Jean
Fleury, Résistant et premier Juste de France
Prêtre
catholique, le père Fleury, originaire du pays de Fougères, est une grande
figure de la Résistance. Son
nom est connu largement au-delà de sa région d’adoption, Poitiers et ses
environs. Ce jésuite généreux et courageux se voit décerner, en 1964, la
médaille des Justes par le gouvernement d’Israël, récompense destinée à honorer
les hommes et femmes et leurs actions en faveur des juifs. Ici il s’agit de
reconnaître le dévouement au service des juifs internés au camp de Poitiers,
route de Limoges. Lors de son décès à Pau, en décembre 1982, un service
religieux est célébré, à sa mémoire, à l’église Notre-Dame-la-Grande, le 8
décembre. Ainsi veut-on rendre hommage à
la grandeur d’un homme qui assista les tsiganes, les juifs et les militantes
communistes internées pendant la seconde guerre.
Jean Fleury, 1925. Archives familiales. |
Ses origines fougeraises
Jean Fleury est né le 21 février 1905,à
Ses activités de Résistant auprès des tsiganes
En septembre
1941, Jean Fleury est chargé de l’aumônerie du collège Saint Joseph et enseigne
le latin aux vocations tardives d’une école apostolique. A partir de mai 1942,
il exerce son travail pastoral auprès des nomades, gitans et tsiganes du camp
de la route de Limoges : célébrations de baptêmes, premières communions et
mariages. Le 13 janvier
1943, la plupart des hommes, âgés de 16 à 60 ans, sont emmenés à Compiègne et
déportés huit jours plus tard vers les camps de la mort, Buchenwald, Dachau, Fiossenburg,
Mauthausen, Neuengamme, Oranienburg et Sachsenhausen. Seuls restent au camp de
Poitiers les vieillards, les femmes et les enfants. Le seul motif de
l’arrestation et de la déportation est le racisme à leur égard.
Jean Fleury intervient auprès des autorités afin de soulager la condition matérielle des nomades résidents pour le chauffage et les vêtements. A la fin de l’année 1943, les nomades sont transférés au camp de Montreuil-Bellay. 350 vieillards, femmes et enfants sont acheminés par le train, escortés par des gendarmes afin d’éviter une évasion.
Jean Fleury intervient auprès des autorités afin de soulager la condition matérielle des nomades résidents pour le chauffage et les vêtements. A la fin de l’année 1943, les nomades sont transférés au camp de Montreuil-Bellay. 350 vieillards, femmes et enfants sont acheminés par le train, escortés par des gendarmes afin d’éviter une évasion.
Le
prêtre chez les femmes communistes
Le but du
déplacement des nomades est de laisser la place à des femmes communistes. Le 8
janvier 1944, plus de 200 femmes, parmi lesquelles se trouvent 170 politiques,
arrivent dans le camp. L’une d’elles est la belle-sœur de Maurice Thorez,
Andrée Vermersh. Certes l’accueil réservé au prêtre est plutôt glacial, mais l’ordinaire du camp est
amélioré. Le père Fleury et une religieuse prennent le risque de faire du
marché noir pour les secourir.
L’action
auprès des Juifs
Le camp juif
arrive lors de l’été 1941 et s’installe au-delà du camp nomade, ce qui permet
d’avoir des passages entre les deux. Plus de 800 israélites transitent, pour un
grand nombre, avant d’être transférés à Drancy, puis déportés. Lors de sa prise
de contact, le père Jean Fleury est confondu
avec un rabbin qui vient d’être arrêté par les Allemands. Le camp est
totalement coupé de l’extérieur. Des gendarmes encadrent les détenus, sous la
direction de la Gestapo
qui ne réside pas dans le camp. Avec une telle disposition des lieux qui oblige
les Allemands à passer par le camp nomade pour pénétrer dans le camp juif,
l’accès ne peut se faire que par un portillon barbelé ou un grand portail qui
permet le passage des camions de ravitaillement. Le 18 juillet 1942, coup de
théâtre, les femmes juives sont transférées à Drancy, laissant leurs enfants à
la charge des restantes. Pendant plus de deux ans, Jean Fleury rejoint le camp
juif, au risque de sa vie, avec la complicité des nomades se tenant aux aguets.
Ainsi il effectue plus de 200 allers retours, à l’insu des Allemands.
Le Père Fleury plantant l'arbre du Juste en Israël. Cl.Archives familiales. |
Pour échapper
à l’oppression la plus effroyable qui soit, celle d’une chape de plomb nazie
sur l’Europe, Jean Fleury entre en contact avec les maquis et les principaux
chefs de la Résistance. Il
réussit notamment à placer un interprète à la Gestapo , avec l’accord de la Résistance et obtient
des renseignements afin de prévenir les attaques des SS contre les maquis. Le
21 août 1944, les Allemands se cantonnent avec mitrailleurs et
fusils-mitrailleurs à proximité du camp, aux avant-postes. Le 22 août, des Hindous,
de l’ordre de 500 à 600, remplacent les Allemands comme gardiens à l’extérieur.
La
libération du camp
Le 8 mai 1945, c’est l’armistice. De nouveaux
horizons se dégagent pour la ville de Poitiers.
Jean Fleury
entame des négociations auprès de la préfecture afin de faire libérer les
internées politiques et les juifs. Il propose de transférer le camp dans un
collège, mais il faut l’autorisation des Allemands. Une alternative est trouvée
avec un accueil à l’Hôtel-Dieu. 28 personnes y aménagent, mais la crainte des
Hindous, à la réputation redoutable, est très forte. Le camp doit être libéré
dans sa totalité. Le déménagement se fait par vagues successives au collège
Saint Joseph. Puis Jean Fleury et le directeur du camp obtiennent que les
personnes internées sur l’ordre de Vichy puissent être libérées. Quant aux
Juifs ayant échappé à la déportation, leur sort est plus difficile à
régler.
Jean Fleury
héberge trois petits enfants, privés de parents, les Allemands ayant accepté de
les faire libérer. Les Allemands finissent par quitter Poitiers le 4 septembre
1945. Les Israélites et les hommes
internés politiques ont quitté le camp de la route de Limoges.
Le préfet
dira au père Fleury, en parlant des femmes communistes : « Elles vous doivent une fameuse chandelle. »
L'arbre du Père Fleury vers 1980, Israël. |
Un
engagement total
Télégramme de condoléances et de reconnaissance du Consul général d'Israël, 1982. (Archives familiales). |
Interview du Père Jean Fleury:
www.ajpn.org/juste-Jean-Fleury-1092 html