mardi 28 février 2012

ABBAYE DE SAVIGNY II: SAINT VITAL

SAINT VITAL DE MORTAIN, fondateur de l'abbaye de     SAVIGNY (1050-1122).



          La première " Vie du bienheureux  Vital " est une oeuvre en latin écrite par Etienne de Fougères,  ecclésiastique et poète auteur du "Livre des manières", chanoine de la collégiale Saint-Evroult de Mortain avant d'être évêque de Rennes  de 1168 à  1178 ; lui-même  fréquentait beaucoup Savigny . Sur l'encouragement de Jocelin, abbé du monastère de Savigny, il  a consenti à écrire la " Vita  beati Vitalis " sans déroger aux codes qu'implique le genre hagiographique destiné à édifier et porté au merveilleux. Il  s'est  appuyé  sur des témoignages oraux et  sur le  Rouleau mortuaire de saint Vital (1). La vie de saint Vital   et celle  des saints de Savigny ont  inspiré  beaucoup de biographes ; au XVIIIème, dom Claude Auvry,  prieur  de Savigny, a écrit une "Histoire de la Congrégation de Savigny" et compilé  plusieurs récits traditionnels sur saint Vital ; ce manuscrit original, par ailleurs imprimé, est  toujours conservé à la médiathèque de Fougères (Ms VII). Ces récits de vie greffés sur  Etienne de Fougères et sur le Rouleau mortuaire de saint Vital, relus, revisités  par Hippolyte Sauvage "Saint Vital et l'abbaye de Savigny "en 1895 et par de nombreux chercheurs plus récemment composent un  long palimpseste  d'où  les zones d'ombre n'ont pas totalement disparu.



 Eglise Saint-Léonard, Fougères: saint Bernard de Tiron, qui fut ermite  dans les forêts de Craon, Fougères et Savigny,  saint Vital en abbé - étonnamment jeune , Julien Maunoir et  saint Hamon, moine de  Savigny originaire de Saint-Etienne-en-Coglès. Ateliers Lorin,1959.


      Vital est né vers 1050 à Tierceville près de Bayeux  dans une famille noble de moyenne fortune ; en  raison de ses qualités intellectuelles et de ses dispositions  spirituelles, on l'envoie étudier à l'université de Liège. Remarqué pour sa piété, il a été pressenti pour la prêtrise par l'évêque de Bayeux, Odon de Conteville. Devenu prêtre, il est appelé par le comte Robert de Mortain qui souhaite en faire son chapelain, en même temps il est chanoine de la collégiale Saint-Evroult.

 LE CHOIX DE LA VIE EREMITIQUE

        En 1093 , après  plusieurs années passées à  la cour du comte de Mortain, Vital décide de quitter le monde et de distribuer ses biens pour se retirer en ermite  dans les rochers du Neufbourg,  près  de la cité .
       De là, il rejoint les ermites de la forêt de Craon, devenue le refuge de nombreux ascètes à tel point qu'on l'a appelée la "Thébaïde du Maine". Robert d'Arbrissel, futur fondateur des abbayes de la Roë et de Fontevraud y  rayonnait déjà par la richesse de sa prédication, de même Raoul de la Futaie, fondateur de l'abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt près de Rennes. Bernard d'Abbeville, plus connu sous le nom de Bernard de Tiron ne tarde pas à les rejoindre.

  L'EXIGENCE EVANGELIQUE A LA LETTRE

 Le ministère de la prédication: moine enseignant,
 maître-autel, église de Savigny.
        En 1095, le pape Urbain II décide la première croisade  en vue d'une reconquête de la Terre Sainte et demande à Robert d'Arbrissel de prêcher dans l'Ouest pour une véritable conversion et pour le succès de l'entreprise ; Robert d'Arbrissel est secondé par Vital dont les talents d'orateur sont connus ; prédicateur itinérant infatigable, il porte la bonne parole  jusqu'en Angleterre.
 D'après Dom Auvry, il a participé en 1102 au Concile de Londres  réuni par saint Anselme, archevêque de Cantorbéry dans le cadre de la réforme grégorienne : "pour rétablir la pureté des moeurs parmi les fidèles  et dans le clergé".   Son message est vivant, incisif et intransigeant : "il était incapable de déguiser la vérité ni par la crainte  ni par la faveur des puissants" écrit Dom  Claude Auvry.

