L'ABBAYE DE SAVIGNY sur la pente de la décadence
LES VICISSITUDES DE L'HISTOIRE
Si l'abbaye a connu son "âge d'or" au cours des XIIIè et XIVè siècles, le déclin ne va pas tarder. La prospérité de Savigny est d'abord fragilisée par la guerre de Cent Ans : l'abbaye est occupée par la troupe de pillards anglais du capitaine Venables ; libérée en 1433, elle se relève dans la seconde moitié du XVè mais, en 1517, elle tombe sous le régime de la "commende" : le roi peut désigner lui-même l'abbé d'un monastère. Les abbés dits "commendataires , choisis parmi les membres du clergé le plus souvent mais aussi parmi des laïcs, bénéficient du tiers des revenus de l'abbaye et peuvent cumuler plusieurs "commendes". Très souvent, ils ne résident pas à l'abbaye ou se contentent d'y passer quelques jours par intérêt...La communauté monastique est alors dirigée par un prieur claustral. Savigny a connu une exception : Dom Claude du Bellay, abbé commendataire de 1588 à 1603, demeurait sur place.
Le système de la commende est fatal pour la vie monacale : il entraîne un relâchement de l'idéal et de la discipline. A Savigny, le nombre de moines ne cesse de baisser, ils ne sont plus qu'une trentaine vers 1550.
Pendant les guerres de religion, l'abbaye est envahie en 1562 par les Huguenots qui y répandent le massacre, le pillage et mettent le feu à l'abbatiale. A la fin du siècle, Dom Claude du Bellay, alors abbé résident, s'efforce d'achever la reconstruction et d'y donner le goût de l'étude. Mais, au cours du XVIIè, l'abbaye se vide, les moeurs se relâchent à tel point que, dans l'élan de la réforme cistercienne dite "de stricte observance", l'abbaye-mère de Cîteaux tente un redressement moral et spirituel en envoyant vivre sur place quelques moines;ce retour à l'austérité est fort mal accepté.
L'ESPRIT DU XVIIIè SIECLE
Pendant ce temps, les revenus de l'abbaye continuent à grossir alors qu'elle accueille de moins en moins de religieux, à peine une quinzaine au début du XVIIIè. On entreprend une nouvelle construction, le "pavillon des hôtes", dans le style des riches demeures spatieuses et lumineuses du XVIIIè avec un corps central et deux ailes symétriques. Les inventaires de 1743 et 1790 laissent imaginer un aménagement cossu avec, de part et d'autre d'un grand escalier, le "salon de compagnie" et la "grande salle à manger" lambrissée, neuf chambres luxueuses à l'étage et les appartements privés du prieur. L'immense dortoir des moines (107m. en longueur) est transformé en chambres et appartements. Savigny, lieu d'ascèse et de sainteté à l'origine, est en train de se métamorphoser en une nouvelle Thélème...
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Partie refaite et sans doute très approximative de l'hôtellerie du XVIIIè avec sa façade de granit
en grand appareil; le pavillon de l'hôtellerie faisait, lui, 53 mètres de long.
En 1745, on édifie par surcroît sur le coteau de Beaufour,à l'écart de l'abbaye, une résidence de campagne et de jouissance assez fréquentée. Ce train de vie laxiste et opulent,attesté par les comptes de l'abbaye, est mal perçu par le clergé séculier et les villageois de Savigny qui font courir sur ces joyeux épicuriens rumeurs de débauche et chansons légères que la tradition orale a longtemps colportées.
L'ESPRIT DU XVIIIè SIECLE
Pendant ce temps, les revenus de l'abbaye continuent à grossir alors qu'elle accueille de moins en moins de religieux, à peine une quinzaine au début du XVIIIè. On entreprend une nouvelle construction, le "pavillon des hôtes", dans le style des riches demeures spatieuses et lumineuses du XVIIIè avec un corps central et deux ailes symétriques. Les inventaires de 1743 et 1790 laissent imaginer un aménagement cossu avec, de part et d'autre d'un grand escalier, le "salon de compagnie" et la "grande salle à manger" lambrissée, neuf chambres luxueuses à l'étage et les appartements privés du prieur. L'immense dortoir des moines (107m. en longueur) est transformé en chambres et appartements. Savigny, lieu d'ascèse et de sainteté à l'origine, est en train de se métamorphoser en une nouvelle Thélème...
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Maquette de Louis Saint-Pois : au fond, derrière le cloître, le pavillon des hôtes. |
en grand appareil; le pavillon de l'hôtellerie faisait, lui, 53 mètres de long.
En 1745, on édifie par surcroît sur le coteau de Beaufour,à l'écart de l'abbaye, une résidence de campagne et de jouissance assez fréquentée. Ce train de vie laxiste et opulent,attesté par les comptes de l'abbaye, est mal perçu par le clergé séculier et les villageois de Savigny qui font courir sur ces joyeux épicuriens rumeurs de débauche et chansons légères que la tradition orale a longtemps colportées.
