dimanche 5 février 2012

Personnages d'Histoire : Marie Collin

Une Héroïne populaire :  MARIE COLLIN


Monument de la République, Rimou.



              Lorsque le 14 octobre 1906 on installa sur la place de Rimou le buste en bronze de Marianne, symbole de la République, à laquelle la petite commune n’avait eu de cesse d’être attachée depuis la Révolution, beaucoup se souvinrent d’une fille du pays, Marie Collin, dont l'histoire héroïque transmise de génération en génération, parfois enjolivée d’ailleurs,  remontait à la prise du bourg de Rimou par les chouans de du Boisguy en 1796. On n’hésita pas à trouver dans les traits de Marianne ceux de Marie Collin : ressemblance gratuite et symbolique ! Le personnage est réellement historique, mais comment  Marie Collin s'était-elle illustrée ?

Marie Françoise Collin  était née à Rimou, au village du Boisbaudry, le 26 avril 1776. Elle épousa Jean-Baptiste Berthelot, maréchal-ferrant à Rimou et s'éteignit en 1833. Lors de la prise du bourg de Rimou par les Chouans au cours de laquelle elle  brilla par sa vaillance en défiant les tirs, elle avait 20 ans ; rien ne la prédestinait à devenir momentanément une Amazone de chez nous, sinon la fibre  républicaine.

 Que s’était-il donc passé en 1796 ?  Par sa situation sur la ligne du Couesnon gardée par des garnisons républicaines, notamment à Tremblay et à Antrain, Rimou est un point stratégique important. Pour correspondre avec le pays de Dol, il faut franchir le Couesnon, les chouans du pays de Fougères doivent pouvoir communiquer jusqu’aux rives du Clos-Poulet aux alentours du port de Saint-Malo pour faire passer courrier, argent, armes et munitions venant de Jersey et d’Angleterre. Pour s’assurer de ce libre passage, ces bourgs, convoités par les Chouans, font l’objet de leurs attaques.


 UNE DEFENSE  HEROIQUE

 Le 13 mai 1795, Rimou « qui était une des communes les plus républicaines du département» subit un coup de main de la part des Chouans. Alors que les hommes étaient occupés aux travaux des champs, une bande de Chouans pénétra dans le bourg. N’y trouvant que des femmes, des vieillards et des enfants, ils en maltraitèrent plusieurs avant d’abattre l’Arbre de la Liberté et de piller quelques maisons.  L’alarme ayant été donnée,courageusement une poignée d’habitants se réunirent en armes pour défendre leurs biens. Les Chouans s’en allèrent dans la direction de Tremblay. Mais les Rimois restaient pour les chouans d’infatigables adversaires, « toujours prêts à faire des patrouilles ou des battues, toujours prêts à voler au secours des communes attaquées ».






 A. du Boisguy
portrait anonyme in E.Aubrée 

 Le 21 février 1796, Aimé du Boisguy, le jeune et intrépide chef chouan du pays de   Fougères, voulant se rendre maître de la vallée du Couesnon, décide de passer à l’attaque du bourg de Rimou. Attendant des munitions d’Angleterre, il veut s’assurer le contrôle des points de passage sur le Couesnon, Romazy et Rimou en font partie. La prise de Rimou est racontée par divers historiens locaux, et selon la tendance de ces auteurs, les faits sont narrés avec plus ou moins de détails. Ils sont à prendre avec précaution, car les archives manquent parfois pour les rendre absolument conformes avec la réalité des faits.


  

L’abbé Joseph Louet qui reprend le récit de la prise de Rimou fait par du Breil de Pontbriand, beau-frère du Boisguy, précise que le tocsin avait rameuté « une foule énorme composée de tous les patriotes, territoriaux et une masse de paysans de Sens, Gahard, Saint-Rémy, Saint-Marc-le-Blanc et autres paroisses de ce canton, mais le nombre leur fut nuisible et les paysans prirent la fuite dans un tel désordre qu’ils entraînèrent avec eux les gardes territoriaux… ». Il parle ensuite de « l’héroïne Rimoise », Marie Collin « une vieille fille… à la force herculéenne que lui prête la tradition… »

Si l’on veut bien mettre de côté l’ironie des deux auteurs cités plus haut qui prennent fait et cause pour les Chouans, sur le rôle joué par Marie Collin lors de la prise du bourg de Rimou le 21 février 1796 et minimisent l’action menée par quelques femmes du pays, il faut bien se référer à Théodore Lemas pour éclairer quelque peu cette histoire, même si l’on sait que cet auteur républicain a pu l’enjoliver à sa manière pour rendre hommage à leur bravoure...
" Deux fois les Chouans tentèrent de s’emparer de ce bourg, deux fois ils furent repoussés. La position naturelle de Rimou, située sur une colline autour de laquelle tourne sinueusement le Couesnon, l’avantageait au point de vue de la défense et la mettait à l’abri d’un coup de main. Aussi, si le 21 février elle succomba, ce fut surtout sous le nombre de ses ennemis qui s’élevait à plus de 3.000.

