vendredi 27 juillet 2012

DES ENFANTS JUIFS CACHES PRES DE FOUGERES PENDANT L'OCCUPATION:"Jamais je ne t'oublierai"








Saint-Christophe-des-Bois,rue de l'Eglise (Cl. Association Histoire St-Christophe-des-Bois)




     L' éventail des commémorations se déplie au coeur de  l'été 2012, 70 ans après  LA   RAFLE du VEL D'HIV, 16 juillet 42, plusieurs expositions orientent les regards sur des pages d 'Histoire douloureuses:

 -  celle des archives de la police à Paris(mairie  du IIIè) " La Rafle du Vel d'Hiv"...
     
 - l'exposition " C'ETAIENT DES ENFANTS-Déportation et sauvetage des enfants juifs à Paris", et, de surcroît, une enquête de l'institut CSA pour sonder les profondeurs de l'oubli ou de la méconnaissance ... 
Autant de jalons sur les sentiers d'une Mémoire qui se dérobe et qu'il faut  déjà restaurer.




    Toutefois, dans ces jours les plus noirs, ce naufrage de l'honneur et de l'humanité,  la fraternité n'a pas complètement sombré et l'enfance, par sa candeur et sa fragilité, a fermé des yeux, serré des lèvres et ouvert des bras. A Saint-Christophe-des-Bois, le cinéaste Nicolas Ribowski vient de tourner en collaboration avec Michel Godet, professeur d'Histoire, un documentaire qui redonne la mémoire de la déchirure  et de l'humble courage.

                                                " JAMAIS JE NE T'OUBLIERAI "







      LE SORT TRAGIQUE DES ENFANTS JUIFS
                   SOUS L' OCCUPATION


DISPARAITRE ou SE FAIRE  OUBLIER



      1944, Fougères

        la déportation à Auschwitz de la famille Lévy




     Léon et Selma Lévy tiennent un magasin de confection, au 12, boulevard Jean Jaurès, à Fougères. L’enseigne est très connue « Paris Soldes » et attire beaucoup de clients de la ville et des environs. Leurs deux petites filles fréquentent l’école Charles Malard. Les temps s’assombrissent à partir de 1942. La famille doit porter l’étoile jaune qui fait pleurer la maman. Leur seul « crime » est d’être juif.
Selma Lévy et ses filles ( Coll. privée)

    Le 23 novembre 1943, les deux enfants, Gaby, 8 ans et Nelly, 6 ans sont arrêtées par les Allemands et emmenées à la prison Jacques Cartier de Rennes. Toute la famille Lévy se retrouve à Rennes et y reste jusqu’au 20 janvier 1944. Personne ne les reverra désormais.






     Le convoi 66 les conduit à Drancy puis aux camps d’Auschwitz. Tous périront dans les chambres à gaz. Leur nom figure maintenant au mémorial des enfants juifs déportés de France. Il a fallu la longue patience d’Arlette Jourdan, ancienne camarade d’école des petites Lévy pour alerter Serge Klarsfeld et retrouver le nom de cette famille et des enfants, Gaby et Nelly.


Les entants Lévy et des proches (Coll privée.)
Léon, Selma et Gaby Lévy (Coll. privée)












     1944, Saint Christophe-des-Bois

        l'asile pour 19 enfants


      Cette fois il faut la publicité autour du tournage d’un documentaire pour faire émerger un épisode méconnu mais crucial de l’histoire de Saint Christophe-des-Bois et du Val d’Izé, deux communes limitrophes aux portes de Vitré. On pourrait dire le secret des enfants juifs cachés à la fin de la seconde guerre. Chacun des partenaires contribue à lever le secret : le maire Jean Pitois, l’historien Michel Godet à la ténacité remarquable, la famille Adass et le réalisateur, lui-même ancien déporté, Nicolas Ribowski.







