Une personnalité charismatique :
L'ABBE LOUIS BRIDEL
L'ABBE LOUIS BRIDEL
Cl.Archives municipales, Fougères. |
Les personnes qui l’ont
connu dans leur jeunesse se souviennent de sa stature impressionnante : il
était au moral ce qu’il était au physique, un homme des cimes. L’abbé Louis
Bridel (1880-1933) était originaire de Martigné-Ferchaud où sa famille tenait un commerce en gros de beurre et oeufs. Formé au séminaire Saint-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux, il est en contact avec des personnalités très ouvertes sur la mission sociale de l'Eglise et il participe aux cercles de réflexion du Sillon, crée par Marc Sangnier.
AU SERVICE DE L'EDUCATION POPULAIRE
Après de brillantes études en Théologie à Rome, un bref passage à Brielles et à Rennes, il arrive en 1909 à Fougères comme vicaire à Saint-Léonard ; il est chargé de l'Oeuvre de Saint-Joseph, service de patronage et d'éducation populaire, et de la société sportive "Le Drapeau ".
Très vite, il oriente son ministère vers le monde ouvrier,choix atypique à l'époque mais en conformité avec l'encyclique Rerum Novarum (1891). L'abbé Trochu, l'un des "abbés démocrates", fondateur de "'Ouest-Eclair" (1899), vicaire à la paroisse Saint-Sulpice pendant un an,a commencé à ouvrir la voie . Avantla Première Guerre Mondiale, l'abbé Bridel
préside à la fondation de plusieurs syndicats chrétiens , en partie pour contrebalancer l'influence des syndicats marxistes ; ces syndicats forment l’Union Syndicale
Catholique dont le siège se situe dans l'ancien hôtel de Marigny, rue Chateaubriand. Dès 1922, il quitte la paroisse Saint-Léonard où son apostolat soulève beaucoup d'hostilités et se domicilie rue Pasteur pour mieux se consacrer aux oeuvres sociales; il en est nommé officiellement l'aumônier en 1924.
L'ancien Hôtel de Marigny est vite appelé à devenir le creuset de l'action sociale de l'abbé Bridel : sous sa tutelle, se mettent en place cercles de recherches, conférences, cours ménagers et formation professionnelle, bibliothèque, bureau de secours mutuels... il est à la fois pôle syndical et éducatif et il accueille les militants de la J.O.C (Jeunesse Ouvrière Catholique).
En 1919, à peine démobilisé, il organise l’Etoile Fougeraise, coopérative de consommation destinée à pourvoir aux achats de première nécessité. Partie avec 120 sociétaires, elle connaît un essor rapide et s' implante solidement à Fougères où elle dessert bientôt cinq dépôts.
AU SERVICE DE L'EDUCATION POPULAIRE
Après de brillantes études en Théologie à Rome, un bref passage à Brielles et à Rennes, il arrive en 1909 à Fougères comme vicaire à Saint-Léonard ; il est chargé de l'Oeuvre de Saint-Joseph, service de patronage et d'éducation populaire, et de la société sportive "Le Drapeau ".
Très vite, il oriente son ministère vers le monde ouvrier,choix atypique à l'époque mais en conformité avec l'encyclique Rerum Novarum (1891). L'abbé Trochu, l'un des "abbés démocrates", fondateur de "'Ouest-Eclair" (1899), vicaire à la paroisse Saint-Sulpice pendant un an,a commencé à ouvrir la voie . Avant
L'ancien Hôtel de Marigny est vite appelé à devenir le creuset de l'action sociale de l'abbé Bridel : sous sa tutelle, se mettent en place cercles de recherches, conférences, cours ménagers et formation professionnelle, bibliothèque, bureau de secours mutuels... il est à la fois pôle syndical et éducatif et il accueille les militants de la J.O.C (Jeunesse Ouvrière Catholique).
En 1919, à peine démobilisé, il organise l’Etoile Fougeraise, coopérative de consommation destinée à pourvoir aux achats de première nécessité. Partie avec 120 sociétaires, elle connaît un essor rapide et s' implante solidement à Fougères où elle dessert bientôt cinq dépôts.
