SAINT-AUBIN-DU-CORMIER 1943-1944
arrestations de résistants parla Milice
arrestations de résistants par
Les Allemands surveillent
Saint-Aubin-du-Cormier. Le département d’Ille-et-Vilaine vit dans la
hantise des exactions de l’occupant. La
résistance s’organise dans le pays, d’une manière structurée.
Les Veillard à la ferme de Tournebride
La
ferme de Tournebride est exploitée par Alexandre Veillard. Pierre Morel et Jean
Thomas prennent contact avec la famille Veillard afin de stocker des armes à la
ferme. C’est une forme de résistance qui se pratique beaucoup en Bretagne. Les
parents Veillard acceptent de stocker des armes parachutées en août 1943. La
parachutage a lieu, vers minuit, à Saint-Mauron, situé à Saint-Aubin et les
armes enfouies la nuit même, hélas sans protection, car on remarquera quelques
mois plus tard qu’elles baignaient dans l’eau.
Le 29
novembre 1943, les Allemands font irruption dans la ferme. Le père, puis la
mère sont battus à tour de rôle, avec le nerf de bœuf afin d’arracher des
renseignements. Sans résultat, car les Veillard sont muets comme une tombe. Les
Allemands menacent de les fusiller et ont fait venir Fred T. membre du réseau
Oscar Buckmaster, prisonnier à la prison Jacques Cartier de
Rennes. Ainsi le lieu de la cache est dévoilé et les armes ont été chargées
dans le camion des Allemands par les occupants de la ferme. La maison est fouillée
et tout le linge des armoires est raflé. Tout le monde est embarqué dans le
camion ; les parents Veillard, les deux fils, Alexandre et Roger, le
facteur Masson de passage, les ouvriers qui effectuaient des travaux de
maçonnerie et de couverture. Dénonciation du dépôt a été faite par Fred T.,
alors étudiant à Rennes et témoin du parachutage qui n’a pas su ou pas pu se
taire.
Jean Thomas père, second à partir de la droite. |
Les
Blanchet à la ferme de la Reudais
Après l’arrestation de
Tournebride, dans la même journée, va se reproduire le même scénario. A
Saint-Jean-sur-Couesnon, proche d’environ 10 kms, la ferme de la Reudais , occupée par la
famille Blanchet, abrite également un dépôt d’armes. Les otages de la ferme de
Tournebride sont dirigés à la ferme et enfermés dans la maison. La famille
Blanchet subit les mêmes coups que les Veillard. De plus, les Allemands ont
festoyé avec les morceaux de viande, de charcuterie, étant donné que les
Blanchet venaient de tuer le cochon. Selon le témoignage de Roger Veillard ,
enregistré il y a trois décennies, les Allemands étaient ivres et l’un des
camions était allé au fossé lors du départ. Blanchet, père et fils, prénommés Louis, ainsi qu’un
cousin, Pierre Blanchet,sont embarqués à leur tour.
Un
milicien partout présent
Toutes les arrestations sont attribuées à un milicien de
sinistre mémoire, Joseph Ruyet, originaire du Morbihan. Il se signale par ses infiltrations dans les
maquis. Il se déguise souvent en résistant et relève les noms qu’il soumet à la
police allemande. Il opère, juste avant le pays de Saint-Aubin, à Saint-Brieuc-des-Ifs,
dans la ferme des Nobilet, grands résistants qui abritaient alors des
armes et un officier anglais, détenteur d’un poste radio émetteur.
Il fait arrêter toute la famille. Toutes ces actions sont opérées sous le contrôle du SD de Rennes commandé par le colonel SS Hartmut Pulmer, ancien chef de la Gestapo de Ciecjanow (Pologne). Après
la guerre, Le Ruyet sera fusillé le 5 novembre 1946.
Ces
arrestations se concluent par la déportation des Veillard, père et fils, le 29
juin 1944, au camp de Neuengamme. Roger et le facteur échappèrent à la prison
de Rennes, point de passage obligé avant les camps. Ils moururent de faim et de
mauvais traitements, le père le 7 avril 1945 à Hambourg et le fils en février
1945 à Watenstedt. Ils reçurent la Légion d’honneur à titre posthume … en
septembre 1954, soit 9 ans après leur mort.
Le
café près de l’église à Saint-Aubin
Les exactions de la Milice se poursuivent en
1944, dans le bourg même de Saint Aubin. Nous disposons d’un témoin privilégié
avec Monique, alors âgée de 15-16 ans au moment de l’arrestation de résistants
bien connus dans le pays, pratiquement de la première heure, tant l’occupation
allemande était honnie. La famille Thomas, tel est le nom, tient un café tout
près de l’église de Saint -Aubin et le père Jean a son propre atelier, aidé de son fils portant
le même prénom. Jean Thomas (père) réunit au café des anciens combattants de la
guerre 14-18. Il appartient aussi au réseau Buckmaster (anglais) à partir de
1943 et héberge des gars de Martigné-Ferchaud dans des fermes. C’est dire son
engagement dans la Résistance. Monique
elle-même écoute à la radio les messages codés, selon le tour de garde. Le
premier, « La nuit les chats sont
gris », le second qu’elle se souvient avoir parfaitement entendu et
transmis « A la mémoire de Johny, ami Souci (ou Suzy) ».
