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vendredi 8 février 2013

J-B. LE TAILLANDIER et ANNE BOIVENT, CO-FONDATEURS de la CONGREGATION de RILLE

 2015 :150è anniversaire 
    -Ouest-France, 1avril 2015 p.13 
     - Interview:
http://rennes.catholique.fr/Le-15-aout-les-Soeurs-du-Christ.html


 Anne Boivent, Jean-Baptiste Le Taillandier


 DEUX VIES  DE SERVITEURS REMISES EN LUMIERE







        DESTINS CROISES





       Jean-Baptiste Le Taillandier (1788-1870) est originaire du quartier de Saint-Sulpice à Fougères ; ses parents, commerçants, habitaient rue de La Pinterie, tout près du château. En 1810, il entre au Séminaire de Rennes et est ordonné prêtre quatre ans plus tard. La paroisse de Saint-Georges-de-Reintembault est sa première affectation, c'est là qu'il rencontre ANNE BOIVENT, elle-même née en 1787 à Saint-Georges, servante des enfants qu'elle instruisait et des déshérités qu'elle tentait d'aider dans cette période de grande précarité.
       En 1817, il quitte Saint-Georges  pour Dompierre-du-Chemin  où il est vicaire pendant près de deux ans. Là, beaucoup de paroissiens sont analphabètes, il fait alors venir Anne Boivent pour le  seconder : une petite école est ouverte près du presbytère.




         UNE  ETAPE DECISIVE : LAIGNELET





Bourg de Laignelet, la petite maison des origines.  


      Mais, au printemps 1819, l'abbé Le Taillandier devient recteur de Laignelet. L'instruction des jeunes, mal assurée, le  préoccupe aussi demande-t-il, en 1823, à Anne Boivent d'organiser l'éducation des enfants de Laignelet. Dans une masure étroite dont le petit grenier sert de dortoir,elle  conseille bientôt  une douzaine de jeunes filles éprises de spiritualité .Son rayonnement et son abnégation les attirent.

     Anne Boivent se sent appelée à   promouvoir "l'adoration et l'amour de la Justice de Dieu". Jean-Baptiste Le Taillandier accueille cette intuition spirituelle.Le contexte historique du renouveau catholique est d'ailleurs favorable à l'éclosion de nombreuses Congrégations.
     En 1830,il écrit une première Règle et, l'année suivante, la Congrégation des Soeurs Adoratrices de la Justice de Dieu reçoit l'agrément de l'évêque. Deux petites communautés se forment  déjà à Fougères et à Vitré .



    L'ELECTION  DU SITE DE RILLE



     En 1833, Jean-Baptiste Le Taillandier, qui n'a pas beaucoup d'argent, prend le risque d'acheter à Jean-Marie de La Mennais l'abbaye Saint-Pierre de Rillé à l'état de ruines depuis la Révolution. Les  obstacles s'accumulent mais des bienfaitrices soutiennent son choix. Les premières soeurs, peu nombreuses, s'installent dans les décombres de l'abbaye. L'année suivante, l'abbé Le Taillandier quitte la paroisse de Laignelet et se met au service de la nouvelle Communauté de Rillé dont Anne Boivent est devenue  naturellement la Supérieure.








    L'ESSOR DES OEUVRES SOCIALES

      Au cours du mois d'octobre 1833, les religieuses ouvrent leur porte aux "Incurables" : elles accueillent  les pauvres et les infirmes et y ouvrent un premier hospice en 1846.

     L'aide aux Sourds-Muets s'organise dès cette  même  année dans les locaux de l'abbaye, par la volonté d'Anne Boivent et de l'abbé Le Taillandier. Cette oeuvre novatrice, vite reconnue ,va connaître le développement que l'on sait.
     




Rillé : accueil des  sourdes-muettes.



       Dès 1840, dans les premières écoles, l'instruction est assurée par les soeurs et les   institutions d'enseignement essaiment rapidement dans l'Est du département  comme autour de Rennes,  surtout après 1850, à la faveur de la loi Falloux. Soixante-dix-huit écoles sont créées en trente -ans...









     Les maisons de repos ou hospices s'ajoutent à l'action sociale et éducative des soeurs : elles fondent, avec l'aide financière de donatrices,les hospices de Louvigné-du-Désert (1862) et de Chaudeboeuf (1863). D'autres vont suivre.


