Les mégalithes de la forêt de Fougères
La Pierre Courcoulée
Outre la Pierre du Trésor, la forêt de Fougères abrite un second mégalithe : la Pierre Courcoulée. Les mêmes questions valent pour ce dolmen caché parmi les arbres, mieux conservé que le premier.
Description de la Pierre Courcoulée
Cet ensemble
mégalithique se situe dans la partie occidentale de la forêt de Fougères, non
loin d’un chemin forestier, rejoignant le carrefour du Poulailler. Cernée par
les arbres, la Pierre Courcoulée
surgit alors.
On distingue
très nettement un amas d’une quinzaine de pierres en granit, ce qui n’étonnera
pas en forêt de Fougères. La Pierre
Courcoulée paraît divisée en deux parties, mais tel ne devait pas être le
cas à l’origine, il faut probablement imaginer un seul et même ensemble
mégalithique avec ses piliers et sa dalle de couverture.
Si l’on
restitue l’ensemble et que l’on admet que cette dernière a été brisée, elle
mesure près de 5 mètres de long, large de 1 mètre et épaisse de plus 1,10
mètre. Cette table de recouvrement est actuellement cassée, elle l’était déjà
au début du XIXe siècle lorsque l’on peut lire les premières
descriptions. Certains ont estimé qu’elle ne formait qu’un seul et même bloc,
mais on peut également penser qu’elle était bien divisée en deux parties dès la
construction du monument, même si classiquement les autres mégalithes de cette
forme n’étaient recouverts que d’une seule pierre. La brisure est
particulièrement érodée, preuve que si la pierre appartenait à un même ensemble
cette fracture est ancienne. On accuse parfois les chercheurs de trésors, mais
les chrétiens ont aussi renversé des mégalithes, à défaut, en cas d’échec, ils
ont christianisé le menhir, comme la Pierre
Longue ou Lande Rosse en
Noyal-sous-Bazouges. Parfois aussi, les destructions remontent bien haut dans
le temps, les hommes préhistoriques ont parfois détruits ce que leurs
devanciers, de quelques siècles, avaient érigé.
Étant donné la
difficulté de savoir si la table de recouvrement formait un seul bloc, partons
de l’existant. Arrivant du chemin, une première partie repose sur quatre
piliers, à chaque angle. Malgré leur forme, qui paraît irrégulière, ceux-ci
présentent des points communs. Leur hauteur varie entre 0,70 et 0,80 mètre et
leur épaisseur oscille entre 0,40 et 0,50 mètre. Nonobstant les dégâts, on
perçoit une certaine logique dans leur répartition, si leur base se touche,
formant comme un muret, leur sommet laisse percer la lumière au sein de ce qui
devait faire office de couloir. Avant d’en venir à la deuxième partie du
mégalithe, on notera l’existence d’une pierre entre les deux sections, elle
pourrait correspondre à une dalle transversale, barrant l’accès à la chambre
depuis le couloir.
La deuxième
partie de la table de recouvrement est beaucoup plus affaissée. Dans les années
1920-1930, elle reposait sur trois piliers, depuis elle semble avoir encore
basculé et on peut difficilement employer le verbe « reposer ». La
pierre a basculé sur son flanc septentrional et une seule pierre sert encore de
support ; sous elle on devine un bloc.
Enfin, restent
deux anciens piliers qui aujourd’hui ne supportent plus rien. Le premier se
trouve entre les deux parties précédemment décrites. Quant au second, il se
situe à l’extrémité du deuxième bloc, tout indique qu’il servait de support,
mais sa partie haute paraît avoir été tirée vers l’extérieur, ce qui pourrait
expliquer le basculement de cette partie de la table de recouvrement.
L’assemblage
de ces pierres indique l’existence d’un couloir et d’une chambre, ou cella. Le premier paraît extrêmement
exigu avec à peine une trentaine de centimètres de large en certains endroits,
on peine à croire que son état actuel soit conforme à ce qu’il était à
l’origine. Quant à la cella (partie la plus secrète d'un édifice sacré), l’état
de dégradation actuel rend délicat la moindre hypothèse, néanmoins elle pouvait
mesurer près d’un mètre de long sur une cinquantaine de centimètres de large,
la hauteur est difficile à estimer du fait de l’affaissement du sol et de la
table de recouvrement.
Tout autour de
cet ensemble on devine un tracé ovalaire de 8-10 mètres de diamètre. Il est
très dégradé et ne couvre que le tiers de l’enceinte, au sein de laquelle on
observe quelques pierres. Sur ces dernières on peut émettre quelques
hypothèses : ainsi devant le mégalithe, une première pierre pouvait servir à
clore l’accès au dolmen. Mais on peut aussi imaginer que la Pierre Courcoulée était plus grande à
l’origine.
Une pierre et plusieurs dénominations
La Pierre Courcoulée porte d’autres noms,
d’ailleurs ce dernier semble lui avoir été tardivement attribué. Au XIXe
siècle, on parlait davantage du Monument
ou plus encore de la Pierre aux Huguenots.
Alexandre de
Noual de la Houssaye est revenu sur ces noms derrière lesquels sommeillent des
légendes. Il a recueilli les traditions locales et les habitants des environs
pensaient que ces vieilles pierres étaient les restes d’une demeure des
Templiers. Cet ordre du XIIe siècle, était composé des célèbres
moines-soldats, il connut une forte diffusion au cours du XIIIe
siècle, mais à aucun moment les Templiers ne furent présents à Fougères et sa
région. Mais derrière ces derniers, les paysans les auraient confondus avec
d’autres chrétiens, les Huguenots ! Avec ceux-ci, on réalise un nouveau
bond dans l’histoire, puisque le terme désigne les protestants aux XVIe
– XVIIe siècles. Ils n’ont pas plus de rapport avec la Pierre Courcoulée que les
Templiers ! En fait, Alexandre de Noual de la Houssaye estime, et à juste
titre, que pour les populations catholiques Huguenots et Templiers ne sont que
des païens parmi d’autres. Dès lors, le bon sens populaire se trompait certes
de quelques siècles, voire millénaires, mais le rôle religieux des mégalithes
était pressenti.
Des objets funéraires ?
Si la Pierre Courcoulée a certainement connu
de nombreuses fouilles sauvages, il semblerait toutefois qu’on y ait retrouvé
des « anneaux bretons » qui dateraient du Néolithique final,
soit vers 2500 av. notre ère. L’usage de ces derniers demeure flou,
s’agissait-il d’armes, d’outils, d’instrument de musique, d’ornement de
chevelure et/ou vestimentaires, de bracelets ou anneaux de cheville ? Les
archéologues optent pour la prudence en estimant qu’il s’agit de mobilier
funéraire, d’un dépôt pour le ou les défunts.
Dolmen ou allée couverte?
La tradition
populaire qualifie ce type de monument mégalithique de dolmen, historiens et archéologues lui préfèrent celui d’
« allée couverte ». Il s’agit d’une variante, généralement, les
allées couvertes sont formées d’un long couloir, avec des dalles de même
hauteur et une largeur constante. Parfois, à l’extrémité du monument est
aménagée une petite cellule séparée par une dalle transversale. Afin de
préserver la Pierre Courcoulée, elle
a été classée monument historique en 1946.
Julien Bachelier
Julien Bachelier