C’est alors que Marie Collin, compenant les dangers qu’allait courir son père, fermier au Boisbaudry, vieillard paralytique et patriote connu, si les chouans parvenaient à la ferme, le prit sur son dos et le porta à plus d’une lieue de là, au village du Hamel. Son père en sûreté, Marie Collin, s’arma d’un fusil, remplit son tablier de cartouches, alla rejoindre les combattants et prit part à la mêlée
     A Rimou, la résistance s’organisait sous les ordres du commandant de la garde nationale, Gilles Trébourg. Mais les tirailleurs rimois faiblissaient et les Chouans gagnaient du terrain. La retraite sur Rimou se précipita : à chaque champ, c’était un échange rapide de coups de feu ; dans celui de la Douve, une balle brise la branche d’un chêne au-dessus de la tête de Marie Collin ; ses compagnons la croient blessée : « Non ! non ! crie la courageuse enfant, du courage ! ». Bientôt les Chouans se présentèrent à la fois à toutes les issues. A la butte du Châtel, qui domine le bourg, un groupe de défenseurs, parmi lesquels trois femmes, Marie Collin, Marguerite Grohan, de la Hervelinais qu' un historien  a qualifiée de « virago fumant la pipe comme un grenadier », et Julienne Trébourg, la sœur de Gilles, faisait un feu ardent contre les Chouans qui dirigeaient toutes leurs balles sur ce point. Se rendant compte du nombre des défenseurs, les Chouans livrèrent un assaut furieux à Rimou et pénétrèrent dans le bourg. Les gardes nationaux et les citoyens rimois prirent la fuite de toutes parts et coururent se réfugier au bois de la Vigne, où la population s’était retirée à la nouvelle de la marche des Chouans. Là, sous le commandement de Gilles Trébourg, ils s’organisèrent en usant des dispositions du terrain pour défendre chèrement leur vie..."




 Les  Rimois défendirent opiniâtrement leurs positions et tinrent les Chouans en échec mais Gilles Trébourg succomba sous leurs balles. Quant à Marie Collin, François Depasse nous dit qu’après l’affaire du bois de la Vigne, elle retourna chercher son vieux père au Hamel et le conduisit à Antrain. On lui conseilla d’aller trouver le capitaine afin d’obtenir une récompense mais elle répondit : « Je ne tiens pas au gain, j’ai sauvé mon père, c’est tout ce que je demandais »  
 Quelle Rimoise pouvait incarner mieux qu'elle les  valeurs de la  nouvelle pietas : le culte désintéressé de la  famille et de la République confondues ? On imagine l'envergure romanesque qu'elle aurait pu  prendre sous la plume d'un Victor Hugo ou d'un  Emile Zola…



LA  RECONNAISSANCE DE LA POSTERITE



             Son  nom est resté longtemps gravé dans la mémoire collective de Rimou : ainsi,lors de l'instauration de la II ème République en 1848, Madame Lendormy, fille de Marie Collin, fut la marraine du  nouvel Arbre de la Liberté. Ce fut elle qui entonna la Marseillaise.
 Les arbres symboliques ont disparu  au gré de l'Histoire mais Rimou porte toujours très haut son panache républicain.  C'est à l'occasion d'une grande fête républicaine que le monument offert par les Républicains d'Ille-et-vilaine a été inauguré le 14 octobre1906 ; le souvenir de Marie Collin, devenue  en la circonstance la figure emblématique des libertés républicaines y est évoqué,  les maisons sont pavoisées, des inscriptions rappellent  les noms des héros de 1796 : Marie Collin,  Gilles Trébourg, le curé Macé. Des arcs de triomphe sont élevés avec des banderoles à la gloire des Républicains et même les cloches sonnent pour la République acclamée par une foule estimée à  5000 personnes.

Les journaux locaux et départementaux  couvrent l'évènement ; La Chronique Républicaine, qui a largement contribué à la publicité de la  fête  et battu le rappel dans les numéros précédents, lui consacre un supplément spécial où sont rapportés les fastes républicains et toutes " les belles paroles de réconfort civique ".  L'écho est tout autre  dans Le Journal de Fougères, du bord opposé, à une époque où les hostilités avaient été avivées  par les lois de séparation  de 1905 ; la polémique  envenime  les colonnes de semaine en semaine et voilà  la fête" blocarde "ridiculisée, l'héroïne démythifiée et Marianne réduite à une vulgaire "babiole de brocante"...




Textes: Marcel Hodebert,
           Jean-Paul Gallais.  
clichés: Marcel Hodebert. 

            

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