vendredi 1 février 2013

FALLAIT-IL RASER LES URBANISTES?


LE COUVENT DES URBANISTES

 aujourd'hui CENTRE CULTUREL













RETROSPECTIVE






     Le Couvent des Urbanistes a été construit entre 1680 et 1689 pour les religieuses Clarisses arrivées à Fougères dès 1633. Cet ordre mendiant avait été crée en 1213 par sainte Claire, sœur de François d’Assise, lui-même fondateur de l’ordre des Frères mineurs ou franciscains.

      Les Clarisses dites Urbanistes avaient obtenu en 1263 du Pape Urbain IV un allègement de la Règle leur permettant de posséder des biens en commun et d’avoir des revenus réguliers pour assurer leur subsistance.

      Installées d’abord dans une maison de Bonabry en 1633 avec l'agrément du Pape Urbain VIII (bulle du 29-11-1634), puis au Clos-Morel sur le site de la Retraite, les Urbanistes, dites aussi les « Dames Sainte-Claire »,font édifier leur couvent dans un champ situé en la paroisse de Laignelet, nommé « le Champ aux Belles Femmes »,cédé par M. Le Jeune, sieur de la Tendrais en Parigné, dont la fille était religieuse.

       Les Urbanistes se recrutaient dans les familles de la bonne bourgeoisie et de la noblesse. Les filles d’origine plus modeste étaient admises comme sœurs converses et assuraient les tâches ménagères. Parmi elles, Jeanne Le Royer (1731-1798) dite Sœur de la Nativité, originaire de La Chapelle-Janson, s'est singularisée par son mysticisme et sa prescience de l'avenir ; ses visions et ses prophéties ont été rapportées par le Père Genest, alors chapelain des Urbanistes.

     Le 27 septembre 1792, les religieuses furent expulsées du couvent par les autorités révolutionnaires.




UNE ARCHITECTURE CLASSIQUE


Le chevet de la chapelle et le logis de l'abbesse.(cl. Archives municipales, Fougères)

   L'ensemble présente une remarquable unité et une sobriété très classique. L'édifice élevé sur deux étages est rythmé par des lucarnes aux frontons triangulaires et curvilignes alternés. Le cloître est éclairé par neuf arcades surbaissées sauf sur l'aile-Est, inachevée.
    Au centre de la façade-Sud, s'ouvrent deux portes cintrées superposées, correspondant au rez-de-chaussée et à l'étage ; elles sont disposées dans un discret avant-corps de granit appareillé et soulignées par un beau jeu d'arcatures ; le couronnement de cette entrée monumentale porte un médaillon martelé cerné par une ceinture de sainte Claire.



Poinçon de charpente d'époque, Ecole de dessin.

LES CANTONNEMENTS MILITAIRES


    Pendant la période révolutionnaire, le couvent des Urbanistes échappe à la vente comme bien national, il est mis à la disposition de la ville pour y loger les nombreuses troupes de passage, envoyées pour rétablir l'ordre et pacifier le pays.

    Jusqu’en 1815, le couvent reçoit des cantonnements de troupes de passage qui commettent de nombreuses dégradations. Pour comble de malheur, cette même année, un ouragan détruit 150 m² de toitures et les troupes prussiennes d’occupation marquent leur passage.

    Un rapport de l’autorité militaire, en 1816, précise que la caserne est « dans un état de délabrement qui la rend absolument inhabitable » . Des travaux s’imposent si la municipalité veut obtenir, comme elle l’a maintes fois demandé, l’implantation d’un régiment à Fougères. Elle fait alors réaliser, entre 1816 et 1818, les réparations nécessaires et, en 1821, un régiment de Chasseurs arrive aux Urbanistes. La Ville met à sa disposition une pièce de terre pour lui servir de champ de manœuvres.

     Aux Urbanistes, se succèdent ensuite plusieurs compagnies d’Artilllerie, des régiments du Génie et de Cavalerie jusqu'au milieu du XIXe.



       LE TRAIN DES EQUIPAGES


    Le 12 avril 1874, Fougères est choisie comme ville de garnison pour les troupes du Train des Equipages, régiment de cavalerie légère du 10èmeCorps d’Armée. Ce régiment restera à Fougères jusqu’à la Guerre de 1914-1918, écrivant, 40 années durant, une page d’histoire de la ville.

