Reconstitution d'un blason portant les insignes de l'abbaye: l'initiale S enroulée autour d'une feuille de fougère présente sur le sceau de l'abbaye. |
DECADENCE ET REFORME DE L'EGLISE
A l'époque, c'est-à-dire à la fin du XIème siècle, les institutions eccésiastiques subissaient la tutelle féodale : en rebâtissant des églises et monastères, les seigneurs entendaient y exercer leur autorité. Ils choisissaient eux-mêmes les évêques, les abbés, les curés en favorisant leurs parents et amis. Un comte-évêque exerçait alors son pouvoir comme un comte-laïc. Des évêques et des curés se mariaient pour transmettre leurs bénéfices ecclésiastiques à leurs descendants... Dans certaines abbayes, la situation n'était pas meilleure : l'abbaye de Cluny qui avait été le phare de la chrétienté n'avait pas échappé à la décadence.
A l'appel du pape Grégoire VII , plusieurs responsables de l'Eglise cherchaient à se libérer du pouvoir temporel. Marborde, le nouvel évêque de Rennes, comptait parmi les prélats décidés à mener les réformes nécessaires. Son premier objectif fut d'obtenir des seigneurs laïcs qu'ils renoncent à choisir eux-mêmes les curés des paroisses dont ils avaient été les fondateurs. Généralement les seigneurs cédèrent leurs droits à des abbayes : Marmoutiers, Pontlevoy, Saint-Melaine... plus rarement à l'évêché. Mais le zèle des réformateurs se heurtait à des oppositions au sein même de l'Eglise. Des prêtres et des religieux quittèrent alors leurs paroisses et leurs monastères pour chercher dans la solitude de pauvres ermitages un climat plus propice à la prière et au recueillement.
A l'appel du pape Grégoire VII , plusieurs responsables de l'Eglise cherchaient à se libérer du pouvoir temporel. Marborde, le nouvel évêque de Rennes, comptait parmi les prélats décidés à mener les réformes nécessaires. Son premier objectif fut d'obtenir des seigneurs laïcs qu'ils renoncent à choisir eux-mêmes les curés des paroisses dont ils avaient été les fondateurs. Généralement les seigneurs cédèrent leurs droits à des abbayes : Marmoutiers, Pontlevoy, Saint-Melaine... plus rarement à l'évêché. Mais le zèle des réformateurs se heurtait à des oppositions au sein même de l'Eglise. Des prêtres et des religieux quittèrent alors leurs paroisses et leurs monastères pour chercher dans la solitude de pauvres ermitages un climat plus propice à la prière et au recueillement.
LA RECHERCHE DES SOLITUDES
Dans notre région, le pays du "Désert", entre Fougères, Mortain et Mayenne, devint l'un des refuges de ces ermites. L'un des premiers fut probablement Guillaume Firmat qui aurait séjourné quelque temps sur la paroisse de La Bazouge-du-Désert, à l'endroit où fut édifiée plus tard la chapelle Saint-Clair dite de l' Ermitage.
C'était alors une petite clairière en pleine forêt de Glaine, sur la frontère bretonne et loin de toute habitation. Peu de temps après, un autre ermite , Bernard de Tiron, vint se réfugier dans la forêt de Fougères, au lieu dit "Chênedet", le nom venant de "chêne docte", le chêne sous lequel l'ermite faisait ses prédications.
Or toute la forêt de Fougères faisait partie du domaine personnel du baron Raoul Ier ; située à peu de distance de son château, elle lui servait de terrain de chasse. Pour y conserver le gros gibier, le baron de Fougères l'avait fait entourer d'un fossé ou d'une palissade. Mécontent de voir sa chasse parcourue par ceux qui venaient écouter les enseignements de Bernard de Tiron, il pria celui-ci de s'installer ailleurs et lui offrit un asile dans la forêt de Savigny, l'une de ses possessions plus éloignées. En quittant le "Chenedet" en 1108, Bernard de Tiron emmena dans la forêt de Savigny plusieurs de ses compagnons ; d'autres le quittèrent pour s'installer en bordure de la forêt de Fougères, comme Agnellus, fondateur de la paroisse de Laignelet.
