Chapelle Sainte-Anne, XVIIe, route de Fougères , Romagné. |
LA FONDATION VOTIVE
Tout terroir, toute contrée
incorpore dans son sol une part de secrets, une part de mystère livrant avec
parcimonie quelques brides historiques. Sainte-Anne de la Bosserie, en
Romagné, à la porte même de la cité médiévale fougeraise, est née avec le XVIIème
siècle. Marie Eschard, épouse de Pierre Le Maignan, est la fondatrice de la
chapelle. Son défunt mari avait fait un vœu, mais n’avait pu le réaliser. La grande Sainte, voulant être honorée au pays fougerais, vint rappeler à la
veuve éplorée la promesse qui avait été faite, lui demandant de l’exécuter sans
délai contre une prolongation de sa vie. En 1602, la construction était
terminée et depuis ce temps, le sanctuaire n’a jamais cessé d’être entouré
d’une grande vénération.
Mais pourquoi la promesse de
l’édification d’une chapelle ?
La famille Le Maignan-Eschard était
issue d’une bourgeoisie fougeraise aisée, jouissant d’une excellente réputation
parmi les citoyens de la cité qui n’hésitèrent pas, au cours des siècles, à
confier à ses membres honorables d’importantes responsabilités locales. Au cours du règne d’Henri IV, Pierre
Le Maignan était miseur de la ville de Fougères, c’est-à-dire qu’il exerçait la
qualité de comptable des affaires publiques, en même temps qu’il cumulait des
fonctions municipales proches du gouverneur.
Le XVIème siècle
finissant voyait aussi finir lentement les guerres de religion. Le 21 mars
1589, le redoutable duc de Mercœur s’était emparé avec aisance de la place
forte fougeraise, les Fougerais accordant toutes leurs sympathies au chef
Ligueur. Henri IV ne devait pas l’oublier. Aussi, lorsque tous les chefs de
l’insurrection se soumirent, y compris Mercœur, Pierre Le Maignan se vit
confier par ses concitoyens la mission de défendre les intérêts de la ville de
Fougères, tant ils avaient été compromis par cette alliance spontanée et
malsaine avec Mercœur, mission qui consistait par un déplacement à Angers, où
l’on retrouve le passage d’Henri IV, notamment au Traité d’Angers (29 mars
1598).
Devenue veuve avec sept enfants (ils
vécurent tous), Marie Eschard ne voyait rien de mieux que de consacrer son
temps à sa famille. Harassée de fatigue et tombant d’épuisement, Madame Pierre
Le Maignan allait elle-même succomber lorsque Sainte Anne lui apparut (soit
plus de 25 ans avant les événements d’Auray), lui rappelant le vœu qui avait
été fait. "Je confierai le soin de cette construction à mes enfants, dit Marie
Eschard à l’illustre visiteuse. Non, rétorqua Sainte Anne, ce sera vous-même
qui la construirez et pour ce faire, je vous donnerai plus de quinze ans
d’existence. Mais promettez-vous de la faire ? Oui, répondit Marie
Eschard, je la bâtirai, je la bâtirai." Frémissante, mais totalement guérie,
elle se leva et se mit immédiatement en prière avec sa famille réunie,
cependant que Sainte Anne disparaissait, laissant dans la pièce un parfum suave
que toute l’assistance put apprécier.
L’édifice,
d’une superficie approximative de 250 m² sans le prieuré, à la forme d’un T,
orienté de l’Occident vers l’Orient. Deux arcades de granit séparent de chaque
côté le chœur des transepts. Pas d’architecture particulière mais plutôt le
reflet d’une architecture typique de la région fougeraise.
Toutefois, son maître-autel, adossé à un retable doré, est à remarquer. En effet, il est enrichi d’une belle peinture représentant Sainte Anne apprenant à lire sur un parchemin à Marie. Ce tableau s’inspire d’une œuvre originale de Jean Jouvenet (1644-1717), artiste peintre et décorateur auprès de Louis XIV. La même peinture, en dimension plus grande, est exposée à l’église paroissiale d’Auray.
Toutefois, son maître-autel, adossé à un retable doré, est à remarquer. En effet, il est enrichi d’une belle peinture représentant Sainte Anne apprenant à lire sur un parchemin à Marie. Ce tableau s’inspire d’une œuvre originale de Jean Jouvenet (1644-1717), artiste peintre et décorateur auprès de Louis XIV. La même peinture, en dimension plus grande, est exposée à l’église paroissiale d’Auray.
L’autel
du transept gauche est sans recherche excessive. L’autel de Sainte
Anne est, lui, presque somptueux avec ses têtes d’anges et des pattes de lion.
Les trois autels sont gardés par des balustrades en bois et en fer forgé, où se
trouve le monogramme S. A.
Le clocheton octogonal se trouve
être la particularité et l’originalité extérieure de l’édifice avec les trois
croix latines de granit qui le surmontent.
Des processions sans fin furent
organisées, notamment pour solliciter l’arrêt des épidémies si meurtrières en
pays fougerais au temps de Louis XIII. En trente années d’existence, la
chapelle devint l’objet d’une ferveur et d’une fréquentation qui ne s’est
jamais démentie, sauf aux jours sombres de la fin du XVIIIème siècle.
L’année
1793 marqua un tournant dans son histoire. Elle fut pillée, saccagée, dévastée
avant d’être vendue comme bien national. Madame Joseph Allix, née Anne
Georgeault, habitante du hameau, s’attacha à restaurer cette chapelle si chère
à son cœur bien qu’elle n’en fût pas propriétaire.
Les
Fougerais reprirent le chemin de la chapelle et la dernière génération peut
encore témoigner d'une foule des pèlerins venant à pied le jour de la fête
patronale. Les messes se succédaient sans interruption depuis l’aurore jusqu’à
la grand’messe.
Les
grandes heures de la Libération, en Août 1944, ont aussi laissé un souvenir
impérissable à la Bosserie, alors que l’ennemi dressait barricade et feux
d’artillerie. Epoque angoissante entre toutes et que Sainte Anne désarma sans
dommage pour les habitants du hameau de la Bosserie.
L'ancien prieuré, 1981. |
Chaque visiteur attristé des lieux
espérait néanmoins le salut pour ce cher patrimoine historique et religieux et…
il est venu à point nommé. En effet, la Commune de Romagné s’apprêtait à voter
la démolition pure et simple de la chapelle tant la désolation était grande.
L’Association a appris cette nouvelle des années plus tard.
LE CULTE REVIVIFIE
Aujourd’hui, après plus de trente années de labeur intense, l’édifice religieux renaît dans un environnement agréable et judicieusement tracé. Le sanctuaire illuminé et pimpant reçoit désormais l’hommage de nombreux visiteurs quotidiennement, la chapelle étant ouverte tous les jours ; les pèlerins affluent en grand nombre les jours de fêtes et du Pardon devenu régional. Comme depuis plusieurs années, ils étaient en juillet 2012 près de 2000 pèlerins à venir saluer la Grand-mère de Jésus et la Patronne des Bretons.
Pardon 2012, bannières de N-D.de Poilley, St-Martin de Javené, St-Pierre de Landéan... |
Romagné mesure avec dignité, respect
et amour ce patrimoine si heureusement restauré : il n’est ni fastueux, ni
somptueux, mais il se révèle désormais avec élégance comme un pur témoignage
d’antan, accueillant et gracieux comme la souveraine des lieux.
Roger
TANCEREL.