 Michel, Monique et Arlette Adass.(Collection privée)






      Cet épisode pourrait mériter le titre de JUSTES à la commune de Saint Christophe-des-Bois. Trente-cinq enfants d’origine juive sont dissimulés à l’est de département d’Ille-et-Vilaine pendant l’Occupation allemande, dix-neuf le sont à Saint-Christophe. Les autres sont dirigés sur les communes voisines Le Val d’Izé, Mecé, La Chapelle-Erbrée. Quelques-uns sont orientés dans le pays de Fougères, à La Bazouge-du-Désert et à Saint Georges-de-Reintembault.
      L’organisation ne laisse rien au hasard : les enfants sont pris en charge à Paris par des organisations juives, comme l’Union Générale des Israélites de France. Plusieurs sont envoyés en Bretagne grâce à la complicité d’une Vitréenne, Madame Henry. Evidemment les habitants font preuve d’un courage exemplaire afin de protéger les enfants et de les soustraire au regard de la gendarmerie locale de Châtillon-en-Vendelais  et des soldats allemands.




       Familles d’accueil



      Parmi les exemples notoires de Saint-Christophe, citons celui de Michel Adass, auquel le film est dédié, et de ses deux sœurs réfugiés dans la famille Pihan, celui de Maurice et Roger Barouh accueillis chez la famille Lebreton, celui de Simon Wajnberg, de ses sœurs, Liliane et Alice, hébergés chez les Boutros.



   Le Val d’Izé accueille Rachel et Jacques Brama grâce à la famille Beunel. Les communes du pays de Fougères font preuve également d’un grand sens de l’hospitalité. Ainsi les Feldman sont accueillis chez les Prime dans la commune de La Bazouge-du-Désert. Et les Grinsztajn  sont réfugiés chez les Hamard, à Saint Georges-de-Reintembault.





Le documentaire de Nicolas Ribowski:

     Jamais je ne t'oublierai jamais

       Ce qui est vraiment extraordinaire, c’est que chacun a su tenir sa langue et que personne n’a crié sur les toits cette histoire merveilleuse. On a pu aussi retrouver ces personnes souvent à l’étranger, aux Etats-Unis. A partir de là, les enfants d’aujourd’hui des écoles de Saint Christophe interrogent les personnes retrouvées et découvrent l’histoire fabuleuse de leur commune, voilà le fil d’Ariane du cinéaste  N. Ribowski. Nul doute que chacun saura apprécier cette belle leçon d’histoire et ce beau tissage de liens entre les âges et les pays différents.


       Hélas des Juifs furent arrêtés sur dénonciation, sans doute ce fut le cas des Lévy à Fougères, mais il y eut aussi de beaux gestes d’accueil et des prises de risques afin de soustraire à la barbarie nazie des enfants qui ne demandaient qu’à vivre. Ce fut le cas de Saint Christophe-des-Bois, fidèle en cela au charisme de son saint patron.
     Les communes de Saint-Christophe-des-Bois et du Val-d'Izé  sont citées  dans l'ouvrage récent  "Histoire des Justes en France"  de Patrick Cabanel (éditions Armand Colin ,février 2012 p.95).


                                                             Daniel  Heudré








     Tout près de nous, la commune de Savigny-le-Vieux  a été pour beaucoup d'enfants  juifs parisiens une terrre d'accueil . Leur histoire est évoquée dans l'article de La Manche Libre du 24 mai 2011:" L'incroyable histoire des enfants cachés de Savigny-le-Vieux."




Plaque commémorative inaugurée en mai 2011.









Vendée Globe, suivre toute l'actualité




Ouest-France, toute l’actualité locale et internationale


Saint-Christophe-des-Bois. « Je ne t’oublierai jamais », le film sur les enfants juifs sortira sur les écrans en février 2013

Je ne t’oublierai jamais, le film consacré aux enfants juifs cachés pendant la Seconde guerre mondiale et tourné à Saint-Christophe-des-Bois, est techniquement presque achevé. Jean Pitois, le maire de Saint-Christophe, lève le voile sur les premières dates pour visionner le film : « les trois premières séances publiques auront lieu au Vendelais, à Châtillon, le jeudi 7 et le dimanche 10 février 2013 à 20 h 30, ainsi que le samedi 8 à 15 h. Il n’y aura pas de réservations ».
Le tournage s’en était déroulé lors de la première quinzaine du mois de juin. Il est en cours de mixage dans un studio breton, à Carhaix (Finistère), explique le réalisateur Nicolas Ribowski.
Coproductrice, l’association Histoire de Saint-Christophe-des-Bois a lancé une souscription destinée à lui permettre d’intégrer le film dans le patrimoine local.
 