En arrivant à Savigny, Bernard de Tiron y trouva d'autres ermites : parmi eux Vital de Mortain, prédicateur itinérant qui avait déjà une grande réputation tant en raison de son zèle apostolique que de la dignité de sa vie. La cohabitation devenant sans doute difficile, Bernard de Tiron décida de quitter Savigny pour fonder l'abbaye de Tiron dans le Perche.
Vital était entouré de nombreux disciples des deux sexes ; ils lui demandèrent de fonder un monastère à Savigny. De leur côté les évêques souhaitaient aussi que les ermites itinérants se sédentarisent et fondent des établissements religieux dont ils pourraient surveiller la bonne tenue.
DONATION DE LA FORET DE SAVIGNY PAR RAOUL I
Vital intervint alors auprès du baron Raoul Ier pour obtenir une donation de la forêt. Sa démarche fut d'autant mieux accueillie que Raoul Ier était en conflit avec les bénédictins de Marmoutiers à propos de la chapelle Sainte Marie du château de Fougères qu'il voulait attribuer à d'autres religieux. Les moines de Marmoutiers protestèrent et Raoul Ier n'eut pas gain de cause : il n'était pas fâché d'exprimer son ressentiment en favorisant la fondation d'une abbaye concurrente à Savigny.
L'acte de donation sollicité par Vital fut rédigé en janvier 1113 :
"Moi,RAOUL de FOUGERES...considérant avec une sérieuse attention la fin et consommation de toutes choses...je donne à Dieu Tout-Puissant ma forêt de Savigny, telle qu'elle m'appartient en propre d'hérédité, comme une offrande à Lui présentée en odeur de suavité, et comme un sacrifice du soir offert pour notre salut...
Disons à tous enfants de l'Eglise Catholique...que nous donnons ces fonds pour y bâtir, Dieu aidant, une abbaye par les soins du frère Vital, tant pour son salut et le nôtre, que celui de tout le monde...(1)
Vital choisit d'implanter l'abbaye dans une clairière traversée par une petite rivière. Les premiers bâtiments de l'abbaye furent de simples baraques en bois qui abritèrent une centaine de moines ; tout près de là, au lieu-dit actuellement " Prise aux Nonnes", d'autres baraques furent édifiées pour un petit groupe de moniales qui, peu après, allèrent s'installer au Neufbourg de Mortain où sera construite l'Abbaye Blanche : cette communauté féminine était dirigée, non pas, semble-t-il , par la parente de Saint Vital, Sainte Adeline mais par un moine détaché de Savigny.
Vital de Mortain adopta la règle de saint Benoît dans sa pureté originelle voulant ainsi se démarquer des abbayes bénédictines où cette règle n'était plus suivie. Peu auparavant, en Bourgogne, le moine Robert de Molesmes avait fondé l'abbaye de Cîteaux suivant les mêmes règles que celles observées à Savigny. Cîteaux donna son nom à l'ordre des Cisterciens ; en 1143, Savigny se réunit à Cîteaux en conservant quelques privilèges particuliers, tel celui de patronner des paroisses en bénéficiant des dîmes correspondantes, ce qui était interdit aux Cisterciens. Les règles de Saint Benoît étaient basées sur la prière et le travail manuel ; elles prescrivaient l'austérité, la pauvreté et de multiples privations alimentaires. Toutefois, les dons et les aumônes étaient acceptées car il fallait des ressources financières pour construire l'abbaye et défricher les terres à cultiver.
En arrivant à Savigny, Bernard de Tiron y trouva d'autres ermites : parmi eux Vital de Mortain, prédicateur itinérant qui avait déjà une grande réputation tant en raison de son zèle apostolique que de la dignité de sa vie. La cohabitation devenant sans doute difficile, Bernard de Tiron décida de quitter Savigny pour fonder l'abbaye de Tiron dans le Perche.
Vital était entouré de nombreux disciples des deux sexes ; ils lui demandèrent de fonder un monastère à Savigny. De leur côté les évêques souhaitaient aussi que les ermites itinérants se sédentarisent et fondent des établissements religieux dont ils pourraient surveiller la bonne tenue.