L'esprit du siècle avait soufflé sur ces bons bourgeois amateurs de plaisirs, lecteurs "éclairés", ouverts aux idées nouvelles ; à la veille de la Révolution, l'abbaye de Savigny compte encore 14 moines et 3 novices et elle n'est pas si mal pourvue car sur les 228 monastères cisterciens demeurés ouverts en France à l'époque, la plupart ne sont plus habités que par 2 à 10 moines, exception faite de Cîteaux, Clairvaux, la Trappe. La Révolution aura vite fait de balayer une institution souvent chancelante dont l'aisance matérielle paraît très insolente aux yeux du peuple.
LE DEMANTELEMENT PROGRESSIF
Au cours de l'été 1790, treize religieux sur quatorze de Savigny prêtent le serment constitutionnel. Le 15 décembre de la même année, ils sont chassés de l'abbaye et échouent dans les paroisses avoisinantes où ils remplacent les prêtres réfractaires ; ainsi les paroisses de Louvigné-du- Désert et de Parigné ont eu leur moine constitutionnel, d'ailleurs très mal reçus. Dès leur départ, l'abbaye est ravagée et pillée frénétiquement. Sa fermeture pendant deux ans n'empêche pas les dégradations puisqu'elle n'est pas gardée...
Les reliques tant vénérées des Saints de Savigny sont portées dans l'église paroissiale où elles se trouvent encore.
En 1791, on met en vente les fermes du monastère, une quarantaine dans la contrée de Mortain, dont 26 sur la commune de Savigny, ainsi que les 9 étangs des moines réunis en un lot.
Après une longue période de vacance, l'ensemble monumental, les jardins et dépendances sont adjugés en juillet 1793 au dixième de leur valeur à Joseph Jacquemont et Jean-Charles Ruault, habitants des environs.
Comme des Vandales, les Jacquemont se chargent d'éventrer l'abbaye et d'en tirer profit : ouvrages d'art et objets précieux, piliers romans, boiseries, grilles et portes ouvragées sont disséminés dans la région, pour le bonheur de quelques amateurs éclairés ; les pierres médiocres ont dû encaisser les chemins, jusqu'à Mortain et au delà, dit-on. En 1845, Arcisse de Caumont , fondateur de la Société française d'Archéologie sauve la porte Saint-Louis , elle est devenue monument historique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/abbaye_de_savigny
LE DEMANTELEMENT PROGRESSIF
Au cours de l'été 1790, treize religieux sur quatorze de Savigny prêtent le serment constitutionnel. Le 15 décembre de la même année, ils sont chassés de l'abbaye et échouent dans les paroisses avoisinantes où ils remplacent les prêtres réfractaires ; ainsi les paroisses de Louvigné-du- Désert et de Parigné ont eu leur moine constitutionnel, d'ailleurs très mal reçus. Dès leur départ, l'abbaye est ravagée et pillée frénétiquement. Sa fermeture pendant deux ans n'empêche pas les dégradations puisqu'elle n'est pas gardée...
Les reliques tant vénérées des Saints de Savigny sont portées dans l'église paroissiale où elles se trouvent encore.
En 1791, on met en vente les fermes du monastère, une quarantaine dans la contrée de Mortain, dont 26 sur la commune de Savigny, ainsi que les 9 étangs des moines réunis en un lot.
Après une longue période de vacance, l'ensemble monumental, les jardins et dépendances sont adjugés en juillet 1793 au dixième de leur valeur à Joseph Jacquemont et Jean-Charles Ruault, habitants des environs.
Comme des Vandales, les Jacquemont se chargent d'éventrer l'abbaye et d'en tirer profit : ouvrages d'art et objets précieux, piliers romans, boiseries, grilles et portes ouvragées sont disséminés dans la région, pour le bonheur de quelques amateurs éclairés ; les pierres médiocres ont dû encaisser les chemins, jusqu'à Mortain et au delà, dit-on. En 1845, Arcisse de Caumont , fondateur de la Société française d'Archéologie sauve la porte Saint-Louis , elle est devenue monument historique.
Plan au sol de l'abbaye réalisé par F.Pougheol, architecte,1983. En rouge,les vestiges actuels visibles hors du sol. |
L'abbaye n'est plus qu'un champ de ruines: rien, à part quelques pans de murs, ne laisse imaginer la grandeur, la spiritualité et le rayonnement d'un lointain passé.Au fil du temps, la fondation semble s'être retournée contre son fondateur Vital, apôtre de l'ascèse et de la pauvreté . L'Histoire elle-même,avec ses débordements et ses paradoxes,a déchiré la trame que les siècles avaient tissée;il reste le silence et l'insignifiance , ce à quoi les premiers moines aspiraient...
Ruines de l'abbatiale. |
Jean-Paul Gallais
A l'occasion du 900ème anniversaire:
Colloque de Cerisy : L'abbaye de Savigny, un chef d'ordre anglo-normand.
http://www.ccic-cerisy.asso.fr/programme.html
Sources: bibliographiques:
- articles de J. Durand de Saint-Front et du Général Jean Barreau parus dans le bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie du Pays de Fougères,déjà cités.
- "Savigny-le Vieux" brochure collective éditée par "Terroirs 2000".