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LE FILM EST PROJETE EN AVANT-PREMIERE

LUNDI 28 JANVIER 2013

 A L'HOTEL DE VILLE DE PARIS











 


                                          C'ETAIENT DES ENFANTS


 L'exposition "C'ETAIENT DES ENFANTS" à l'Hôtel de Ville de Paris retrace le parcours   souvent tragique  et toujours déchirant des enfants juifs  brutalement séparés de leurs parents : beaucoup  ont dû fuir en province où leur identité était masquée avec la complicité de leurs hôtes.

                    Il suffit de  cliquer sur ce lien pour obtenir la présentation  de l'exposition, voir  quelques photos, entendre  l'explication de Sarah Gensburger, commissaire de cette exposition dédiée à la mémoire et à l'honneur.



Introduction, mise en page : JP.Gallais.






mercredi 18 juillet 2012

L'ABBE BRIDEL, SERVITEUR DE LA PROMOTION OUVRIERE






Une personnalité charismatique :
L'ABBE  LOUIS BRIDEL


 Cl.Archives municipales, Fougères.


                                    
        Les  personnes qui l’ont connu dans leur jeunesse se souviennent de sa stature impressionnante : il était au moral ce qu’il était au physique, un homme des cimes. L’abbé Louis Bridel (1880-1933) était originaire de Martigné-Ferchaud  où sa famille tenait un commerce en gros de beurre  et oeufs. Formé au séminaire Saint-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux, il est en contact avec des personnalités très ouvertes sur la mission sociale  de l'Eglise et il participe aux cercles de réflexion du Sillon, crée par Marc Sangnier.

 AU SERVICE DE L'EDUCATION POPULAIRE
           
      Après de brillantes études en Théologie à Rome, un bref passage à Brielles et à Rennes, il arrive en 1909 à Fougères comme vicaire à Saint-Léonard ; il est chargé de l'Oeuvre de Saint-Joseph, service de patronage et d'éducation populaire, et de la société sportive "Le Drapeau ".

     Très vite, il oriente son ministère vers le monde ouvrier,choix atypique à l'époque mais en conformité avec l'encyclique Rerum Novarum (1891). L'abbé Trochu, l'un des "abbés démocrates", fondateur de "'Ouest-Eclair" (1899), vicaire à la paroisse Saint-Sulpice pendant un an,a commencé à ouvrir la voie . Avant la Première Guerre Mondiale, l'abbé Bridel préside à la fondation de  plusieurs syndicats chrétiens , en partie pour contrebalancer l'influence des syndicats marxistes ; ces syndicats forment l’Union Syndicale Catholique dont le siège  se situe dans l'ancien hôtel  de Marigny, rue Chateaubriand. Dès 1922, il quitte la paroisse Saint-Léonard où son apostolat soulève beaucoup d'hostilités et  se domicilie rue Pasteur pour mieux se consacrer aux oeuvres sociales; il en  est nommé officiellement l'aumônier en 1924.







       L'ancien Hôtel de Marigny est vite appelé à devenir le creuset de l'action sociale de l'abbé Bridel : sous sa tutelle, se mettent en place cercles de recherches, conférences, cours ménagers et formation  professionnelle, bibliothèque, bureau de secours mutuels... il est à la fois pôle syndical et éducatif et il accueille les militants de la J.O.C (Jeunesse Ouvrière Catholique).



       En 1919, à peine démobilisé, il organise l’Etoile Fougeraise, coopérative de consommation destinée à pourvoir aux achats de première nécessité. Partie avec 120 sociétaires, elle connaît un essor rapide et s' implante solidement à Fougères où elle dessert bientôt cinq dépôts.