Le dimanche
30 juillet 1944, Jean Thomas-père-se trouve à la messe, il est prévenu par le
prêtre que la milice est là. Il doit
gagner la sacristie, fuir à travers
champs, et se camoufler. Il se rend dans une ferme, il couche sur la paille. Le
lendemain, il téléphone à Martigné-Ferchaud où on lui donne à manger. Il ne
reviendra à Saint-Aubin que le 15 août.
Jean Thomas fils, né le 4 juillet 1920. |
Le fils
se fait arrêter par la milice, le matin même du 30 juillet. Monique se rappelle
la présence d’au moins cinq miliciens, le camion des Allemands et l’occupation
de l’école. Les enfants étaient instruits à domicile. Jean suit le mouvement du
père. Avec Robert Pupetto, corse d’origine (membre du réseau Buckmaster) et
Jean Masson (de la même appartenance), il est transféré à Rennes, rue de
l’Echange. Là, Pupetto est littéralement massacré, flanqué par terre avec une plaque. Jean Thomas clame
que son père ne voulait pas le voir avec lui. Il n’empêche qu’ils se trouvent
embarqués dans le train qui part de Rennes début août. Ils réussissent à sauter
du train, tous les trois, sur un passage à niveau, dans la nuit du 3 au 4 août
1944, à Saint-Mars-du-Désert, près de Nantes. L’évasion était risquée, quatre
détenus sont tués à Saint Mars. Les auteurs de l’arrestation de 1944 sont des
miliciens, leur identité n’est pas sûrement attestée, bien qu’on parle encore
de la main toujours cruelle de Joseph Le Ruyet.
Monique
se souvient qu’un milicien a vidé l’armoire et s’est emparé de la vaisselle et
du linge. Seul un tiroir n’a pas été ouvert ; par chance, car il contenait
des brassards avec les lettres FFI piquées sur une bande de velours, afin
d’accueillir les libérateurs- le Débarquement a eu lieu le 6 juin 1944 sur les
côtes normandes. Monique risquait gros si la cache avait été découverte.
François
Vallée et Pierre Morel
L’enchaînement des évènements dans le pays de
Saint-Aubin-du-Cormier est très logique sur ces deux années 1943-1944. La
dénonciation opère comme à Saint-Marc-sur-Couesnon où sont tués des maquisards
(maquis de l’Everre). Le démantèlement des groupes de résistants s’accompagne
de tortures, de vols et de comportements grossiers. Le réseau Buckmaster en
Ille-et-Vilaine était la cible principale de la Gestapo. François
Vallée, parachuté en France le 17 juin 1943, prend contact avec des membres du
réseau parmi lesquels joue un rôle actif, Pierre Morel, né le 13 avril 1923, à
Saint-Aubin-du-Cormier. François Vallée,
dit Oscar, coordonne la résistance en Bretagne et commande les activités du
groupe d’Ille-et-Vilaine.
François Vallée, officier français. |
Les
activités s’organisent autour de la recherche de renseignements, de l’instruction
de groupes paramilitaires et de la préparation des parachutages. Huit sont
programmés dans le département. Le premier eut lieu à Martigné-Ferchaud qui
permit d’accueillir un officier radio britannique George, détenteur d’un poste
émetteur. Ainsi des contacts étroits sont passés entre Martigné et Saint-Aubin.
Les dépôts d’armes ou de matériel radio constituent un arsenal destiné à
équiper les résistants et à pratiquer des opérations de sabotage. Pierre
Morel est traqué par la Gestapo. Le
cousin de Monique Thomas, Paul Gommeriel et Pierre Morel traversent les
Pyrénées, en mars 1944. Arrêtés comme Anglais, Ils finissent par être incarcérés dans des prisons, puis
dans le camp de concentration de Miranda. Selon le témoin, Morel a été tabassé.
Ils y restent trois mois et sont libérés. A partir du passage d’Andorre, Pierre
Morel est ramené sur le dos de Paul Gommeriel.
George Clément, officier britannique. |
Monique
rappelle qu’à Tarbes, son cousin avait les pieds gelés et qu’il reçut les soins
d’un médecin. Les deux compagnons rejoindront l’Angleterre, après toutes ces
inquiétudes. François Vallée adopta deux codes, celui
d’Oscar pour son propre nom et celui de Parson celui du réseau, d’où le nom du
réseau Oscar Parson (Buckmaster). Pierre Morel en fut le liquidateur en 1948.
François Vallée, « George », de son nom Clément, Pierre Morel avaient
des relais et des membres très actifs parmi les Veillard, les Blanchet et Jean
Thomas. La milice cherchait à démanteler le réseau par des arrestations
successives.
La
place des miliciens dans notre mémoire
Que dire des miliciens et
notamment du sinistre Joseph Le Ruyet ? C’étaient des cyniques, des
collaborateurs qui haïssaient la société où ils n’avaient pu jouer de rôle.
C’étaient des types perdus, pour eux-mêmes et pour leur propre pays. Des
désespérés en somme engagés dans une démarche quasi suicidaire.
Daniel
Heudré
Sources :
Témoignage de Monique Beaujouan (née Thomas) de Saint-Aubin-du-Cormier.
Témoignage de Monique Beaujouan (née Thomas) de Saint-Aubin-du-Cormier.
Témoignage
de Michèle Delatouche, voisine de la famille Blanchet.
Recherches de Daniel Jolys sur le réseau de résistance S.O.E Oscar Buckmaster.
Philippe
Aziz, Histoire secrète de la Gestapo en Bretagne, 2
tomes, Editions Famiot, Genève 1975.