Carnet de sociétaire où sont rappelés les statuts et les principes de la coopérative. (Archives privées) |
LA CREATION DES COOPERATIVES OUVRIERES
Désormais, l'abbé Bridel va privilégier le modèle coopératif qui, à ses yeux, a le mérite d'associer les employés à la gestion de l'entreprise. Cette structure existe déjà à Fougères dans l'usine de chaussures "Chez Nous", rue de Rennes (1908) : elle a été inspirée par l'abbé Chesnais, alors vicaire à Saint-Sulpice, proche du Sillon . L'abbé Bridel va amplifier les créations de ce type.
Au prix de
multiples difficultés, il décide en 1921 de fonder la coopérative de La Cristallerie pour venir en aide aux 120 grévistes de la
verrerie de Laignelet licenciés par leur directeur Henry Chupin, expulsés de leur demeure, les employés étant logés par le patron sur le site de l'entreprise. Pari audacieux mais comment laisser sans logement ni ressources ces verriers coupables d'avoir suivi les revendications salariales exprimées par Jean-Marie Chaperon, secrétaire du nouveau syndicat chrétien inspiré par l'abbé Bridel ? Il multiplie les démarches pour trouver un site d'implantation et des fonds. Sur un
terrain et quelques hangars à fourrage qu’il loue à l’Armée, il fait bâtir un four et
aménager des dépendances avec les dons et souscriptions des ouvriers et des Fougerais sympathisants.
En juillet 1921, le Bureau de l'Assemblée Générale élit Louis Bridel président de la Cristallerie et Gaston Jeantroux, ancien verrier, devient directeur technique.
Ce premier octobre 1921, on souffle les premiers verres, la grève de Laignelet a commencé le 3 janvier... 173 verriers ont suivi.
Pour retrouver une clientèle, deux commerciaux sont recrutés ; l'abbé Bridel participe lui-même à la prospection commerciale et, pour répondre au besoin de main d'oeuvre, il fait appel aux jeunes du Morbihan formés sur place.
En 1922, il adjoint à la Cristallerie un restaurant coopératif, le Foyer familial.
En 1922, il adjoint à la Cristallerie un restaurant coopératif, le Foyer familial.
LA RECONNAISSANCE DES DROITS SOCIAUX
Après un départ difficile, l’entreprise, organisée en coopérative, décolle et réussit à trouver un équilibre financier. Suivant le système coopératif, les ouvriers participent aux bénéfices. La Cristallerie est à la pointe du progrès social et ses avancées supportent aisément la comparaison avec les conquêtes des syndicats laïques. Elle accorde une prime à la naissance et un congé-maternité, une allocation familiale à partir du troisième enfant (1924) et met progressivement en place une mutuelle-maladie (1926) en complément des assurances sociales puis un système de retraite.
Le temps de travail est réduit à huit heures trente puis huit heures et elle octroie six jours de congés payés dès 1928, bientôt suivis de six autres.
Sous sa forme "coopérative", la Cristallerie s'installe dans le paysage industriel fougerais jusqu'en 1977. Elle passe plusieurs caps périlleux qui exigent autant de remises en cause : la crise de 1929, la réduction des salaires pour sauver la compétitivité en 1934, la concurrence des verreries mécanisées, la disparition de ses fondateurs,l'abbé Bridel (1933) et Gaston Jeantroux ( nov.1944), les jours de chômage forcé pendant la Seconde Guerre, la destruction partielle de son infrastructure en juin 1944.
.
Pour loger les familles des verriers et permettre l'accession à la propriété, il crée
« le Foyer fougerais », coopérative du bâtiment : une centaine de maisons sortent de
terre autour de la
Cristallerie : la cité Jean Allain, celles de la Madeleine et de Mare
Bouillon lui doivent leur existence.