Hospice de Chaudeboeuf, ancien château de Mme de  La Haye-Saint-Hilaire,
donné à la congrégation pour le service des enfants pauvres et inadaptés.



    Jean-Baptiste Le Taillandier accompagne l'évolution de la congrégation et entretient par ses conseils et ses écrits le souffle spirituel qui inspire ses actions ; il s'éteint à Rillé en 1870, cinq ans après Anne Boivent.



La colline de Rillé, vue des remparts de la Pinterie .


     L'oeuvre des fondateurs continue : elle s'est déployée dans plusieurs régions de France, elle est présente aux Pays-Bas, au Burkina-Faso et depuis quelques années au Congo. Depuis 1833 , plus de 2300  soeurs ont  entendu le message de Anne Boivent et Jean-Baptiste Le Taillandier. 
                                             J.P.G.


       Pour une biographie plus complète,on pourra se référer aux ouvrages hagiographiques parus  en décembre 2012,réalisés par les Soeurs Anne Mouazan et Hélène Rubion:
 Vie de Anne Boivent et Vie du Père Jean-Baptiste Le Taillandier.   
 
    

                               Clichés: Archives de Rillé.
                                                     Droits  réservés.










  http://rennes.catholique.fr/Le-15-aout-les-Soeurs-du-Christ.html

mercredi 18 juillet 2012

L'ABBE BRIDEL, SERVITEUR DE LA PROMOTION OUVRIERE






Une personnalité charismatique :
L'ABBE  LOUIS BRIDEL


 Cl.Archives municipales, Fougères.


                                    
        Les  personnes qui l’ont connu dans leur jeunesse se souviennent de sa stature impressionnante : il était au moral ce qu’il était au physique, un homme des cimes. L’abbé Louis Bridel (1880-1933) était originaire de Martigné-Ferchaud  où sa famille tenait un commerce en gros de beurre  et oeufs. Formé au séminaire Saint-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux, il est en contact avec des personnalités très ouvertes sur la mission sociale  de l'Eglise et il participe aux cercles de réflexion du Sillon, crée par Marc Sangnier.

 AU SERVICE DE L'EDUCATION POPULAIRE
           
      Après de brillantes études en Théologie à Rome, un bref passage à Brielles et à Rennes, il arrive en 1909 à Fougères comme vicaire à Saint-Léonard ; il est chargé de l'Oeuvre de Saint-Joseph, service de patronage et d'éducation populaire, et de la société sportive "Le Drapeau ".

     Très vite, il oriente son ministère vers le monde ouvrier,choix atypique à l'époque mais en conformité avec l'encyclique Rerum Novarum (1891). L'abbé Trochu, l'un des "abbés démocrates", fondateur de "'Ouest-Eclair" (1899), vicaire à la paroisse Saint-Sulpice pendant un an,a commencé à ouvrir la voie . Avant la Première Guerre Mondiale, l'abbé Bridel préside à la fondation de  plusieurs syndicats chrétiens , en partie pour contrebalancer l'influence des syndicats marxistes ; ces syndicats forment l’Union Syndicale Catholique dont le siège  se situe dans l'ancien hôtel  de Marigny, rue Chateaubriand. Dès 1922, il quitte la paroisse Saint-Léonard où son apostolat soulève beaucoup d'hostilités et  se domicilie rue Pasteur pour mieux se consacrer aux oeuvres sociales; il en  est nommé officiellement l'aumônier en 1924.







       L'ancien Hôtel de Marigny est vite appelé à devenir le creuset de l'action sociale de l'abbé Bridel : sous sa tutelle, se mettent en place cercles de recherches, conférences, cours ménagers et formation  professionnelle, bibliothèque, bureau de secours mutuels... il est à la fois pôle syndical et éducatif et il accueille les militants de la J.O.C (Jeunesse Ouvrière Catholique).



       En 1919, à peine démobilisé, il organise l’Etoile Fougeraise, coopérative de consommation destinée à pourvoir aux achats de première nécessité. Partie avec 120 sociétaires, elle connaît un essor rapide et s' implante solidement à Fougères où elle dessert bientôt cinq dépôts.