DONATION DE LA FORET DE SAVIGNY PAR RAOUL I
Vital intervint alors auprès du baron Raoul Ier pour obtenir une donation de la forêt. Sa démarche fut d'autant mieux accueillie que Raoul Ier était en conflit avec les bénédictins de Marmoutiers à propos de la chapelle Sainte Marie du château de Fougères qu'il voulait attribuer à d'autres religieux. Les moines de Marmoutiers protestèrent et Raoul Ier n'eut pas gain de cause : il n'était pas fâché d'exprimer son ressentiment en favorisant la fondation d'une abbaye concurrente à Savigny.
L'acte de donation sollicité par Vital fut rédigé en janvier 1113 :
"Moi,RAOUL de FOUGERES...considérant avec une sérieuse attention la fin et consommation de toutes choses...je donne à Dieu Tout-Puissant ma forêt de Savigny, telle qu'elle m'appartient en propre d'hérédité, comme une offrande à Lui présentée en odeur de suavité, et comme un sacrifice du soir offert pour notre salut...
Disons à tous enfants de l'Eglise Catholique...que nous donnons ces fonds pour y bâtir, Dieu aidant, une abbaye par les soins du frère Vital, tant pour son salut et le nôtre, que celui de tout le monde...(1)
Vital choisit d'implanter l'abbaye dans une clairière traversée par une petite rivière. Les premiers bâtiments de l'abbaye furent de simples baraques en bois qui abritèrent une centaine de moines ; tout près de là, au lieu-dit actuellement " Prise aux Nonnes", d'autres baraques furent édifiées pour un petit groupe de moniales qui, peu après, allèrent s'installer au Neufbourg de Mortain où sera construite l'Abbaye Blanche : cette communauté féminine était dirigée, non pas, semble-t-il , par la parente de Saint Vital, Sainte Adeline mais par un moine détaché de Savigny.
Ruines de l'abbaye de Savigny, emplacement du cloître devant la porte Saint-Louis; sur la droite, emplacement de l'hôtellerie |
Vital de Mortain adopta la règle de saint Benoît dans sa pureté originelle voulant ainsi se démarquer des abbayes bénédictines où cette règle n'était plus suivie. Peu auparavant, en Bourgogne, le moine Robert de Molesmes avait fondé l'abbaye de Cîteaux suivant les mêmes règles que celles observées à Savigny. Cîteaux donna son nom à l'ordre des Cisterciens ; en 1143, Savigny se réunit à Cîteaux en conservant quelques privilèges particuliers, tel celui de patronner des paroisses en bénéficiant des dîmes correspondantes, ce qui était interdit aux Cisterciens. Les règles de Saint Benoît étaient basées sur la prière et le travail manuel ; elles prescrivaient l'austérité, la pauvreté et de multiples privations alimentaires. Toutefois, les dons et les aumônes étaient acceptées car il fallait des ressources financières pour construire l'abbaye et défricher les terres à cultiver.
Le baron de Fougères, Raoul Ier, n'avait cessé de favoriser le développement de Savigny. A la fin de sa vie, il alla s'installer dans l'abbaye et y mourut en 1120. A cette époque les seigneurs et les gens tant soit peu fortunés faisaient des dons importants aux abbayes en échange de prières et de messes pour faciliter leur passage devant le tribunal divin. On craignait alors beaucoup moins la mort que le jugement dernier. Lui-même et ses descendants se firent enterrer à Savigny et l'on suppose que leurs pierres tombales se trouvaient dans le cloître devant l'entrée de la salle du Chapître.
Général Jean Barreau : "L'Abbaye de Savigny",article
paru dans Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique
et Historique de Fougères. Tome XXXII, partiellement reproduit.
Clichés: JPGallais.
Clichés: JPGallais.
(1): acte cité par J. Durand de Saint-Front dans le tome I,3 du bulletin de la Société d'Histoire du Pays de Fougères.
Maquette de l'abbaye réalisée par Louis Saint-Pois exposée sur le site-même à l'occasion du 900 ème anniversaire de la fondation. |
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