Pierre Leroy.
Qui se souvient de l’abbé Leroy, mis à part son village natal, Coglès, le quartier de Rocabey à Saint-Malo ou encore la commune de Montreuil-sous-Pérouse ? Une stèle garde mémoire de l’enfant du pays à Coglès, tout près de l’église ; une rue porte son nom à Rocabey et la commune de Montreuil-sous-Pérouse a inscrit le souvenir de ses activités de résistant à travers une rue et une pierre sculptée. Les générations se succèdent et qui peut garantir qu’à l’avenir ces noms gravés parleront encore du courage extraordinaire de ces hommes et femmes qui ont osé dire « non »? Non à la mutilation de l’homme, à son asservissement, à la barbarie à visage bestial.
Eglise de Coglès, pays natal de Pierre Leroy. |
Stèle commémorative près de l'église et du monument aux morts,1994. |
Un ministère actif et rayonnant
Né à Coglès le 7 avril 1900, issu d’un
père maréchal-ferrant, Pierre Leroy est le jeune d’une famille de quatre
enfants. Ordonné prêtre en 1923, il est nommé
vicaire au Val d’Izé. Il y restera jusqu’en 1934 : il crée la fanfare La
Stéphane et laisse le souvenir d’un prêtre attachant. De
1934 à 1941, il exerce dans la paroisse de Rocabey, forme des militants
ouvriers et lance les Hirondelles de la Mer , mouvement affilié à la Fédération Gymnique
et sportive des patronages de France. Il crée une bibliothèque paroissiale avec
2500 volumes choisis et achetés par lui. L’image que des témoins gardent de
lui, à cette période, est celle d’un homme sensible aux plus démunis.
Montreuil-sous-Pérouse : des faits
de résistance
Enfin, en 1941, l’abbé Leroy est nommé
recteur de Montreuil-sous-Pérouse. Les Français viennent de connaître la
débâcle, l’arrivée des troupes d’occupation. Les années noires commencent,
rythmées par des actes d’héroïsme, de basses compromissions et de viles
lâchetés. Sur cette toile d’horizon assombrie, jaillissent tout de même
quelques faisceaux lumineux qui permettent de garder confiance en
l’homme : Pierre Lemaître, économe à l’hôpital de Vitré qui rejoint le
réseau « Alliance » et Pierre Leroy qui exerce la fonction de
secrétaire de mairie.
A ce titre, il délivre aux jeunes des
fausses cartes d’identité pour leur éviter le STO (Service du Travail
Obligatoire) en Allemagne. Au cours d’une rafle, un jeune révèle l’auteur du
faux document qu’il possède. Le 20 avril 1944, une traction vient chercher
Pierre Leroy : il est arrêté et sera déporté en Allemagne. Certes il
aurait pu fuir, mais il ne voulait pas attirer de représailles sur ses
paroissiens. Interrogé à Fougères, il est emmené à Rennes, à la prison Jacques
Cartier, enfermé dans la cellule n°56 réservée aux curés. Pour lui, comme pour tant d’autres,
commençait un long cauchemar.
A partir de là, l’abbé Leroy va
connaître l’itinéraire et le sort de tant et de tant de déportés. Aux alentours
du 10 mai, un convoi l’amène à Compiègne. Le 4 juin, il est dirigé vers l’Allemagne.
Grâce aux témoignages de ses anciens
camarades, il est possible de suivre Pierre Leroy dans les camps de déportation. Après trois jours et
trois nuits d’un voyage exténuant, il est interné au camp de Neuengamme, près
de Hambourg. Travailleur forcé à la briqueterie du camp, il apporte son soutien moral à ses camarades. Les Alliés viennent de débarquer sur les côtes normandes.
Le camp de Misbourg
Arrivée dans les camps :l' Humanité déchirée... Fonds Résistance, Archives municipales de Fougères. |
Après Neuengamme, Pierre Leroy est
transféré à Misbourg-Hanovre. Marcel Sibade, de Perpignan
révèle : « Le travail était
assez dur et les privations de toutes sortes ne l’avaient pas
tellement affaibli, il gardait un moral excellent. L’abbé Leroy célébrait sa
messe, presque chaque jour, à laquelle il invitait ses compagnons. » Lui et ses camarades sont employés à creuser les
trous des bombes et à déblayer les rues. Jean-Pierre Renouard, de Paris
témoigne que tout exercice d’un culte religieux était interdit dans les camps
de concentration et que l’abbé Leroy était le seul prêtre au monde autorisé par les S.S. à dire une messe le jour
de Noël. La fraternité pouvait se vivre ce joyeux Noël 44 avec les Français,
Belges, Hollandais, Italiens, Norvégiens, Polonais, Danois et Tchèques. Les
conditions de vie deviennent atroces : froid rigoureux, manque de
nourriture, de vêtements, de sommeil, poux et brutalité. Au mois de mars suivant, l’abbé Leroy
est entré à l’infirmerie et il y resté jusqu’au départ pour Belsen.
