye-Saint-Hilaire (mort en 1671), et Anne de La
Haye-Saint-Hilaire (mort en 1699).
Documents et clichés: Archives municipales, Fougères.
Clichés : Marcel Hodebert. Jean Hérisset
Mise en ligne: Jean-Paul Gallais
Pages complémentaires: Le Château de la Haye-Saint-Hilaire sur le site Art et Histoire
art-et-histoire-pays-de-fougeres.e-monsite.com
rubrique: Pages d'Histoire