Carnet de sociétaire  où sont rappelés les statuts et les principes
 de la coopérative. (Archives privées)







 LA CREATION DES COOPERATIVES OUVRIERES

 Désormais, l'abbé Bridel va privilégier le modèle coopératif  qui, à ses yeux, a le mérite d'associer les employés à la gestion de l'entreprise. Cette structure  existe déjà  à Fougères dans l'usine de chaussures "Chez Nous", rue de Rennes (1908) : elle a été inspirée par l'abbé Chesnais, alors vicaire à Saint-Sulpice, proche du Sillon . L'abbé Bridel va amplifier  les créations de ce type.

Au prix de multiples difficultés, il  décide  en 1921 de fonder la coopérative de  La Cristallerie pour venir en aide aux 120 grévistes de la verrerie de Laignelet licenciés par leur directeur Henry Chupin, expulsés de leur demeure, les employés étant logés par le patron sur le site de l'entreprise. Pari audacieux mais  comment  laisser sans logement ni ressources ces verriers  coupables d'avoir suivi les revendications salariales exprimées par Jean-Marie Chaperon, secrétaire du nouveau syndicat chrétien inspiré par  l'abbé Bridel ? Il multiplie les démarches  pour trouver un site d'implantation et des fonds. Sur un terrain et quelques hangars à fourrage qu’il loue à l’Armée, il fait bâtir un four et aménager des dépendances avec les dons et souscriptions des  ouvriers et des Fougerais sympathisants. 
 En juillet 1921, le Bureau de l'Assemblée Générale élit Louis Bridel président de la Cristallerie et Gaston Jeantroux, ancien verrier, devient directeur technique.
 Ce  premier octobre 1921, on souffle les premiers verres, la grève  de Laignelet a commencé le 3 janvier...  173 verriers ont suivi.
  Pour retrouver une clientèle, deux commerciaux sont recrutés ; l'abbé Bridel participe lui-même à la prospection commerciale et, pour répondre au besoin de main d'oeuvre, il fait appel aux jeunes du Morbihan formés sur place.
En 1922, il adjoint à la Cristallerie un restaurant coopératif, le Foyer familial. 


  LA  RECONNAISSANCE DES DROITS SOCIAUX


    Après un départ difficile, l’entreprise, organisée en coopérative, décolle et réussit à  trouver un équilibre financier. Suivant le  système coopératif, les ouvriers participent aux bénéfices. La Cristallerie est à la pointe du progrès social et ses avancées  supportent aisément la comparaison avec  les  conquêtes des syndicats laïques. Elle  accorde une prime à la naissance et un congé-maternité, une allocation familiale à partir du troisième enfant (1924) et met progressivement en place une  mutuelle-maladie (1926) en complément des assurances sociales puis un système de retraite. 
Le temps de travail  est réduit à huit heures trente puis huit heures et elle octroie  six jours de congés payés dès 1928, bientôt suivis de six autres.

 Sous sa forme "coopérative", la Cristallerie s'installe dans le paysage industriel fougerais jusqu'en 1977. Elle  passe plusieurs caps périlleux qui exigent autant de remises en cause : la crise de 1929, la réduction des salaires pour sauver la compétitivité en 1934, la concurrence des verreries mécanisées, la disparition de ses fondateurs,l'abbé Bridel (1933) et Gaston Jeantroux ( nov.1944), les  jours de chômage forcé pendant la  Seconde Guerre, la  destruction partielle de son infrastructure en juin 1944.
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 Pour loger les familles des verriers et permettre l'accession à la propriété, il crée « le Foyer fougerais », coopérative du bâtiment  : une centaine de maisons sortent de terre autour de la Cristallerie : la cité Jean Allain, celles de la Madeleine et de Mare Bouillon lui doivent leur existence.





Pavillons jumelés,Cité Jean ALLAIN,premiers logements sociaux édifiés
par le Foyer Fougerais en 1922.
Cl. Archives municipales, Fougères.