Carnet de sociétaire  où sont rappelés les statuts et les principes
 de la coopérative. (Archives privées)







 LA CREATION DES COOPERATIVES OUVRIERES

 Désormais, l'abbé Bridel va privilégier le modèle coopératif  qui, à ses yeux, a le mérite d'associer les employés à la gestion de l'entreprise. Cette structure  existe déjà  à Fougères dans l'usine de chaussures "Chez Nous", rue de Rennes (1908) : elle a été inspirée par l'abbé Chesnais, alors vicaire à Saint-Sulpice, proche du Sillon . L'abbé Bridel va amplifier  les créations de ce type.

Au prix de multiples difficultés, il  décide  en 1921 de fonder la coopérative de  La Cristallerie pour venir en aide aux 120 grévistes de la verrerie de Laignelet licenciés par leur directeur Henry Chupin, expulsés de leur demeure, les employés étant logés par le patron sur le site de l'entreprise. Pari audacieux mais  comment  laisser sans logement ni ressources ces verriers  coupables d'avoir suivi les revendications salariales exprimées par Jean-Marie Chaperon, secrétaire du nouveau syndicat chrétien inspiré par  l'abbé Bridel ? Il multiplie les démarches  pour trouver un site d'implantation et des fonds. Sur un terrain et quelques hangars à fourrage qu’il loue à l’Armée, il fait bâtir un four et aménager des dépendances avec les dons et souscriptions des  ouvriers et des Fougerais sympathisants. 
 En juillet 1921, le Bureau de l'Assemblée Générale élit Louis Bridel président de la Cristallerie et Gaston Jeantroux, ancien verrier, devient directeur technique.
 Ce  premier octobre 1921, on souffle les premiers verres, la grève  de Laignelet a commencé le 3 janvier...  173 verriers ont suivi.
  Pour retrouver une clientèle, deux commerciaux sont recrutés ; l'abbé Bridel participe lui-même à la prospection commerciale et, pour répondre au besoin de main d'oeuvre, il fait appel aux jeunes du Morbihan formés sur place.
En 1922, il adjoint à la Cristallerie un restaurant coopératif, le Foyer familial. 


  LA  RECONNAISSANCE DES DROITS SOCIAUX


    Après un départ difficile, l’entreprise, organisée en coopérative, décolle et réussit à  trouver un équilibre financier. Suivant le  système coopératif, les ouvriers participent aux bénéfices. La Cristallerie est à la pointe du progrès social et ses avancées  supportent aisément la comparaison avec  les  conquêtes des syndicats laïques. Elle  accorde une prime à la naissance et un congé-maternité, une allocation familiale à partir du troisième enfant (1924) et met progressivement en place une  mutuelle-maladie (1926) en complément des assurances sociales puis un système de retraite. 
Le temps de travail  est réduit à huit heures trente puis huit heures et elle octroie  six jours de congés payés dès 1928, bientôt suivis de six autres.

 Sous sa forme "coopérative", la Cristallerie s'installe dans le paysage industriel fougerais jusqu'en 1977. Elle  passe plusieurs caps périlleux qui exigent autant de remises en cause : la crise de 1929, la réduction des salaires pour sauver la compétitivité en 1934, la concurrence des verreries mécanisées, la disparition de ses fondateurs,l'abbé Bridel (1933) et Gaston Jeantroux ( nov.1944), les  jours de chômage forcé pendant la  Seconde Guerre, la  destruction partielle de son infrastructure en juin 1944.
.




 Pour loger les familles des verriers et permettre l'accession à la propriété, il crée « le Foyer fougerais », coopérative du bâtiment  : une centaine de maisons sortent de terre autour de la Cristallerie : la cité Jean Allain, celles de la Madeleine et de Mare Bouillon lui doivent leur existence.





Pavillons jumelés,Cité Jean ALLAIN,premiers logements sociaux édifiés
par le Foyer Fougerais en 1922.
Cl. Archives municipales, Fougères.





En 1924, une entreprise de menuiserie en difficulté est transformée en coopérative : « Le Genêt d’Or ».Les employés élaborent eux-mêmes  les statuts de leur  société, tandis que l'abbé Bridel  organise son financement. Quatre ans plus tard, une nouvelle coopérative de production de chaussures prend son élan : l’Abeille avec, à sa tête, Joseph Chemin.