Bergen-Belsen
Bergen-Belsen...l'horreur de la déportation et l'agonie de l'Allemagne, selon les mots de Simone Veil,elle-même rescapée de Bergen-Belsen (Une vie,Stock,2007)
Bergen-Belsen est le rendez-vous avec
la mort pour beaucoup de déportés et pour l’abbé Leroy : le camp y est
transféré par camion. Le manque de nourriture et le typhus ravagent la
population : 60 000 personnes y meurent en avril 1945. L’abbé Leroy est
mort d’épuisement et de faim, le 13 avril 1945 et son corps rejoint celui de
ses camarades de souffrance dans une fosse commune. Le 17 avril, Les Anglais libèrent le charnier de Bergen-belsen et brûlent
complètement le camp pour éviter la propagation du typhus. Seule subsiste une
grande clairière nue, signe des ravages d’une barbarie à visage humain. Dans l’effroyable silence de la mort, est
construit un monument à la mémoire des 450 000 victimes de Bergen-Belsen,
hommes, femmes et enfants. Dernière preuve de l’ignominie nazie : un
policier de la P.J.
de Rennes affirme à Madame Paule Duclos, de Dinan qu’il a lui-même transporté, avec
un de ses camarades, le corps de l’abbé dans la fosse commune, alors qu’il
était agonisant.
Rebelle à toute forme d’embrigadement
idéologique, l’abbé Leroy est vraiment quelqu’un de fidèle au meilleur de
l’homme et de fraternel avec ses compagnons d’existence, quels qu’ils soient.
Daniel Heudré
Sources:archives privées de la famille Leroy.
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leurs pas Pour lire ce poème, il suffit de cliquer ici:
Cette clarté sur leurs pas Pour lire ce poème, il suffit de cliquer ici:
Que l'un fût de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât http://www.poesie.net/aragon4.htm
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèlesCelui qui n'y croyait pas
Des lèvres du coeur des bras
Aragon, La Diane Française.
Pierre Lemarié,
ouvrier-carrier à Fougères,
communiste résistant.
Pierre Lemarié, deux mois après son retour des camps. Fonds Résistance, Archives municipales de Fougères. |
Une Résistance payée au prix fort
La résistance à l’occupant allemand prend appui sur des individus d’origines sociales et d’appartenances politiques très diverses. Des ecclésiastiques disent non à une idéologie païenne et raciste. Des communistes refusent l’asservissement et cultivent une solidarité qui repose sur le secret. Ainsi Thérèse Pierre développe
Des
noyaux de résistance se constituent, reposant
sur trois piliers. Celui de Fougères a pour chef Thérèse Pierre, épaulée
par Léon Pinel et Pierre Lemarié. Son champ d’action s’étend sur Fougères,
Saint-Brice et Gosné. Par mesure de précaution, dans la Résistance , on
travaille par trois et on connait seulement le nom légal et l’adresse les uns
des autres, protégeant ainsi le réseau qui ne pouvait être démantelé.
Une enfance et une jeunesse difficiles
Pierre
Lemarié est né le 13 novembre 1898 à La Chapelle Saint Aubert, dans une
famille modeste de 10 frères et sœurs. Il devient carrier et extrait du sable dans une carrière près du cimetière
de Lécousse et de la pierre à Fontaine La Chèze.
Le domicile qu’on lui connaît est situé au 7, boulevard Saint
Germain, à Fougères. La guerre éclate, Lemarié est prisonnier en Allemagne mais
il est libéré le 22 juillet 1941. Au retour, il s’engage dans la Résistance , refuse de
devenir chef du triangle de direction de Fougères, préférant des tâches à la base : rédaction et distribution
des tracts. Lemarié n’est pas quelqu’un à se
mettre en avant.