En 1924, une entreprise de menuiserie en difficulté est transformée en coopérative : « Le Genêt d’Or ».Les employés élaborent eux-mêmes  les statuts de leur  société, tandis que l'abbé Bridel  organise son financement. Quatre ans plus tard, une nouvelle coopérative de production de chaussures prend son élan : l’Abeille avec, à sa tête, Joseph Chemin.

 Au cours de l’année 1929, l’Abbé Bridel fonde la « Banque coopérative industrielle et Agricole » pour affranchir les coopératives à l’égard des organismes de crédit, initiative qui lui vaut beaucoup d'inimitiés. Sa dernière création sera celle de « la Mésangère »,société qui avait en charge l’organisation des colonies de vacances.
 En octobre 1933, son  état de santé l'oblige  à   cesser ses activités  et nécessite  bientôt une hospitalisation : le  mal l'emporte le19 décembre 1933. La presse régionale et nationale salue son  engagement  et son rayonnement .
  Statue de l'abbé Bridel, place Lariboisière, oeuvre de Nitsch (1938),
offerte par les verriers de Fougères.
Elle s'élève sur l'emplacement de la Banque Coopérative fondée par l'abbé Bridel.
 Pendant des décennies, le Premier Mai, la CFDT déposait une gerbe à ses pieds
en marque de reconnaissance. Depuis 2006, la tradition est rétablie.





      Telles sont les réalisations les plus audacieuses de cet ardent défenseur de la justice sociale, souvent controversé. Son œuvre souterraine a des arborescences insoupçonnées : la germination de la conscience ouvrière catholique, le souci d’une harmonie entre le progrès économique et le progrès social, la responsabilisation de chacun à l’intérieur du mouvement coopératif. Associé par son action populaire au rayonnement industriel de Fougères dans la première moitié du XXè siècle, il  dépasse  de loin les limites de l'époque et de l'espace fougerais, pour avoir fait entendre très haut le message social de l'Evangile et  fait reconnaître la dignité et les droits de chacun.
    L'Histoire garde de lui l'image d'un apôtre, d'un semeur de justice et d'un précurseur.


















Crucifix de l'abbé Bridel,  autrefois dans son bureau de la Cristallerie:
 déposé aux Archives municipales de Fougères.(Cl. Archives)






 Chapiteaux de l'église  Notre-Dame de Bonabry,
(Cl. Archives municipales, Fougères.)
Sur ces chapiteaux réalisés en 1962, Eugène Aulnette, artiste du Sel-de-Bretagne, a sculpté dans le calcaire quelques pages de l’histoire artisanale et industrielle de Fougères. Le premier laisse apparaître à l’arrière-plan la cheminée de la cristallerie fondée en 1921 par l’Abbé Bridel ; lui-même est représenté sur la droite, en compagnie de  Gaston Jeantroux, directeur de l’usine de 1921 à 1944. Au premier plan, sont disposés les flacons de verre qui ont contribué à la renommée de l’entreprise. Une frise de chaussures ceinture le chapiteau pour rappeler l’activité chaussonnière de Fougères.

Sur le second, le pape Léon XIII déroule devant les ouvriers de la chaussure et des verreries le parchemin de l’Encyclique Rerum Novarum promulguée en mai 1891 sur l’Eglise et  la présence au monde ouvrier : hostile au principe de la "lutte des  classes", elle prônait le dialogue social et le respect mutuel  entre patrons et ouvriers et  approuvait la revendication d'un juste salaire ainsi que l'accès à la propriété. Ses idées ont profondément marqué  l'action de l'Abbé Bridel.
 
