Analyse morphologique de la ville de Fougères
Analyse des formes urbaines de la ville de Fougères à partir du cadastre napoléonien (les numéros figurant sur la carte renvoient aux commentaires).
Vers 1030-1040, un lignage s’installe sur un rocher relativement étendu, ceinturé par un cours d’eau et des marais et entouré de collines. Un château est construit, certaines sections en pierre remonteraient probablement à la fin du XIe siècle (1). Rapidement, même si la documentation n’en fait état que tardivement, un premier bourg (burgus) est fondé, le Bourg Vieil (2), et avant 1092, un second apparaît sur les hauteurs avec le Bourg Neuf (3), celui-ci est rapidement dédoublé par une rue parallèle (3a), du moins avant la construction des remparts au début du XIIIe siècle.
Au
cours des années 1060-1090, de nombreux édifices religieux sont cités. Dans
l’enceinte castrale, la famille seigneuriale disposait d’une chapelle castrale
(1). Sur les hauteurs, les bourgeois furent d’abord accueillis dans l’église
Saint-Nicolas (3b), dépendante de Marmoutier. Mais l’agglomération fougeraise
s’étendant sur la paroisse de Lécousse, rattachée à Pontlevoy, celle-ci
intervint et fonda une église concurrente, Saint-Léonard (3c). Saint-Nicolas
perdit alors son rang, devint une chapelle au milieu du XIIe siècle
et une aumônerie avant 1243. Dans la basse ville, installée sur une île au pied
du château et citée vers 1090, Saint-Sulpice (5) est l’église la plus ancienne.
Elle est rapidement menacée par l’installation de moines de Marmoutier dans le
prieuré de la Sainte-Trinité. L’abbaye tourangelle eut le soutien de la famille
de Fougères, qui lui céda un emplacement pour construire un établissement
monastique (6) et deux bourgs, le premier, le Marchix, à l’emplacement du
marché seigneurial (4) qui fut déplacé sur les hauteurs de l’agglomération
(4a), et le second, le bourg Chevrel (6a) dont le nom suggère la mise en valeur
de ce quartier marécageux. Les moines eurent l’intention d’ériger leur prieuré
en centre paroissial. Ce fut un échec, conduisant vers 1100, à la rupture avec
la famille de Fougères. Probablement au même moment, cette dernière se
rapprocha d’autres établissements monastiques, notamment Pontlevoy, qui reçut
un burgus, Rillé (7), cité seulement
en 1143. C’est en son sein que les chanoines de la chapelle castrale s’installèrent
au milieu du XIIe siècle quand ils décidèrent d’adopter la règle
augustinienne. Ce fut la fondation de l’abbaye de Rillé (7). À cette occasion,
les chanoines reçurent le bourg de Rillé et, en retour, l’abbaye de Pontlevoy
obtint le droit de fonder un nouveau burgus,
le bourg de l’Échange (7b), qui végéta.
Une autre abbaye avait des biens en Fougères, Savigny en Normandie, fondation familiale qui possédait des terres et un moulin dans la basse ville (8). Le parcellaire indique d’autres formes dont certaines sont probablement médiévales. En direction de la Normandie, le faubourg Roger (9a) montre des parcelles régulièrement organisées ; au sud-est, vers le Maine, un autre faubourg (9b) s’élance depuis les remparts (10). À l’ouest, vers Rennes, le long d’une voie (via), un ensemble parcellaire laisse penser qu’il s’agit là aussi d’un lotissement médiéval (9c). Cette ouverture sur l’extérieur est renforcée par des preuves d’immigration dès le milieu du XIIe siècle, le mouvement s’intensifiant par la suite (Normands, Cahorsins...).
Fougères présente les caractéristiques d’une ville castrale fondée ex nihilo, d’abord polynucléaire, son dynamisme lui a permis de se développer. L’érection de remparts, probablement au cours des années 1240, scelle la réussite d’une localité qualifiée de villa en 1200.
Indication bibliographique : Julien Bachelier, Villes et
villages de Haute-Bretagne (XIe-début XIVe s.). Analyses
morphologiques, Saint-Malo, Centre Régional d’Archéologie d’Alet, Les Dossiers du CeRAA, n° AK, 2014, p.
86-87.