Quel meilleur témoignage que celui de Germaine Guenée rapporté dans le roman de Claudie Hunzinger « Elles vivaient d’espoir », paru en 2010 aux éditions Grasset ! L’amitié entre Emma, la mère de l’auteur et Thérèse Pierre, future résistante FN, permet à chacune de s’émanciper et d’affronter les orages de l’Europe. Germaine Guenée déclare que Thérèse, arrivée à Fougères, rencontre, fin septembre 1942, « Pierre Lemarié, de l’Internationale rouge sportive. Dix ans de plus qu’elle… Petit de taille. Petits yeux noirs et vifs. Son atout ? L’explosif » .
Quel meilleur témoignage que celui de Germaine Guenée rapporté dans le roman de Claudie Hunzinger « Elles vivaient d’espoir », paru en 2010 aux éditions Grasset ! L’amitié entre Emma, la mère de l’auteur et Thérèse Pierre, future résistante FN, permet à chacune de s’émanciper et d’affronter les orages de l’Europe. Germaine Guenée déclare que Thérèse, arrivée à Fougères, rencontre, fin septembre 1942, « Pierre Lemarié, de l’Internationale rouge sportive. Dix ans de plus qu’elle… Petit de taille. Petits yeux noirs et vifs. Son atout ? L’explosif » .
Une Résistance active et risquée
Les activités
du triangle s’élargissent à d’autres communes de la campagne : Antrain,
Tremblay, La Fontenelle ,
Bazouges-la-Pérouse, Rimou, Saint-Hilaire-des-Landes et Lécousse. Le triangle
se réunit le dimanche pour
confectionner les tracts différents selon la ville ou la campagne. L’expérience
professionnelle de Pierre Lemarié lui permet de se lancer dans les explosifs et
de préparer des attentats. Le film « La bataille du rail » de René
Clément, sorti en 1946, montre bien
l’importance des sabotages et des attentats. Bien qu’il façonne une légende
d’une France résistante et une image d’Epinal, les images rendent compte très
vite des risques et de l’ampleur de la Résistance. Lemarié
utilise le dépôt de la carrière de Fontaine La Chèze qui contient les détonateurs et la cheddite. Trois ou quatre cartouches, un
détonateur et une mèche de 2
mètres … et
l’engin est fabriqué, prêt à exploser et à détruire. Ainsi la permanence
du Rassemblement national Populaire de Marcel Déat est-elle
plastiquée à Fougères. Autre exemple, l’explosion de la bombe lancée contre le cinéma Le Royal,
à Rennes. Enfin, signalons le sabotage des tuyaux de freins d’un train allemand
dans la gare de Fougères, le 11 novembre 1942. Ces actes de bravoure inaugurent
une forme de résistance beaucoup plus active et aussi plus risquée.
La dénonciation qui fait basculer
une vie
Mais là encore, la délation prend la forme d’un individu dont on ne sait pas grand-chose. Le 30 avril 1943, Pierre Lemarié est arrêté près de la carrière de Lécousse par quatre policiers des renseignements généraux de Rennes. Leur perquisition a d’abord eu lieu chez lui, après avoir interrogé sa fille. Rien de compromettant n’est trouvé au domicile. Mais les policiers savent où aller l’arrêter. Pierre Lemarié est enfermé à la prison de Fougères, mêlé aux détenus de droit commun. Jamais il n’avouera son appartenance communiste ni son activité de résistant. Lors du jugement à Fougères, il est condamné à 1200 Francs d’amende et à deux ans de prison. Cette peine sera exécutée à Rennes, Blois, Compiègne. A l’issue de cette incarcération, il est conduit aux camps de concentration, le 27 avril 1944.
Mémorial du camp de Sachsenhausen. Fonds Résistance,"G Boivent raconte..". Archives municipales de Fougères. |
Des conditions d’existence bestiales
C’est
alors la descente aux enfers ; Auschwitz où , devenu le n° 185918- chiffre
tatoué à vie -, il passe 14 jours atroces puis Buchenwald, Shonebeck. Les Américains libèrent ce dernier camp,
au mois d' avril 1945, mettant fin à un martyre. Il revient à Fougères le 10 mai et y apprend la disparition de son fils dans les camps. Pierre Lemarié a puisé en lui-même la force de dépasser
ces épreuves, car, disait-il simplement, il était habitué à la dure.
Article : Daniel Heudré
Clichés , mise en page : JPG
Sources: Le pays de Fougères n.21
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