                                                                               Jean-Paul Gallais
 
Documentation
- Crublet A.L'abbé Bridel, Bloud et Gay,1934 , (témoignage d'un confrère et ami de Louis Bridel.)
 -  Heudré  Bernard, L'oeuvre d'un initiateur,l'abbé Bridel, revue Le Pays de Fougères,n° spécial , juin 1976 et d'autres nombreux numéros 10,89,112,127,144...
-Ar Men, n°8, 1987 La Cristallerie de Haute Bretagne,p.2à21.
-Hamard Jacky,Essai sur l'histoire d'un prêtre-ouvrier: l'abbé Bridel DEA. d' Histoire, Rennes.
- Film documentaire d'Alain Gallet sur les"abbés démocrates": Des poissons rouges dans le bénitier,2002.
- Chopin Eric, nombreux articles, Ouest-France, de septembre 2004 à mars 2007, 23 mai 2009 : Mémoire de l'abbé Bridel...
-Madelain Denis,La Cristallerie fougeraise, coopérative ouvrière de production,1921-1976. Maîtrise d'Histoire, Paris IV.
- Guillaume Hélène, La Cristallerie fougeraise face à l'Histoire, 1921-2005 Mémoire de Master II, 2007: plusieurs pages sur l'abbé Bridel et  sur le contexte socio-culturel.

























dimanche 1 juillet 2012

LE MYSTERE des MEGALITHES de la forêt de Fougères


Les mégalithes de la forêt de Fougères


                                                                    TROISIEME VOLET













Des monuments encore et toujours énigmatiques






Peu de monuments ont fait couler autant d’encre que ces fameux mégalithes, sans compter toutes les légendes transmises oralement et qui gravitent autour de leurs origines, un trésor n’est jamais bien loin, à défaut le diable et ses acolytes y sont pour quelque chose... La Pierre du Trésor et la Pierre Courcoulée n’ont pas échappé à la règle, néanmoins que sait-on vraiment sur ces mégalithes ?


La Pierre Courcoulée.


S’agit-il bien de dolmens ?

Si d’ordinaire on parle de dolmen, le terme n’a rien de scientifique, au contraire. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les monuments mégalithiques sont qualifiés de noms bretons. Outre menhir qui désigne les pierres dressées seules, le terme dolmin aurait été inventé par Théophile-Malo de La Tour d'Auvergne (1743-1800) dans ses Origines gauloises (1792-1796):le "Premier Grenadier de la République", célébré pour ses participations aux guerres révolutionnaires et napoléoniennes,se passionnait pour les langues celtiques. Par la suite, on utilisa le pluriel dolmen pour les structures plus complexes.




 


Si les érudits bretons estimaient que l’Armorique était la terre de prédilection de ces monuments, depuis les historiens et les archéologues ont montré que le mégalithisme concernait des régions aussi diverses et éloignées que les Balkans, l’Espagne ou les pays Scandinaves. Dès lors, les qualificatifs bretons n’avaient plus de pertinence. Aujourd’hui on distingue plusieurs structures. Ainsi, les menhirs sont des stèles, voire des alignements en fonction de leur nombre. Les dolmens sont divisés en plusieurs groupes : allées couvertes (comme les mégalithes de la forêt de Fougères), sépultures mégalithiques, dolmens en V... La typologie étant établie en fonction de la disposition des « pièces »  (chambre, couloir...) et des entrées (latérales ou non). Toutefois, étant donnés les vestiges en place, il est parfois bien délicat d’affirmer que tel ou tel dolmen relevait de telle ou telle catégorie. Enfin, il existait des ensembles encore plus imposants : les tertres tumulaires, monuments en terre ou pierres recouvrant parfois des structures, on peut les opposer aux cairns, uniquement faits de blocs ou de moellons.



 


Druides et Gaulois n’y sont pour rien













 Le Cordon dit des Druides



Il existe aussi une autre confusion : la datation de ces monuments. Si une célèbre bande dessinée a diffusé l’idée que les Gaulois et les menhirs étaient contemporains, le mouvement est bien plus ancien. En se limitant à la forêt de Fougères, une telle confusion se retrouve derrière les noms du Cordon des Druides ou du Carrefour de la Serpe d’Or. Les érudits bretons des XVIIIe – XIXe siècles estimaient que ces pierres remontaient à l’époque celte, on se limitera à rappeler ici le titre de l’ouvrage de Théophile de La Tour d'Auvergne : Origines gauloises ; et il est loin d’être le seul à avoir réalisé une telle assimilation. La « preuve » se trouvait dans La Guerre des Gaules (livre VI, chap. 16) de César lui-même : « Toute la nation gauloise est très superstitieuse ; [les Gaulois] ont recours pour ces sacrifices au ministère des druides ».  Il ne restait plus qu’à trouver des traces de ces sacrifices sur les mégalithes, les traces d’érosion devinrent des  rigoles d’écoulement et des déversoirs prêts à accueillir le sang de victimes humaines, Danjou de La Garenne concluait que ces monuments de pierres servaient aux « sacrifices sanglants des Druides. »