   A son retour, il souhaite s'isoler dans la forêt de Fougères et s'impose un mode de vie très austère. Son aura attire  d'autres ermites : parmi eux se trouve  Bernard de Tiron  qui  choisit le site  depuis lors appelé le " Chênedet" et lui-aussi est suivi de nombreux  adeptes. Le  comte de Fougères, Raoul Ier, craignant pour la tranquillité de ses terrains de chasse favoris, demande  à Vital de  s'installer avec sa petite communauté  d'ascètes sur  une partie de ses possessions de la forêt de Savigny.

 Eglise du Neufbourg près de Mortain : saint Vital et sainte Adeline font l'offrande de leur fondation.

 Entre-temps, Vital aurait fondé en 1105 le monastère de la Sainte Trinité au Neufbourg avec l'aide de sa parente Adeline.  Au cours de ces années, il   implante  un ermitage à Dompierre  en Mantilly dans l'Orne, non loin de Savigny . Plusieurs moines le suivent dans ce vallon retiré de la  forêt de Passais où sinue  une petite rivière, la Colmont. Cet ermitage devient le prieuré de Dompierre en 1119,   quand  le roi d'Angleterre Henri 1er  Beauclerc lui octroie quelques terres.



       








                             
                                   Mantilly : état actuel  de l'ancien prieuré de Dompierre (propriété privée)
        décrit dans l'ouvrage d'Hippolyte Sauvage Saint Vital et l'abbaye de Savigny consultable sur le site de la BNF p.42 en ouvrant le lien qui suit:


           Voilà qu'en 1106 un conflit oppose deux fils de Guillaume le Conquérant : Robert Courteheuse, duc de Normandie et Henri Beauclerc, roi d'Angleterre: Vital s'interpose en vain, il ne peut empêcher la bataille de Tinchebray et, comme il se trouve lié aux  comtes de Mortain, les grands perdants, les  terres attachées à la fondation de la Trinité du Neufbourg lui  sont confisquées.

 L A FONDATION DE L'ABBAYE DE SAVIGNY

 

        Vers 1108, Vital crée un ermitage dans la forêt de Savigny, il est entouré d'une communauté d'ascètes ; la même année,  Bernard de Tiron quitte son ermitage de "Chênedet"  et se dirige vers la forêt de Savigny où il retrouve  Vital et les siens, pour peu de temps car  Bernard s'en va fonder son abbaye à Tiron, près de Nogent-le-Rotrou.
 C'est en 1112 que  le comte de Fougères  Raoul Ier   octroie officiellement   la forêt de Savigny à Vital qui lui en a fait la demande, cette donation est confirmée  par  le duc de Normandie, roi d'Angleterre, Henri Ier Beauclerc en mars 1113. 
 La communauté s'organise et s'agrandit , on construit une première église de bois; Vital   donne à  cette communauté la règle de saint Benoît. A quelques centaines de mètres,  au lieu-dit "la Prise aux Nonnes", on  pose les bases d'une communauté des femmes, à l'image des abbayes doubles fondées par Robert d'Arbrissel.
 Vital mène de front sa fondation et son apostolat: il n'a pas renoncé au ministère de la parole et, en 1119,  il aurait encore participé au concile de Reims .
  Il s'éteint  au prieuré de Dompierre en 1122, pendant l'office. 
 
  Eglise de Savigny-le -Vieux: cénotaphe de saint Vital ( XVII ème ).  L'inscription latine mentionne un miracle
de saint Vital:la résurrection d'un soldat.


 (1): Le Rouleau mortuaire ou obituaire de saint Vital est  constitué de quinze feuilles de  parchemin cousues (9m50x22.5cm) sur lequel on a écrit l'éloge  du fondateur défunt et qui a  voyagé d'une abbaye à l'autre, selon la tradition  de l'époque. Chacune y ajoutait  son hommage et ses prières.

                       Texte et photos : Jean-Paul Gallais.

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