mardi 21 mai 2013

LE CHATEAU du ROCHER-PORTAIL, SAINT-BRICE-EN-COGLES


 
UNE DEMEURE PRESTIGIEUSE 
 
 
 


 
       A deux pas de la Selle-en-Coglès, dans les ondulations de la campagne briçoise, il suffit de dépasser les hautes futaies pour voir apparaître, comme derrière le rideau, un joyau de l’architecture bretonne : le château du Rocher-Portail, posé sur les bords de la Loysance.
 
                    UN CHATEAU DIGNE D'UN FINANCIER


 
     Le Rocher-Portail ou Rocher-Portal s’appelait jadis le Rocher puis le Rocher-Sénéchal, du nom des propriétaires qui l’habitaient en 1437. Son origine remonterait au XIème siècle. Une motte était établie près de la Loysance.

       Gilles RUELLAN,ancien valet originaire d'Antrain,vite devenu   financier richissime,anobli par Henri IV en 1603 et comblé d'honneurs en récompense de ses services,en fait l’acquisition en 1596. A l’origine, le château n’avait qu’une fonction défensive. Mais, à la fin du XVIème, Gilles Ruellan le fait démolir en partie pour construire  une résidence plus grande et surtout plus prestigieuse. Le donjon défensif devient alors une grande demeure de plaisance, consécration de son ascension sociale. La date de 1617, gravée sur le fronton sud du corps central, marque sans doute l'achèvement  du château dans ses parties essentielles.
 
               UNE  COMPOSITION  RIGOUREUSE

 
    L’architecture rompt avec l’époque féodale et devient plus décorative. L'ordonnance sobre de l'ensemble, le dialogue  strict entre les ailes nord et sud montrent un souci de symétrie et d'unité cher au classicisme. 





   Le château disposé en U se compose de trois grands corps de bâtiments terminés par quatre pavillons d’angle ouverts sur les quatre orients. Les toits très élevés reposent sur des corniches modillonnées et portent sept élégantes lucarnes  au fronton courbe .  Comme pour mettre un point d'orgue  à cette harmonie des lignes, les hautes cheminées  reçoivent elles aussi un couronnement de forme arrondie, plus tardif.








      Le corps central du château présente une grande originalité avec ses deux grands frontons curvilignes percés d’oculi jumelés ; ils marquent l’emplacement des deux escaliers qui desservent les pavillons et ils dédoublent l’entrée principale généralement située au centre du bâtiment principal. Pour Christophe Amiot, architecte des Bâtiments de France, les deux oculi des grands frontons et les moulurations des baies du Rocher-Portail  présentent des  similitudes avec le répertoire décoratif de la cathédrale de Saint-Malo (transept nord), édifiée à la même époque, par Thomas Poussin, architecte du roi : serait-il aussi l'architecte du Rocher-Portail?


  Sur l'aile sud, s'ouvre une porte en plein cintre surmontée de coulisses de pont-levis dont la  fonction empruntée à  l' architecture défensive médiévale est purement décorative.Elle  est en symétrie avec l'entrée de la galerie sur l'aile opposée.





 Façade sud: porte de communication imposante entre la cour d'honneur et 
celle des communs, disposée en avant-corps et munie de coulisses de pont- levis.


 
     La cour carrée est agrémentée d’une jolie galerie dont les arcades cintrées, séparées par des pilastres toscans, reposent sur un mur d’appui qui allège l’ensemble. Cette disposition lui donne un tour italianisant et elle reflète la  persistance de  l'esthétique de la Renaissance en Bretagne jusqu’au début du XVIIème siècle. La galerie ouverte du rez-de-chaussée conduit des appartements privés à la chapelle du seigneur. A l’étage supérieur, la galerie est borgne et elle s'ouvre sur un salon privé appelé « salle des arts et des plaisirs ». Des marques de décors peints du XVIIe y subsistent.




Façade-est: saut-de-loup.


       La cour d’honneur est  fermée par une balustrade en granit de style Louis XIII, elle  borde un fossé qui communique avec l'étang formé par la Loysance. A l'est, la façade  du corps de logis principal , moins ouvragée, donne sur un parc autrefois dessiné et planté au fond duquel  se trouve toujours un  petit pavillon coiffé à l'impériale;
la cour des communs  est elle aussi  fermée par une balustrade et protégée par un  saut-de-loup.
 


 Façade-est ouverte sur  les  jardins; l'ornement central en forme de vasque
 soutenue par trois piliers est l'autel de la chapelle seigneuriale.


 
            Gilles Ruellan était  aussi devenu propriétaire des châteaux du Tiercent en 1602, de Monthorin en 1607, de La Ballue en 1615 et de nombreuses demeures bretonnes. 
   Après  son décès  en 1627, l'une de ses filles, Vincente,  épouse de Jacques Barin de la Galissonnière, hérite du Rocher-Portail ; en 1653, son fils Jacques vend la propriété à Jacques  de Farcy, gouverneur du château de Vitré ; la  puissante famille de Farcy était en partie acquise au protestantisme. A cette époque, le Rocher-Portail  dispose d'un oratoire  protestant, le culte semble y avoir été célébré jusqu'en 1668.
 La propriété est restée dans cette famille et ses alliés les Guérin jusqu'au milieu du XIXe, à l'exception de la période révolutionnaire ; en 1866, elle est achetée et restaurée par la famille de Boutrays et transmise de génération en génération jusqu'en 2015.
 

  
         Malgré les réfections des XVIIIè et  XIXè siècles, cette demeure de grand style  a gardé son homogénéité, elle nous est parvenue en apparence intacte et elle continue à nous éblouir. Que le sens esthétique qui a présidé à sa construction impose encore longtemps le respect.
 
                                                 

                                             Société d'Histoire et d'Archéologie du Pays de Fougères





Bibliographie.
- Christophe Amiot, Observations sur le plan quadrangulaire et la galerie dans les châteaux bretons (1575-1640).L'exemple du Rocher-Portail à Saint-Brice-en-Coglès. Mémoires de la Société d'Histoire et d'archéologie de Bretagne, Tome LXXIV,1996, p.519-561.
-Banéat P. Le département d'Ille-et-Vilaine, Rennes, J. Larcher, 1929,p338-9.
  Remerciements à Joseph Pommereul.



- Inventaire général du Patrimoine culturel,Région Bretagne,Saint-Brice-en-Coglès:


http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=MERIMEEIA35048944








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