 Au cours de l’année 1929, l’Abbé Bridel fonde la « Banque coopérative industrielle et Agricole » pour affranchir les coopératives à l’égard des organismes de crédit, initiative qui lui vaut beaucoup d'inimitiés. Sa dernière création sera celle de « la Mésangère »,société qui avait en charge l’organisation des colonies de vacances.
 En octobre 1933, son  état de santé l'oblige  à   cesser ses activités  et nécessite  bientôt une hospitalisation : le  mal l'emporte le19 décembre 1933. La presse régionale et nationale salue son  engagement  et son rayonnement .
  Statue de l'abbé Bridel, place Lariboisière, oeuvre de Nitsch (1938),
offerte par les verriers de Fougères.
Elle s'élève sur l'emplacement de la Banque Coopérative fondée par l'abbé Bridel.
 Pendant des décennies, le Premier Mai, la CFDT déposait une gerbe à ses pieds
en marque de reconnaissance. Depuis 2006, la tradition est rétablie.





      Telles sont les réalisations les plus audacieuses de cet ardent défenseur de la justice sociale, souvent controversé. Son œuvre souterraine a des arborescences insoupçonnées : la germination de la conscience ouvrière catholique, le souci d’une harmonie entre le progrès économique et le progrès social, la responsabilisation de chacun à l’intérieur du mouvement coopératif. Associé par son action populaire au rayonnement industriel de Fougères dans la première moitié du XXè siècle, il  dépasse  de loin les limites de l'époque et de l'espace fougerais, pour avoir fait entendre très haut le message social de l'Evangile et  fait reconnaître la dignité et les droits de chacun.
    L'Histoire garde de lui l'image d'un apôtre, d'un semeur de justice et d'un précurseur.


















Crucifix de l'abbé Bridel,  autrefois dans son bureau de la Cristallerie:
 déposé aux Archives municipales de Fougères.(Cl. Archives)






 Chapiteaux de l'église  Notre-Dame de Bonabry,
(Cl. Archives municipales, Fougères.)
Sur ces chapiteaux réalisés en 1962, Eugène Aulnette, artiste du Sel-de-Bretagne, a sculpté dans le calcaire quelques pages de l’histoire artisanale et industrielle de Fougères. Le premier laisse apparaître à l’arrière-plan la cheminée de la cristallerie fondée en 1921 par l’Abbé Bridel ; lui-même est représenté sur la droite, en compagnie de  Gaston Jeantroux, directeur de l’usine de 1921 à 1944. Au premier plan, sont disposés les flacons de verre qui ont contribué à la renommée de l’entreprise. Une frise de chaussures ceinture le chapiteau pour rappeler l’activité chaussonnière de Fougères.

Sur le second, le pape Léon XIII déroule devant les ouvriers de la chaussure et des verreries le parchemin de l’Encyclique Rerum Novarum promulguée en mai 1891 sur l’Eglise et  la présence au monde ouvrier : hostile au principe de la "lutte des  classes", elle prônait le dialogue social et le respect mutuel  entre patrons et ouvriers et  approuvait la revendication d'un juste salaire ainsi que l'accès à la propriété. Ses idées ont profondément marqué  l'action de l'Abbé Bridel.
 
                                                                               Jean-Paul Gallais
 
Documentation
- Crublet A.L'abbé Bridel, Bloud et Gay,1934 , (témoignage d'un confrère et ami de Louis Bridel.)
 -  Heudré  Bernard, L'oeuvre d'un initiateur,l'abbé Bridel, revue Le Pays de Fougères,n° spécial , juin 1976 et d'autres nombreux numéros 10,89,112,127,144...
-Ar Men, n°8, 1987 La Cristallerie de Haute Bretagne,p.2à21.
-Hamard Jacky,Essai sur l'histoire d'un prêtre-ouvrier: l'abbé Bridel DEA. d' Histoire, Rennes.
- Film documentaire d'Alain Gallet sur les"abbés démocrates": Des poissons rouges dans le bénitier,2002.
- Chopin Eric, nombreux articles, Ouest-France, de septembre 2004 à mars 2007, 23 mai 2009 : Mémoire de l'abbé Bridel...
-Madelain Denis,La Cristallerie fougeraise, coopérative ouvrière de production,1921-1976. Maîtrise d'Histoire, Paris IV.
- Guillaume Hélène, La Cristallerie fougeraise face à l'Histoire, 1921-2005 Mémoire de Master II, 2007: plusieurs pages sur l'abbé Bridel et  sur le contexte socio-culturel.