COMMENT LES RESISTANTS FOUGERAIS ONT-ILS ETE TRAHIS ?
Dans « Agents du Reich en Bretagne » Kristian Hamon, historien, apporte une réponse fortement renseignée.
Les années noires, les heures tragiques de l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale ont déversé des eaux troubles où l’homme a exprimé le meilleur comme le pire de lui-même. L’ouvrage paru fin 2011 projette des lumières sur la Résistance comme sur les lâches compromissions des Organisations pronazies en action dans le Pays de Fougères et près des maquis bretons.
L'INFILTRATION DU GROUPE RENE GALLAIS
Le groupe Gallais a fait l’objet de nombreux récits auprès des lycéens par Huguette Gallais, fille de René Gallais, résistante et déportée. L’arrestation du groupe a lieu le 9 octobre 1941, après dénonciation. Après avoir été détenus à la prison d’Angers, puis transférés à la prison de Fresne et à celle de la Santé , à Paris, les 12 membres du réseau se retrouvent à Augsburg, puis à Munich. Le 23 février 1943, ils sont condamnés à mort. Le 21 septembre de la même année, René Gallais, François Lebossé, Raymond Loysance, Marcel Pitois, Louis Richer, Antoine Perez, Jules Frémont et Jules Rochelle sont exécutés à Munich. Andrée Gallais et sa fille Huguette, ainsi que Louise Pitois et Marcel Lebastard sont graciés et commencent un parcours dans l’univers concentrationnaire nazi. Qui les a perdus ?
Mémorial de la Résistance, square René Gallais, Fougères. "Ni haine ni oubli" |
Heures tragiques, activités de récupération d’armes avec la volonté de chasser l’occupant, mais aussi activités de délation et de marché noir qui s’apparentent à des nœuds de vipères prêtes à inoculer le plus mauvais venin. Dans l’ombre, parfois même au grand jour, travaillent des individus compromis avec les Allemands. L’un d’eux est clairement identifié ici : Alain Guerduel, à l’origine membre du groupe Gallais à Fougères. Il est secondé par sa femme, apparemment fervente patriote,proche de la famille Gallais et d'autant plus dangereuse. C’est le type même du double jeu avec un compagnonnage auprès des résistants et une présence active auprès de la Gestapo. A partir de 1941, Guerduel assure un travail d’interprète auprès de la Feldkommandantur du Reich.
Le propre de l’auteur est justement de démêler les fils de la Résistance et des Organisations pronazies, dans la mesure où la dénonciation est souvent l’épée de Damoclès suspendue au-dessus des activités clandestines des résistants. En Bretagne, la formation Perrot , du nom de l’abbé Perrot, recteur de Scrignac, est une unité allemande composée de jeunes nationalistes français bretons, impliqués dans la police de sûreté de la SS (escadron de protection). Des Français exclusivement qui combattent sur le sol français contre d’autres Français. Cette formation à caractère militaire assure la protection des nationalistes bretons proches des Allemands et menacés par les résistants.
Des autonomistes bretons, Fougères en compte une vingtaine de membres fin 1942, tous se livrant à des activités de marché noir et de délation. L’auteur nous donne le portrait de l’un d’eux, André Colin, agent de la Gestapo. Revêtu d’un manteau de cuir marron, coiffé d’un chapeau à bords relevés, botté de cuir, il se déplace souvent à moto en compagnie de Gérard Goavec, jeune adolescent de 17 ans, en recherche d’identité et d’autorité, et surnommé à juste titre Lacombe Lucien, d’après l’excellent film de Louis Malle. Des profils inquiétants sans aucune morale et prêts aux pires exactions contre les résistants.
D’une autre sensibilité que le groupe Gallais, Thérèse Pierre est chargée de la propagande du mouvement de résistance, le Front National, sous les ordres de Loulou Pétri.
Elle est nommée professeur à l’EPS de Fougères et fabrique de faux papiers pour les réfractaires. Son nom et ses activités sont désormais bien connus grâce à Germaine Dulong, son agent de liaison. Le 21 octobre 1943, Thérèse Pierre est arrêtée à son domicile, 32 rue des Prés, à Fougères. Elle est transférée à la prison Jacques Cartier à Rennes, torturée, flagellée par la Gestapo. Jamais Thérèse Pierre ne livra un seul nom et on la retrouva pendue … du fait des mains criminelles de ses bourreaux.
LA LIQUIDATION TRAGIQUE DU MAQUIS D'EVERRE.
Ruines informes du moulin d'Everre au bord du Couesnon incendié au soir du 27 juillet 1944. |
Enfin, l’attaque, le 27 juillet 1944, du moulin d’Everre à Saint-Marc-sur-Couesnon, près de Fougères, marque la dernière expédition du PPF (Parti Populaire Français, organisation fasciste fondée par Jacques Doriot et collaboratrice pendant la guerre) et du SD (Service de sécurité de la SS ). L’enjeu est de taille, puisque cet endroit isolé sert de refuge aux réfractaires et déserteurs du Mur de l’Atlantique, conçu par Rommel. Par inexpérience et sans doute par indiscrétion, ils sont repérés par Goavec et échouent dans leur tâche de neutraliser la Milice de Fougères.
L'assaut dirigé sur le moulin à l'heure où treize résistants se retrouvent pour la soupe du soir fait plusieurs victimes: quatre résistants sont arrêtés et fusillés sur place. Cinq cultivateurs des fermes voisines sont pris en otages et déportés.
Ce livre de Kristian Hamon Agents du Reich en Bretagne (édition Skol Vreizh,2011) très documenté et illustré par des portraits est à recommander car il éclaire des zones d’ombre et permet souvent de mieux cerner la complexité d’une période tissée de choix généreux et d’options exaltées aveugles.
Article: Daniel Heudré.
Clichés et publication; JPG.
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