Les mégalithes de la forêt de Fougères
La Pierre
du Trésor
La Pierre du Trésor inaugure notre série sur les mégalithes de la forêt de Fougères, suivront la Pierre Courcoulée et le Cordon des Druides. S’il reste
aujourd’hui de beaux vestiges de ces trois monuments, force est de constater
qu’ils demeurent encore en grande partie énigmatiques, tout comme leurs
homologues qui couvrent les terres armoricaines mais aussi européennes.Sous la mousse
et entre les branchages, on peut encore admirer ces vestiges de pierre; observons-les et essayons de les décrypter, dans les limites du possible.
La Pierre du Trésor se situe dans la forêt
de Fougères, dans sa partie orientale, au sein de la parcelle 78. Nous sommes
donc en Landéan. Actuellement, on la distingue dans un petit creux d’un mètre,
d’où apparaissent quelques pierres recouvertes le plus souvent de mousse, orientée
globalement nord-sud.
Au fond de
cette petite cuvette émergent sept blocs de pierre de taille inégale, dont un
légèrement à l’écart (photographie n° 1). Comme bien souvent pour ce type de
monument, la pierre est d’extraction locale, c’est un granite avec une forte
proportion de quartz. Le bloc principal (table, dalle de recouvrement ou de
couverture) mesure un peu plus de trois mètres de long, elle dépasse les deux
mètres de large et est épaisse de 80 centimètres. Le temps et surtout les
hommes expliquent qu’elle a basculé ; des chercheurs du fameux Trésor ont renversé l’édifice...
d’aucuns ont aussi accusé la chute d’un arbre. Autour de ce gros bloc, cinq ou
six pierres atteignant près de 60 centimètres de haut. Il s’agit des
orthostates, ou dalles verticales, ayant vocation à soutenir la dalle,
celles-ci formaient le couloir menant à la chambre.
Si les auteurs
anciens ont mesuré la Pierre du Trésor
sous toutes les coutures (P. Bézier, L. Rallier et T. Danjou de la Garenne),
presque aucun n’indique la forme ovalaire qui se détache tout autour atteignant
les six-huit mètres de diamètre (photographie n° 2). L’ensemble est ceinturé
d’un talus de terre d’une vingtaine de centimètres vers l’extérieur, mais
atteignant près d’une soixantaine de centimètres à l’intérieur de la
dépression. Il s’agit très certainement des vestiges d’une enceinte, possible
empreinte d’un tumulus ou plutôt d’un tertre, c’est-à-dire une éminence
artificielle composée uniquement de terre.
Il faut un peu
d’imagination pour se représenter l’ensemble tel qu’il devait être il y a
plusieurs milliers d’années. Les piliers, plantés verticalement, servaient
d’assise à la dalle de couverture. Ainsi, un espace était dégagé, on parle de
chambre, mais il est délicat d’en restituer la forme, était-elle circulaire,
quadrangulaire ou polygonale ? Cette dernière hypothèse paraît difficile
étant donné le faible nombre d’orthostates, par contre on peut
vraisemblablement imaginer une chambre quadrangulaire. Cette dernière pouvait
atteindre près de 1,50 mètre de long. À la différence d’autres mégalithes, la Pierre du Trésor ne semble pas avoir eu
de couloir d’accès. Quant à la forme ovalaire, faite en terre, elle conserve le
souvenir d’un tertre, disparu depuis sous l’action des vents, de la pluie et
surtout des hommes, même une modeste colline artificielle de terre devait
susciter si ce n’est pas la curiosité, au moins la cupidité.
Un trésor et un diable : légende
autour du mégalithe
Louis-François
Du Bois dans ses Recherches
archéologiques, historiques, biographiques et littéraires sur la Normandie
parues en 1843 avait rapporté une légende se rapportant à la Pierre du Trésor, comme bien souvent, le
diable n’est pas loin... :
« Mazarine est une femme puissante qui passe
pour être la mère de tous les diables anciens et modernes. (...) Elle
possède dans la forêt de Fougères un très beau château (...). Celui qui aspire
à la fortune se met en quête ; il dirige ses pas vers la forêt de
Fougères ; il trouve sur sa route un petit ruisseau sans apparence et non
pas sans pouvoir. S’il met le pied dans le ruisseau, il est sûr d’avoir le cou
cassé par le diable. Ce mauvais pas franchi, on arrive au château ; on
entre ; on trouve une masse immense de richesse. Alors une voix se fait
entendre et crie solennellement : "Prends cet or autant que tu
voudras, mais n’en prends pas plus que tu n’en pourrais porter." Le retour
a lieu aussitôt ; et le nouvel enrichi, tout fier qu’il est de son
acquisition, n’a garde d’oublier ce précepte de la sagesse : rien de trop.
Il ne s’est chargé que convenablement. On dit que les petits ruisseaux font les
grandes rivières ; en effet au lieu où coulait le petit ruisseau, se
trouve une rivière fort large ; mais l’histoire ne dit pas qu’elle empêche
de passer. L’enrichi jouit de ses richesses comme il le juge à propos ;
mais au bout des douze années, il appartient au diable qui en fait ce qu’il
juge à propos. »
Dans cette
légende, la Pierre n’est pas citée,
mais se situant non loin du lieu-dit Les
Vieux Châteaux, aussi énigmatiques que les Celliers de Landéan. Il existe d’autres fables sur ce fameux
trésor, considéré comme damné, volant, insaisissable... et pour cause ! Ces
histoires merveilleuses rappellent que la quête du trésor en a justement
détruit un autre : le monument mégalithique…
Site de mémoire : quelques repères
La Pierre du Trésor n’a jamais été l’objet
de fouilles scientifiques qui auraient pu permettre de mieux la comprendre.
Mais le vandalisme de pilleurs de trésor a probablement rendu vaine toute
étude, les moindres éléments (poterie, parures...) permettant une possible
datation ont certainement été détruits, d’autant plus que des voleurs ont déjà
dû visiter les lieux...
Néanmoins, ce type de construction s'accorde avec une datation du Néolithique. Cette période de la Préhistoire commence aux environs du milieu du VIe millénaire et se termine vers 2000 avant notre ère. Toutefois le mégalithisme armoricain s’est principalement déployé entre 4800 et 3500. L’absence de couloir d’accès à la chambre inciterait à proposer une datation haute de ce mégalithe, peut-être du Ve millénaire.
Néanmoins, ce type de construction s'accorde avec une datation du Néolithique. Cette période de la Préhistoire commence aux environs du milieu du VIe millénaire et se termine vers 2000 avant notre ère. Toutefois le mégalithisme armoricain s’est principalement déployé entre 4800 et 3500. L’absence de couloir d’accès à la chambre inciterait à proposer une datation haute de ce mégalithe, peut-être du Ve millénaire.
Ce dolmen
a été classé aux Monuments Historiques par arrêté du 19 décembre 1946.
Julien Bachelier