Pavillons jumelés,Cité Jean ALLAIN,premiers logements sociaux édifiés par le Foyer Fougerais en 1922. Cl. Archives municipales, Fougères. |
En
1924, une entreprise de menuiserie en difficulté est transformée en
coopérative : « Le Genêt d’Or ».Les employés élaborent eux-mêmes les statuts de leur société, tandis que l'abbé Bridel organise son financement. Quatre ans plus tard, une
nouvelle coopérative de production de chaussures prend son élan :
l’Abeille avec, à sa tête, Joseph Chemin.
Au cours de l’année 1929, l’Abbé
Bridel fonde la « Banque
coopérative industrielle et Agricole » pour affranchir les coopératives à
l’égard des organismes de crédit, initiative qui lui vaut beaucoup d'inimitiés. Sa dernière création sera celle de « la Mésangère »,société qui avait en charge l’organisation des colonies de vacances.
En octobre 1933, son état de santé l'oblige à cesser ses activités et nécessite bientôt une hospitalisation : le mal l'emporte le19 décembre 1933. La presse régionale et nationale salue son engagement et son rayonnement .
Statue de l'abbé Bridel, place Lariboisière, oeuvre de Nitsch (1938), offerte par les verriers de Fougères. Elle s'élève sur l'emplacement de la Banque Coopérative fondée par l'abbé Bridel. Pendant des décennies, le Premier Mai, la CFDT déposait une gerbe à ses pieds en marque de reconnaissance. Depuis 2006, la tradition est rétablie. |
Telles
sont les réalisations les plus audacieuses de cet ardent défenseur de la
justice sociale, souvent controversé. Son œuvre souterraine a des arborescences insoupçonnées : la
germination de la conscience ouvrière catholique, le souci d’une harmonie entre
le progrès économique et le progrès social, la responsabilisation de chacun à
l’intérieur du mouvement coopératif. Associé par son action populaire au rayonnement
industriel de Fougères dans la première moitié du XXè siècle, il dépasse de loin les limites de l'époque et de l'espace fougerais, pour avoir fait entendre très haut le message social de l'Evangile et fait reconnaître la dignité et les droits de chacun.
L'Histoire garde de lui l'image d'un apôtre, d'un semeur de justice et d'un précurseur.
Crucifix de l'abbé Bridel, autrefois dans son bureau de la Cristallerie: déposé aux Archives municipales de Fougères.(Cl. Archives) |
Chapiteaux de l'église Notre-Dame de Bonabry, (Cl. Archives municipales, Fougères.) |
Sur le second, le pape Léon
XIII déroule devant les ouvriers de la chaussure et des verreries le parchemin
de l’Encyclique Rerum Novarum promulguée en mai 1891 sur l’Eglise et la présence au monde ouvrier : hostile au principe de la "lutte des classes", elle prônait le dialogue social et le respect mutuel entre patrons et ouvriers et approuvait la revendication d'un juste salaire ainsi que l'accès à la propriété. Ses idées ont profondément marqué l'action de l'Abbé Bridel.
Jean-Paul Gallais
Documentation
- Crublet A.L'abbé Bridel, Bloud et Gay,1934 , (témoignage d'un confrère et ami de Louis Bridel.)
- Heudré Bernard, L'oeuvre d'un initiateur,l'abbé Bridel, revue Le Pays de Fougères,n° spécial , juin 1976 et d'autres nombreux numéros 10,89,112,127,144...
-Ar Men, n°8, 1987 La Cristallerie de Haute Bretagne,p.2à21.
-Hamard Jacky,Essai sur l'histoire d'un prêtre-ouvrier: l'abbé Bridel DEA. d' Histoire, Rennes.
- Film documentaire d'Alain Gallet sur les"abbés démocrates": Des poissons rouges dans le bénitier,2002.
- Chopin Eric, nombreux articles, Ouest-France, de septembre 2004 à mars 2007, 23 mai 2009 : Mémoire de l'abbé Bridel...
-Madelain Denis,La Cristallerie fougeraise, coopérative ouvrière de production,1921-1976. Maîtrise d'Histoire, Paris IV.
- Guillaume Hélène, La Cristallerie fougeraise face à l'Histoire, 1921-2005 Mémoire de Master II, 2007: plusieurs pages sur l'abbé Bridel et sur le contexte socio-culturel.
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