au camp de Mauthausen
De gauche à droite: Félix Bodenan et Gaston Mentec |
Homme
de l’ombre, Gaston Mentec est arrêté avec Félix Bodenan dans la nuit du 31 mars
au 1er avril 1942, boulevard Edmond Roussin, à Fougères. Ils
militent au parti communiste, depuis leur adhésion en janvier 1939. Le parti
est dissous et interdit par le gouvernement français en septembre. Aussi les
militants vivent-ils dans la clandestinité.
Cette nuit fatale, ils distribuent des tracts communistes et
sont arrêtés par des agents de police français. Gaston Mentec a déjà fait
l’objet d’un rapport du commissaire de police pour distribution de tracts dans
la nuit du 6 au 7 juillet 1941, puis dans celle du 11 au 12 juillet. Le
quartier concerné est celui de Bonabry, précisément le quartier du « Tonkin » (périmètre de la rue des
Feuteries et de la rue Kléber) où vivent la plupart des suspects
d’activités militantes.
Le réseau « Front
National » auquel ils appartiennent, est l’objet d’une surveillance
étroite, dans l’attente de le décapiter, mais les réseaux de résistance
s’organisent de plus en plus, surtout dans le courant de l’année 1943.
Gaston
Mentec est né à Fougères le 28
janvier 1921. Le quartier de Bonabry est rempli d’usines et la population est
ouvrière. Sa famille est marquée par la grève de la chaussure de 1932, puis par
la victoire du Front populaire de 1936. Lui-même travaille à l’usine
Houdusse-Herbel. Le parti communiste représente pour sa famille un espoir de
lendemains meilleurs et une occasion de
militer. Janvier 1939, lui-même adhère au parti communiste, ainsi que Félix
Bodenan. L’armistice de 1940 est, pour lui, un refus de l’occupation allemande
et un chemin vers la
Résistance. L ’arrestation signifie, pour Gaston Mentec, le
début d’un calvaire qui le conduira de prison en prison, après l’interrogatoire
toute la nuit par la police.
Dans les prisons françaises
D’abord, une détention de 11 jours à la
prison Saint- Roch de Fougères, rue de Vitré ; puis à la prison Saint-
Hélier de Rennes où il est condamné par une cour spéciale à huit ans de travaux
forcés ; à celle de Laval avec les condamnés de droit commun ; à celle du Mans pour une nuit et celle de Caen
où 1/3 des condamnés furent fusillés (33 sur 93 détenus politiques).
Ensuite Gaston Mentec est dirigé sur la
centrale de Fontevrault, le 14 juillet 1942. A l’intérieur de la prison, vexations, brimades
mais aussi actes de résistance sont le quotidien d’une longue détention de 14
mois. Septembre 1943, Gaston Mentec est conduit à la prison de Blois comme un
forçat : les détenus sont enchainés deux par deux aux mains et aux pieds.
Il est toujours soumis aux ordres
des Français. Le 18 février 1944, les choses basculent. Bruits de bottes,
ordres hurlés et une grande silhouette à chapeau noir qui ordonne « Pas
un mot, pas un geste. A partir de maintenant, vous êtes sous l’autorité des
Allemands ». La
Gestapo et les Allemands prennent le relais d’une prise en
charge musclée. Le visage bestial des nazis va se découvrir dans toute sa
terreur. Les détenus sont embarqués dans des wagons à bestiaux, à la prison de
Blois et dirigés au camp de Royal-Beaulieu, près de Compiègne.
22 mars 1944 : Gaston Mentec
découvre le train de la mort
Direction : le camp de
Mauthausen (en Autriche). Les détenus se retrouvent à 120 par wagon. Le déplacement dure 3 jours et 3
nuits, sans eau. Le train s’arrêta avant Metz. L’ordre est donné à tous de sortir et de se mettre nus ; les
vêtements sont récupérés et entassés dans
un wagon. Les détenus sont obligés de
déménager et de rejoindre un wagon déjà complet. Ainsi 240 hommes nus se
trouvent confinés dans un wagon conçus pour 40. Gaston Mentec livre un
témoignage que sa famille a conservé : « J’y étais, un homme avait gardé sa chemise. Le garde allemand a tiré à
bout portant. L’homme qui suivait a voulu lui porter secours. Il a été abattu.
Je suivais juste derrière. Il a fallu prendre les deux corps avec nous ».
« Dans le wagon, nous étions mains
en l’air, debout, car il n’y avait pas de place pour les coudes. Je me suis
trouvé au bout du wagon contre la paroi. Je me suis laissé tomber à genoux en
face d’une fente dans le bois pour uriner. On était obligé de lécher les parois
pour boire la buée. Pour les besoins naturels, c’était comme on pouvait ».
Une des entrées du camp de Manthausen |
L’escalier de Mauthausen
Aucune faiblesse n’est tolérée, un
détenu est précipité d’en haut à la moindre occasion. Son cadavre doit être
rapporté au camp, pour l’appel. A la carrière, ceux qui flanchent sont tout de
suite abattus. Gaston Mentec doit y rester du 22 mars au 5 mai 1944, malgré sa
jambe raide suite à une coxalgie.
L'escalier du camp de Manthausen qui conduisait à la carrière. Un des déportés pouvait être précipité par les SS du haut de la carrière. |
Le kommando de Gusen
A cette date de mai 1944, il est alors envoyé au Kommando de Gusen, une
annexe de Mauthausen, où on dénombrera plus de 30000 morts.
Il est
embauché comme cordonnier, les Allemands ayant compris qu’il avait
des talents de chaussonnier. Il répare les sabots des autres détenus, son
activité de jeunesse à Fougères lui étant bien utile. C’est à ce moment que les
deux amis, Félix Bodenan et Gaston Mentec sont séparés. Bodenan est dirigé sur
le camp de Loibl-Pass, à la frontière de l’Autriche et la Yougoslavie , pour y
creuser un tunnel.
La libération du camp
Gaston Mentec est libéré le 5 mai
1945, par les Américains. Il est dirigé sur Linz afin de pouvoir être rapatrié
par avion. Le 19 mai, il monte à bord d’un bombardier à destination de Bruyères-sur-Oise
(département du Val-d’Oise). Il séjourne ensuite à l’hôtel Lutetia, à Paris. Il
parvient, malade, à Fougères, le 21 mai 1945. Il ne pèse que 35 kilos.
Ses deux filles, Marie-Pierre et
Marie-Claude, gardent un grand respect affectueux pour leur père. Jamais il n’a aimé les honneurs. Il
reçoit pourtant la Légion
d’honneur de la part de Félix Bodenan, son camarade d’infortune. Après une vie professionnelle aux
Contributions Indirectes, il rencontre les élèves des classes du pays de Fougères
afin de témoigner de l’horreur des camps.
Gaston Mentec est décédé le 16
décembre 1992. Une rue de Fougères porte désormais son nom. Sa famille a été
très éprouvée, qu’il suffise d’évoquer les noms de Pierre Lemarié, père et fils.
Pierre Lemarié, carrier, a été déporté à Buchenwald ; Pierre Lemarié fils, le frère de Madame Mentec, est
mort en déportation à Dachau. Par ailleurs, Marcel L’Armor, le mari de la sœur
de Gaston Mentec, a été fusillé pendant la guerre. Ces hommes ont payé très
cher le refus de la barbarie nazie et la
parole de Gaston Mentec dans les écoles suscitait un grand respect face à de
tels engagements.
Sources :
*Témoignages de Madame Lainé (née
Marie-Pierre Mentec) et de Madame Legros (née Marie-Claude Mentec)
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