lundi 11 mars 2013

JEAN FLEURY, RESISTANTet PREMIER JUSTE DE FRANCE








Jean Fleury, Résistant et premier Juste de France

       







       Prêtre catholique, le père Fleury, originaire du pays de Fougères, est une grande figure de la Résistance. Son nom est connu largement au-delà de sa région d’adoption, Poitiers et ses environs. Ce jésuite généreux et courageux se voit décerner, en 1964, la médaille des Justes par le gouvernement d’Israël, récompense destinée à honorer les hommes et femmes et leurs actions en faveur des juifs. Ici il s’agit de reconnaître le dévouement au service des juifs internés au camp de Poitiers, route de Limoges. Lors de son décès à Pau, en décembre 1982, un service religieux est célébré, à sa mémoire, à l’église Notre-Dame-la-Grande, le 8 décembre. Ainsi veut-on rendre hommage à la grandeur d’un homme qui assista les tsiganes, les juifs et les militantes communistes internées pendant la seconde guerre.





                                   
Jean Fleury, 1925.
Archives familiales.

                 Ses origines fougeraises




 Jean Fleury est né le 21 février 1905,à La Selle-en- Luitré, dans le département de l’Ille et Vilaine. Sa famille est bien connue dans le pays de Fougères. Il entre dans la Compagnie de Jésus, le 17 novembre 1925, puis est ordonné prêtre, 13 ans plus tard, en 1938. Il est nommé à Poitiers où il consacrera 41 ans au service de ses compatriotes.


   






 

                  Ses activités de Résistant auprès des tsiganes



 
     En septembre 1941, Jean Fleury est chargé de l’aumônerie du collège Saint Joseph et enseigne le latin aux vocations tardives d’une école apostolique. A partir de mai 1942, il exerce son travail pastoral auprès des nomades, gitans et tsiganes du camp de la route de Limoges : célébrations de baptêmes, premières communions et mariages. Le 13 janvier 1943, la plupart des hommes, âgés de 16 à 60 ans, sont emmenés à Compiègne et déportés huit jours plus tard vers les camps de la mort, Buchenwald, Dachau, Fiossenburg, Mauthausen, Neuengamme, Oranienburg et Sachsenhausen. Seuls restent au camp de Poitiers les vieillards, les femmes et les enfants. Le seul motif de l’arrestation et de la déportation est le racisme à leur égard.

       Jean Fleury intervient auprès des autorités afin de soulager la condition matérielle des nomades résidents pour le chauffage et les vêtements. A la fin de l’année 1943, les nomades sont transférés au camp de Montreuil-Bellay. 350 vieillards, femmes et enfants sont acheminés par le train, escortés par des gendarmes afin d’éviter une évasion.









 
              Le prêtre chez les femmes communistes


 
     Le but du déplacement des nomades est de laisser la place à des femmes communistes. Le 8 janvier 1944, plus de 200 femmes, parmi lesquelles se trouvent 170 politiques, arrivent dans le camp. L’une d’elles est la belle-sœur de Maurice Thorez, Andrée Vermersh. Certes l’accueil réservé au prêtre est  plutôt glacial, mais l’ordinaire du camp est amélioré. Le père Fleury et une religieuse prennent le risque de faire du marché noir pour les secourir.


 
                         L’action auprès des Juifs



      Le camp juif arrive lors de l’été 1941 et s’installe au-delà du camp nomade, ce qui permet d’avoir des passages entre les deux. Plus de 800 israélites transitent, pour un grand nombre, avant d’être transférés à Drancy, puis déportés. Lors de sa prise de contact, le père Jean Fleury est confondu  avec un rabbin qui vient d’être arrêté par les Allemands. Le camp est totalement coupé de l’extérieur. Des gendarmes encadrent les détenus, sous la direction de la Gestapo qui ne réside pas dans le camp. Avec une telle disposition des lieux qui oblige les Allemands à passer par le camp nomade pour pénétrer dans le camp juif, l’accès ne peut se faire que par un portillon barbelé ou un grand portail qui permet le passage des camions de ravitaillement. Le 18 juillet 1942, coup de théâtre, les femmes juives sont transférées à Drancy, laissant leurs enfants à la charge des restantes. Pendant plus de deux ans, Jean Fleury rejoint le camp juif, au risque de sa vie, avec la complicité des nomades se tenant aux aguets. Ainsi il effectue plus de 200 allers retours, à l’insu des Allemands.



Le Père Fleury plantant l'arbre du Juste en Israël.
 Cl.Archives familiales.


                       Les contacts avec les maquisards


 
     Pour échapper à l’oppression la plus effroyable qui soit, celle d’une chape de plomb nazie sur l’Europe, Jean Fleury entre en contact avec les maquis et les principaux chefs de la Résistance. Il réussit notamment à placer un interprète à la Gestapo, avec l’accord de la Résistance et obtient des renseignements afin de prévenir les attaques des SS contre les maquis. Le 21 août 1944, les Allemands se cantonnent avec mitrailleurs et fusils-mitrailleurs à proximité du camp, aux avant-postes. Le 22 août, des Hindous, de l’ordre de 500 à 600, remplacent les Allemands comme gardiens à l’extérieur.


 
                     La libération du camp










     Le 8 mai 1945, c’est l’armistice. De nouveaux horizons se dégagent pour la ville de Poitiers.
    Jean Fleury entame des négociations auprès de la préfecture afin de faire libérer les internées politiques et les juifs. Il propose de transférer le camp dans un collège, mais il faut l’autorisation des Allemands. Une alternative est trouvée avec un accueil à l’Hôtel-Dieu. 28 personnes y aménagent, mais la crainte des Hindous, à la réputation redoutable, est très forte. Le camp doit être libéré dans sa totalité. Le déménagement se fait par vagues successives au collège Saint Joseph. Puis Jean Fleury et le directeur du camp obtiennent que les personnes internées sur l’ordre de Vichy puissent être libérées. Quant aux Juifs ayant échappé à la déportation, leur sort est plus difficile à régler.

 






    Jean Fleury héberge trois petits enfants, privés de parents, les Allemands ayant accepté de les faire libérer. Les Allemands finissent par quitter Poitiers le 4 septembre 1945.  Les Israélites et les hommes internés politiques ont quitté le camp de la route de Limoges.
     Le préfet dira au père Fleury, en parlant des femmes communistes : « Elles vous doivent une fameuse chandelle. »




 L'arbre  du Père Fleury vers 1980, Israël.


 
                       Un engagement total


      Ainsi Jean Fleury, pour son action à Poitiers, a désormais sa rue dans la ville, rappelant son activité inlassable en faveur des gitans internés et des nombreux juifs qui échappèrent à l’extermination. Une concession symbolique de 100 m2 lui a été léguée par l’Etat d’Israël, à Jérusalem. L’historien Patrick Cabanel mentionne son nom à plusieurs reprises dans son ouvrage « Histoire des Justes en France » (Armand Colin, 2012). Le village de La Selle-en-Luitré peut vraiment être fier de l’enfant du pays.



                                  Daniel Heudré
                      Clichés: Archives familiales, Droits réservés.
  

 Télégramme de condoléances et de reconnaissance
 du Consul général d'Israël, 1982. (Archives familiales).



  Interview du Père Jean Fleury:


www.ajpn.org/juste-Jean-Fleury-1092 html