       Dès le début du XXe siècle, certains auteurs émirent des doutes, au niveau local, Émile Pautrel rejetait tout lien entre les druides et les mégalithes. Aujourd’hui, l’archéologie a démontré que ces derniers commencent à apparaître dès le VIe millénaire avant notre ère et disparaissent v. 1500 av J.-C., bien avant donc que la civilisation des Gaulois ne se développe.
















Des mégalithes du Néolithique


Il est bien souvent difficile de dater les dolmens. On peut pour cela s’aider d’éventuelles découvertes archéologiques ou dresser une typochronologie, c’est-à-dire dater les édifices en fonction de critères d’apparence et/ou morphologique.


Les deux mégalithes de la forêt de Fougères auraient livré des objets permettant un début de datation. Ainsi, malgré les diverses fouilles sauvages menées autour de la Pierre Courcoulée, des « anneaux bretons » auraient été mis au jour, remontant au Néolithique final (2500 av. notre ère). Sous la Pierre du Trésor, lors des restaurations menées à la fin des années 1930, on découvrit « trois débris de vases gallo-romains », ce qui allait assez bien avec les hypothèses druidiques et celtiques encore en vogue dans certains milieux. Dans les deux cas, il faut tout d’abord se demander si les objets ont été déposés lors de l’élévation du monument, ou pour le moins s’ils sont contemporains. Pour la Pierre Courcoulée, les objets découverts correspondent avec les éléments de typochronologie. Par contre, on demeure perplexe pour les débris de céramiques gallo-romaines de la Pierre du Trésor, il aurait été intéressant de les retrouver pour proposer une nouvelle datation. On peut envisager au moins deux hypothèses, soit les découvreurs se sont trompés dans la datation, soit les vestiges sont effectivement gallo-romains et dans ce cas il y aurait eu un réemploi du mégalithe bien après son édification. Les deux options se valent, car dans le premier cas, force est de reconnaître que les recherches sur le Néolithique breton étaient peu avancées il y a un siècle; quant à la présence des Gallo-Romains en forêt de Fougères, les indices sont multiples (voie romaine, fermes, traces de cadastration (?), tegulæ...).















L’autre approche pour dater les monuments est donc la typochronologie. Ainsi malgré le piètre état de conservation, la comparaison avec d’autres monuments peut apporter un début de réponse, qui ne demande qu’à être confirmé ou infirmé par de futures études. Pour la Pierre du Trésor,  dont l’essentiel est à terre, on peut probablement parler d’un dolmen simple, il devait s’agir d’une chambre sans couloir, avec seulement une table et ses piliers. La datation reste difficile, les archéologues estiment que, dans certains cas, ces monuments pourraient être tardifs. Quant à la Pierre Courcoulée, il semble que l’on ait à faire à un dolmen en allée ou plutôt une allée couverte, comprenant à l’origine un vestibule d’entrée, puis une chambre. Une telle organisation renverrait au Néolithique final.
















Quels sens donner à ces vestiges ?















Outre l’attribution sacrificielle aux druides, les mégalithes ont éveillé les imaginations. On ne peut passer en revue toutes les théories, depuis les plus farfelues ou plus plausibles : astrologiques, cultuelles, religieuses... Nous nous limiterons aux hypothèses les plus crédibles et tenterons d’en déterminer les implications sociales.