    Pour le dépôt du matériel, la Ville achète un terrain de deux hectares au Chêne Vert, lieu encore connu sous le nom de « l’Annexe » où s’élèvent diverses constructions dont il ne reste plus aujourd’hui que le grand bâtiment administratif réhabilité en logements et un des deux petits pavillons de l’entrée. Pour mémoire, en 1921, l'abbé Bridel loue à l'Armée les locaux désaffectés des granges à matériel et à fourrage pour y installer la nouvelle Cristallerie, près du Chêne-Vert.

   Les« Tringlots » comme les appelaient familièrement les Fougerais font partie intégrante de la vie de la cité. Les cavaliers sillonnent la ville et la campagne environnante et participent aux manifestations festives ou aux opérations de maintien de l’ordre public, comme au moment des Inventaires des églises en 1906. La rue de la Caserne est constamment encombrée par les allées et venues des militaires, des chariots de la caserne, les approvisionnements de fourrage… Les permissions de militaires font grand bruit dans les parages... Puis les « Tringlots » laissent la place aux gardes mobiles qui occupent la caserne des Urbanistes de 1924 à 1940.





Le vaisseau de la chapelle des religieuses a été coupé en deux par un plancher, la pièce inférieure servait d’écurie, la pièce supérieure de logement. Les anciennes verrières ont été murées, d’autres fenêtres ont été ouvertes, le clocher a disparu.(Archives municipales, Fougères).








Un appentis crépi à chaux s'est appuyé sur le logis abbatial à droite ; au cours de la restauration, on a reconstruit la quatrième travée, beaucoup plus heureuse.




Certaines arcades du cloître ont été fermées par un mur pour servir d'écuries.




Bonheur estival.(Archives municipales,Fougères)







Après la Seconde Guerre mondiale, la Ville, très éprouvée par les bombardements alliés de 1944, revendique en 1949 la propriété de la caserne des Urbanistes afin d’y loger des réfugiés et des personnes sans-toits. Elle s’en porte acquéreur en 1957 mais n’en prend possession qu’en 1959. En 1961, elle cède gratuitement l’ancien couvent à l’Office public d’H.L.M. qui élève bientôt sur le site plusieurs immeubles.






En 1965, le couvent-caserne est complétement défiguré et délabré : la municipalité décide de le démolir pour libérer l'espace. Mobilisés par Albert Bourgeois, pharmacien et conseiller municipal, quelques Fougerais s'opposent à sa démolition ; leur cause est entendue par le Ministre de la Culture, André Malraux qui, le 15 juillet 1965,interdit in extremis la destruction du couvent.



 Ouest-France.Archives municipales de Fougères.





Plusieurs projets de remise en état sont abandonnés. Enfin la restauration complète est décidée en 1971 par la municipalité M. Cointat ; orchestrée par Raymond Cornon, architecte des Monuments Historiques, elle s'étale sur 15 ans. En 1986, les Fougerais découvrent un édifice dont ils ne soupçonnaient pas le prestige...




Vitraux de la chapelle, oeuvre de l'atelier Job Guével, composition sur le thème de la forêt
 sur dessin de l'artiste Maria Vieira Da Silva.Paysagisme abstrait.


     Dès 1978, l’Ecole de Musique prend possession de ses nouveaux locaux, bientôt rejointe par l’Ecole de Dessin et la galerie d'Art Contemporain Arcade qui y accueille les artistes jusqu'en 2009.

    A la fin de l'année 2004, les H.L.M. qui masquent le monument sont démolis et les Urbanistes s'intègrent pleinement au patrimoine architectural de Fougères.





 Phase finale de la démolition des HLM, Archives municipales de Fougères.





     
L'esplanade libérée devant la façade Ouest.( Archives de Fougères)


La plupart des photographies du régiment de Cavalerie, ont été acquises en 2005 par la Ville de Fougères qui les a achetées à un photographe rennais M. Rapilliard; lui-même les avait négociées sur un marché sans savoir de quelle caserne il s'agissait . Ses investigations l'ont conduit par hasard à Fougères où l'archiviste Marcel Hodebert les a identifiées . Les négatifs ont été pris à l’intérieur même de la caserne par un photographe militaire. Cette collection de 67 plaques de verre, totalement inédites, date des années 1890-1910,elle donne une image volontairement détendue , parfois cocasse de la vie militaire et elle est un peu la mémoire de cet espace.


 
Textes: - Marcel Hodebert
            - Jean-Paul Gallais.

Mise en oeuvre de l'exposition aux Ateliers:
             - Jean Hérisset
             -service des Archives municipales.









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.