 Protégée par un tertre fait principalement en terre, la Pierre Courcoulée avait vocation
 à accueillir les  corps des membres de l'élite sociale et locale.( cl. J. Bachelier)


Les mégalithes semblables à ceux de la forêt de Fougères avaient un rôle religieux. Tout d’abord au plan cultuel et de la mémoire des ancêtres, s’ils remontent bien au Néolithique final, les monuments de pierres fougerais ont très bien pu servir de sépultures collectives où furent déposés les restes de dizaines, voire de centaines de personnes ; toutefois la modestie des tombes invite à limiter le nombre de corps déposés. Les quelques découvertes archéologiques faites tant dans la Pierre Courcoulée que dans la Pierre du Trésor iraient d’ailleurs en ce sens. Ainsi les « anneaux bretons » découverts dans la première pourraient être considérés comme du mobilier funéraire, dépôts pour le ou les défunts. De même, les débris de céramique de la Pierre du Trésor, à condition de revoir leur datation, pourraient être mis en relation avec des vases à vocation funéraire (offrandes au moment du placement du corps ou après, lors de cérémonies cultuelles).















La monumentalité des mégalithes implique une forte visibilité dans le paysage de l’époque. En effet, si aujourd’hui ils sont cernés par les arbres, il faut imaginer un tout autre paysage à la fin du Néolithique, où les clairières alternaient avec les bois et les zones cultivées. La Pierre du Trésor comme la Pierre Courcoulée étaient au centre d’un espace déboisé. De plus, ces dolmens devaient à l’origine être recouverts d’un tertre fait de terre, mais aussi de pierres et probablement de bois. Pour ériger ce dernier et plus encore pour transporter les pierres, les hommes avaient dû défricher les bois. La visibilité avait aussi une vocation sociale. Sans être située sur le sommet de la forêt de Fougères, la Pierre du Trésor se trouve sur une hauteur, quant à la Pierre Courcoulée, elle est légèrement en pente douce, donc plutôt en situation supérieure. Leur visibilité devait avoir un double rôle. Au quotidien, les vivants qui habitaient autour voyaient de loin les tertres, et on ne peut exclure une forme d’émulation, de concurrence avec les communautés voisines.















               Sur l'un des points hauts de la forêt de Fougères, la Pierre du Trésor devait protéger
le corps et le souvenir des principaux membres de la communauté; elle était aussi disposée pour
être vue par les autres personnes de cette même communauté et probablement par les  membres
des autres groupes qui devaient périodiquement sillonner le  territoire du groupe qui a construit
la Pierre du Trésor.  (cl. J. Bachelier)



       La construction de ces mégalithes avait enfin une forte implication sociale. Il faut tout d’abord souligner qu’en fonction de la destination de ces tombes monumentales leur implication était différente. Si elles n’abritaient qu’un seul homme ou qu’un seul groupe familial, alors il faut convenir qu’ils formaient l’élite. De récentes études insistent sur le rôle des mégalithes dans la manifestation des inégalités sociales. Mais s’ils avaient vocation à accueillir des dizaines, voire des centaines de corps, ce qui était apparemment le cas à la fin du Néolithique, alors cette fois-ci, il faut imaginer qu’ils avaient un rôle de cohésion pour la communauté. Le développement de pratiques funéraires de plus en plus complexes (dépôts rituels avec parures ou vases) allait de pair avec l’ouverture plus ou moins régulière du caveau pour placer les nouveaux défunts, qui étaient autant d’occasion de cérémonies réunissant les membres de la communauté. Les vivants rendaient visite aux morts.












     L’érection des mégalithes impliquait aussi de mobiliser des groupes pour le transport des pierres et leur érection, la construction du tertre, ce qui implique une hiérarchisation de la communauté. Les monuments étaient faits pour l’élite mais pas par elle, il devait donc exister un certain contrôle social, des moyens de coercition ou plutôt un système de croyances qui faisait que la foule des humbles acceptait une telle débauche d’énergie en échange probablement de promesses de récoltes abondantes et/ou de protection.











   Pour conclure,  il faut reconnaître que, malgré les hypothèses précédentes et les avancées de la recherche, une large part de l’explication de ces monuments  restera à jamais inconnue. Il n’y a pas d’écrit et le système de croyances auquel les mégalithes étaient rattachés a complètement disparu, ce qui ne veut pas dire que ces monuments doivent connaître le même sort, c'est un patrimoine à préserver et mettre en valeur.




                                                                                                          Julien Bachelier